Procès du 28 septembre : l’avocat de Toumba Diakité dénonce un « massacre de la procédure et des règles de Droit »

Me Paul Yomba Kourouma, avocat du commandant Aboubacar Sidiki Diakité "Toumba"

Me Paul Yomba Kourouma : « Voici un malade qui n’a jamais été vu par un médecin, malgré les recommandations faites. Il se tord de douleur, sa nourriture est considérablement réduite. Un plat pour 24 heures, il ne boit pas à sa soif, il ne dort pas à sa guise. On veut faire comparaître un tel sujet pour se défendre contre 700 parties civiles. Alors, ça veut dire tout le massacre, toute la confirmation de ce que nous avons déjà dit par le passé que Toumba est l’agneau qui est préparé pour servir de libation le jour du procès… Il a tout le temps été ségrégué, marginalisé et privé de tout mouvement… ».

Attendue depuis 13 ans, l’ouverture du procès des massacres du 28 septembre 2009 est prévue dans une semaine (le 28 septembre 2022) à Conakry. Et, plusieurs personnalités sont attendues à la barre. Parmi les inculpés qui devraient être sur le box des accusations, figure Aboubacar Sidiki Diakité, alias ‘’Toumba’’, l’ex aide de Camp du capitaine Moussa Dadis Camara (le président de la junte, le CNDD, qui avait pris le pouvoir le 2″ décembre 2008, au lendemain de la mort du président Lansana Conté). Toumba est en prison à la maison centrale de Conakry depuis le mois de mars 2017. Et, ce procès est un moyen pour lui de prouver son innocence qu’il a toujours clamée dans cette affaire. Mais, pour son avocat, Me Paul Yomba Kourouma, « il y a beaucoup d’impréparation et un massacre de la procédure et des règles de Droit » dans l’organisation de ce procès.

Dans un entretien qu’il a accordé récemment à un reporter de Guineematin.com, cet avocat au barreau de Guinée a dénoncé les misérables conditions de détention d’Aboubacar Sidiki Diakité. Me Paul Yomba Kourouma a aussi laissé entendre que « Toumba est l’agneau qui est préparé pour servir de libation le jour du procès » du massacre du 28 septembre 2009.

Décryptage !

Guineematin.com : Avec quel sentiment vous avez accueilli la fixation de la date de l’ouverture du procès des massacres du 28 septembre ?

Me Paul Yomba Kourouma : Ça été une très bonne idée de vouloir tenir enfin ce procès. Mais, nous remarquons qu’à l’origine, il y a beaucoup d’impréparations. Il y a matière à débat. Rien n’est au point encore pour qu’enfin ce procès-là se tienne. D’abord, l’instruction à elle-même était inachevée bien que bouclée. La question de la compétence du tribunal compétent pour connaître de cette affaire se pose. Parce qu’il y a un conflit qui va naître entre le tribunal de première instance de Dixinn et le tribunal ad hoc érigé sous ses auspices. Alors, ce sont des questions très essentielles. Nous avons dit donc que le massacre de la procédure, le massacre des règles de droit, le rejet de nos instruments juridiques par le département de la justice pour enfin imposer ce procès tant attendu sont des obstacles, des faits que nous dénonçons et qui ne pourraient pas augurer de bon lendemain quant à la réputation de notre justice, de notre système judiciaire.

Guineematin.com : À quoi peut s’attendre si ces impréparations ne sont pas corrigées ?

Me Paul Yomba Kourouma : C’est la nullité des actes. Vous voyez que nous avons déjà reçu des citations pour l’audience du 26 septembre. Alors, on vient nous dire que c’est renvoyé pour le 28 septembre. Donc, il faut encore reprendre des citations, parce que les premières sont caduques. Alors, il y a trop d’impréparations. Si ces tares et insuffisances ne sont pas corrigées, elles ne peuvent l’être même dans le délai imparti-là, sincèrement je crois que le procès sera renvoyé.

Guineematin.com : Avec ces impréparations, est-ce que vous allez participer à ce procès ?

Me Paul Yomba Kourouma : Tout à fait. Nous participerons, nous soulèverons les questions préjudicielles, les questions de droit. Et, il y aura des incidents de procédure qui doivent être réglés par la juridiction.

Guoneematin.com : Comment préparez-vous la défense de votre client ?

Me Paul Yomba Kourouma : Nous sommes en train de la préparer. Depuis d’ailleurs bientôt 6 ans que nous préparons cette défense. Nous savons que ce monsieur, à part la commune renommée, à part ce que l’opinion publique a pensé de lui à un moment donné, il n’a participé ni de près ni de loin, ni à la conception, ni à la préparation, ni à l’exécution de ce massacre. Il apportera les preuves pour sa disculpation.

Guineematin.com : À votre avis, qu’est-ce qui pourrait expliquer la précipitation de ce procès ?

Me Paul Yomba Kourouma : Les programmes politiques qui ne sont pas ceux de la justice. Nous soupçonnons cette lancée-là par le fait qu’il y a peut-être des rencontres à l’international. Le sommet des Nation-Unies et celui de la CEDEAO qui doivent se tenir, ainsi de suite. Il faut prouver qu’en matière de respect des droits de l’homme et autres qu’effectivement il y a une volonté en Guinée de vouloir connaître cette affaire et de l’évacuer. C’est pour peut-être avoir des points, sinon on ne peut pas. Et, il en a toujours été comme ça à la date anniversaire ou à la veille de la date anniversaire de ce procès, on fait des annonces de charme, des promesses qui ne peuvent voir le jour et ce sera encore le cas pour le procès-là. À moins de le forcer, parce qu’il peut y avoir des magistrats aux ordres. Mais, je ne pense pas que ce procès ait effectivement lieu pour le moment. Ça devra être repoussé.

Guineematin.com : Les avocats des personnes citées dans les dossiers devaient être reçus par le garde des sceaux hier (vendredi). Est-ce que vous avez été reçus ?

Me Paul Yomba Kourouma : Nous avons reçu l’invitation du ministre de la justice de venir en débattre avec lui. Nous aurions même profité pour lui poser assez de questions relatives même à la question de la sécurité des avocats et autres. Mais, advenu l’heure, il (le ministre Charles Wright) a utilisé le terrain, il est allé à une autre rencontre au CNT, oubliant qu’il a diffusé un communiqué que nous n’étions même pas tenu de respecter. Parce que nous nous dépendons d’un ordre, nous ne dépendons pas d’un ministre de la justice. Il devait passer par le bâtonnier de l’ordre des avocats. Mais, ne maîtrisant pas toutes ces formalités, nous lui en avons fait grâce et nous sommes respectueusement aller à sa rencontre quand nous avons trouvé son bureau vide.

Guineematin.com : Depuis très longtemps vous attirez l’attention sur l’état de santé de votre client. Est-ce qu’aujourd’hui il est apte à se défendre à la barre ?

Me Paul Yomba Kourouma : Votre question est primordiale, elle est fondamentale. Voici un malade qui n’a jamais été vu par un médecin, malgré les recommandations faites. Il se tord de douleur, sa nourriture est considérablement réduite. Un plat pour 24 heures, il ne boit pas à sa soif, il ne dort pas à sa guise. On veut faire comparaître un tel sujet pour se défendre contre 700 parties civiles. Alors, ça veut dire tout le massacre, toute la confirmation de ce que nous avons déjà dit par le passé que Toumba est l’agneau qui est préparé pour servir de libation le jour du procès. Mais, ça ne pourra pas se tenir comme ça. Il a tout le temps été ségrégué, marginalisé et privé de tout mouvement, au point qu’on a pensé qu’on voulait lui faire mourir de sa propre mort et éteindre cette affaire du 28 septembre comme s’il en était le géniteur.

Propos recueillis et décryptés par Mohamed Guéasso DORÉ pour Guineematin.com

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