Saison pluvieuse à Conakry : les cordonniers de Matoto-marché éprouvés par la rareté de clients

« La pluie et le cuir ne font pas bon ménage ». Et, les cordonniers de Conakry peuvent bien confirmer cet adage en saison des pluies. Car, en période, surtout au mois d’août, ils sont très souvent frappés par la rareté de clients. Ils peuvent passer des semaines sans qu’un client ne leur demande le prix d’une paire de chaussures. C’est le cas actuellement dans les cordonneries qui se trouvent au marché de Matoto, dans la haute banlieue de Conakry.

Les artisans qui y travaillent éprouvent d’énormes difficultés à écouler leurs produits. Les chaussures et autres articles en cuir qui y sont fabriqués contribuent plus à encombrer les lieux qu’à nourrir leurs fabricants en quête du quotidien, a constaté Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Actuellement, dans les rues de Conakry, il est extrêmement rare (pour ne pas dire impossible) de rencontrer un citoyen chaussé d’une paire de cuir de fabrication locale. Ces chaussures ne sont achetées que très rarement en cette période de grandes pluies. Et, cette situation ne favorise pas l’accroissement des économies des artisans cordonniers. Abdoulaye Sylla, diplômé en lettres modernes, pratique la cordonnerie au marché de Matoto pour échapper au chômage. Mais, en cette saison des pluies, les affaires ne marchent pas.

Abdoulaye Sylla, cordonnier au marché Matoto

« Pour le moment, avec la saison pluvieuse, nos produits ne marchent pas beaucoup. Nous, ce qui nous arrange à l’heure-là, c’est les grossistes. Mais, eux aussi, ils n’achètent pas pendant la pluie. Ce sont des clients qui viennent faire des commandes d’une, deux, trois ou quatre paires au maximum. Et, en plus, les gens qui partent en vacances à l’extérieur viennent aussi faire des commandes… Mais, quand tu es habitué à revendre une centaine de paires par jour, c’est difficile d’être dans une situation où tu peux rester deux ou trois jours avant d’avoir une commande d’une ou deux paires. Actuellement, on s’accroche seulement », a dit Abdoulaye Sylla.

Autres difficultés rencontrées par les cordonniers du marché de Matoto pendant cette saison des pluies, c’est l’obtention du matériel de travail, notamment les peaux d’animaux qui constituent une précieuse matière première. Abdoulaye Sylla assure qu’ils sont obligés parfois d’utiliser du caoutchouc à la place du cuir. Du caoutchouc qui devient de plus en plus rare.

« À l’heure-là c’est très difficile. Pendant la saison sèche, vous pouvez trouver beaucoup de marchandises (matière première). Mais, à l’heure-là, avec la crise, on ne gagne pas facilement les matières premières. Les peaux, pour faire le tramage et le séchage, c’est très difficile pendant la pluie. Et, en plus, parfois on utilise du caoutchouc pour mettre sous les semelles. Ça aussi, c’est devenu très difficile à avoir. Le prix aussi a beaucoup monté. Avant, on pouvait acheter un mètre de caoutchouc à 35 000 francs guinéens. Mais, à l’heure-là, tu ne peux avoir un mètre à moins de 75 000 ou 80 000 francs. Et nous, jusqu’à présent, on revend la paire de chaussures au même prix », a-t-il expliqué.

Face à la rareté des clients, les cordonniers tentent d’innover pour se refaire une santé financière. Et, dans cette quête, ils ont trouvé un moyen de fabriquer des chaussures qui résistent à l’eau.

« Vous voyez la chaussure là, ça c’est une fabrication nigériane. Maintenant, dans cette chaussure, il y a du carton. Si on compare ce qu’on fabrique ici à cette fabrication nigériane, vous verrez que nous avons les produits les plus garantis. Par exemple, regardez cette paire, c’est 100% cuir. Il n’y a aucun carton dedans et on a mis encore un plastique pour protéger la peau. On a des chaussures qui sont très garanties qui peuvent résister à l’eau », a rassuré Abdoulaye Sylla.

Pour cet autre jeune cordonnier, Souleymane Fatoumata Barry, diplômé en philosophie, la saison des pluies a toujours été une conjoncture difficile pour les cordonniers. Et, actuellement, les affaires tournent au ralenti.

Souleymane Fatoumata Barry, cordonnier au marché Matoto

« Nous dirons que c’est un peu difficile, mais ça ne nous empêche pas de pratiquer notre activité. Malgré la pluie, on se débrouille pour avoir notre dépense pour nourrir nos familles… On s’adapte au moment. Si c’est la saison sèche, nous savons quelles sont les qualités, les genres qui peuvent résister. Et, si c’est la saison pluvieuse, nous savons aussi quels sont les modèles, les genres de chaussures et les genres de produits qu’il faut utiliser. C’est une activité qui nous permet de lutter contre le chômage », a indiqué Souleymane Fatoumata Barry.

Ansou Baïlo Bah pour Guineematin.com

Facebook Comments Box