Causes, symptômes, prise en charge de l’hypertension artérielle : Dr Ousmane Soumaré à Guineematin

Dr Ousmane Soumaré, médecin

L’hypertension artérielle, la « tueuse silencieuse », gagne du terrain et fait de nombreuses victimes en Guinée. De nos jours, plusieurs personnes en sont affectées sans pour autant s’en rendre compte. Mais, quelles sont les causes de l’hypertension artérielle ? Quelles sont ses conséquences ? Que dire de la prévention de l’hypertension et de ses moyens de lutte ? Pour répondre à toutes ces questions, un reporter de Guineematin.com a donné la parole hier, lundi 10 octobre 2022, à Dr Ousmane Soumaré, médecin interne en cardiologie à la Nouvelle Clinique de Gbessia.

Guineematin.com : qu’est-ce que l’hypertension artérielle ?

Ousmane Soumaré : selon l’organisation mondiale de la santé, l’hypertension artérielle se définit par l’élévation des chiffres tensionnels supérieurs et ou égal à 140/90 mmHg. Il faut préciser que ce n’est pas une maladie en soi, mais c’est un symptôme qui peut être entraîné par plusieurs pathologies. Il est ainsi classé parmi les facteurs de risques cardiovasculaires majeurs. L’élévation de la tension artérielle dont on fait cas, doit être chronique dans le temps. Parce qu’il y a des élévations passagères ou temporaires qui peuvent survenir comme lors de la prise de certains stupéfiants comme l’amphétamine, les crises d’émotion…etc. C’est pourquoi le médecin doit toujours rechercher à l’interrogatoire, un facteur déclenchant pour ne pas poser le diagnostic d’une fausse hypertension.

Guineematin.com : parlant des causes, on entend souvent parler d’hypertension artérielle primaire ou secondaire ?

Ousmane Soumaré : l’hypertension artérielle peut être primaire ou secondaire. Elle est dite primaire ou essentielle, lorsqu’elle est de cause inconnue. Malheureusement, cette catégorie d’hypertension artérielle est la plus répandue. Elle représente 90% des cas d’hypertension artérielle. Il y a aussi l’hypertension artérielle secondaire qui représente les 10% des cas d’hypertension artérielle. Il est dit secondaire car la cause est connue. C’est une élévation des chiffres tensionnels, mais consécutive à une pathologie déterminée. Cela peut être un phéochromocytome, une insuffisance rénale, une coarctation de l’aorte, un rétrécissement de l’artère rénale. Ça peut être lié également à un trouble hormonal. Cette dernière catégorie d’hypertension artérielle est traitable en éliminant la cause. Si c’est l’insuffisance rénale qui a été à la base de la survenue de l’hypertension artérielle, on traite l’insuffisance rénale, pour faire baisser la tension.

Guineematin.com : parlant de cette pathologie, quelles sont ses conséquences ?

Ousmane Soumaré : il faut savoir que l’hypertension artérielle fait partie des grands facteurs de risques cardiovasculaires. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que l’hypertension artérielle est un symptôme qui peut être à la base de la survenue d’une maladie cardiaque dans le temps. L’hypertension artérielle peut être à la base de l’insuffisance cardiaque, ça fait partie même de la complication de l’hypertension artérielle, le cœur devient gros et à la longue il devient insuffisant et ne peut plus assurer sa fonction de pompe. L’hypertension artérielle peut entraîner un infarctus du myocarde appelé dans les quartiers crise cardiaque, l’hypertension peut être à la base des accidents cardio vasculaires cérébraux. L’hypertension artérielle peut être aussi à la base de l’insuffisance rénale.

En gros, l’hypertension artérielle peut avoir plusieurs conséquences néfastes pour l’organisme. On l’a dit, ce n’est pas une maladie, et les anglo-saxons l’appellent « silent killer », c’est-à-dire une tueuse silencieuse. Quelqu’un peut être touché par d’hypertension artérielle pendant plusieurs années et vaquer à ses occupations sans faire l’objet d’une hospitalisation. Mais, il se trouve que la maladie est en train de faire ses effets en silence. Parce que le cœur va commencer à grossir et un jour il devient insuffisant et il n’arrive plus à assurer sa fonction d’aspiration et de pompe du sang dans le corps. Ce sont des malades comme ça on trouve à l’hôpital avec le ventre et les pieds enflés et quand ils font deux à trois marches ils sont essoufflés.

Guineematin.com : vous venez de dire que l’hypertension artérielle n’est pas une maladie, mais un symptôme, alors quels sont les signes d’une hypertension artérielle et comment diagnostiquer hypertension artérielle ?

Ousmane Soumaré : le patient va se plaindre de maux de tête intenses, de bourdonnements à l’oreille, de flux visuels, de vertiges, etc. Ce sont les signes de Dieulafoy. Ils sont caractéristiques de l’hypertension artérielle. Le diagnostic se pose devant un faisceau d’arguments. Il faut passer à l’interrogatoire, demander aux patients s’ils présentent les symptômes tels que les maux de tête, les bourdonnements et les sifflements à l’oreille, une vision floue ou des épisodes de vertiges. Ensuite, chercher à savoir s’il n’y a pas d’antécédent dans sa famille, c’est-à-dire savoir si un parent proche du premier degré du patient n’est pas hypertendu, parce que ça peut être héréditaire. La plupart des patients qui développent l’hypertension artérielle primaire ou essentielle ont le plus souvent un parent hypertendu, c’est pourquoi il faut rechercher le facteur lié à l’hérédité.

Après l’interrogatoire on passe à l’examen physique, on prend la tension du malade. Après avoir pris la tension, quand le médecin trouve que les chiffres tensionnels sont élevés, qu’est-ce qu’il fait ? Il a deux possibilités et ça, c’est quand les chiffres tensionnels n’atteignent ou ne dépassent pas le grade 3 de l’OMS (180/110 mmHg): la première possibilité est l’automesure à domicile avec un tensiomètre électronique durant trois jours et la deuxième possibilité c’est la MATA ou la mesure ambulatoire de la tension artérielle (le dispositif fonctionne à l’aide d’un brassard connecté à un enregistreur placé en ceinturon autour de la taille et qui fait des prises automatiques de tension artérielle chez le patient à chaque 15 min).

Si c’est un hypertendu chronique, la tension sera élevée à l’hôpital tout comme à la maison. On appelle ça la vraie hypertension artérielle. Ces genres de patients, on les met automatiquement sous traitement. Si ce n’est pas un hypertendu chronique, la tension sera élevée à l’hôpital et basse à la maison, on parle de fausse hypertension artérielle. Et ces patients on ne les met pas sous traitement, mais on doit les surveiller. Parce que ce ne sont pas des vrais hypertendus. Donc, ce ne sont pas toutes les personnes hypertendues à l’hôpital qu’on doit directement soumettre au traitement antihypertenseur.

Guineematin.com : qu’en est-il de la prise en charge et des traitements pour stabiliser l’hypertension artérielle ?

Ousmane Soumaré : maintenant, si quelqu’un est confirmé hypertendu et que la tension n’est pas trop élevée, on lui demande de respecter les mesures hygiéno-diététiques, d’éviter l’alcool, le tabac, le stress, qui sont des facteurs de risques, de diminuer la consommation du sel et des bouillons, communément appelés Maggi. On recommande le sport au patient, mais pas quand la tension artérielle est élevée. Une personne obèse, qui a trop de poids, on lui demande de faire le sport. Si le diagnostic prouve que le patient souffre d’hypertension artérielle secondaire, le traitement est en fonction de l’étiologie. Il est fortement recommandé de traiter de nos jours, l’hypertension artérielle surtout par les anglo-saxons avec la bithérapie, c’est-à-dire associé deux molécules antihypertenseurs. Parce que les études ont prouvé que la monothérapie est un facteur de non équilibre de l’hypertension artérielle.

Prendre un seul médicament aujourd’hui ne diminue pas la tension. L’objectif du traitement de la tension, ce n’est pas de guérir, mais plutôt de stabiliser la tension et d’éviter les conséquences qu’on a évoquées plus haut. Certains charlatans vont vous dire qu’on guéri de l’hypertension artérielle et qu’ils vont vous guérir de ça ; c’est faux car, on ne guérit pas de l’hypertension artérielle. Il y a cinq classement pharmaceutiques qui sont retenues, il y a les inhibiteurs calciques (amlodipine), il y a les inhibiteurs de l’enzyme de conversion comme le captopril, il y a les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine 2 comme le valsartan, les beta bloqueurs comme l’atenolol. En somme, il faut retenir que les patients qui prennent régulièrement et correctement leur traitement peuvent être épargnés des complications de l’hypertension artérielle et les mesures hygiéno-diététiques sont un pilier pour la stabilisation de la tension.

Entretien réalisé par Fatoumata Diouldé Diallo pour Guineematin.com

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