Mamadou Kaly Diallo : « nous sommes toujours confrontés à des violations récurrentes et multiples des droits de l’homme en Guinée »

Mamadou Kaly Diallo, activiste des droits de l’homme et responsable du programme de Démocratie sans violence, la baïonnette intelligente (DSV-BI)

Le 75ème anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme est commémoré le 10 décembre de cette année dans le monde. Cette année, le thème consacré est : « Dignité, liberté et justice pour tous ». Et, la célébration de cette journée intervient dans un contexte particulier de Transition où certains droits et libertés sont sciemment foulés au sol par les autorités. La liberté de manifestation est confisquée et les acteurs politiques et sociaux sont souvent inquiétés (voire emprisonnés) à cause de leurs opinions.

Dans un entretien accordé à Guineematin.com hier, vendredi 09 décembre 2022, Mamadou Kaly Diallo, activiste des droits de l’homme, a dénoncé « des violations récurrentes et multiples des droits de l’homme » dans notre pays.

« Vous savez que nous sommes toujours confrontés à des violations récurrentes et multiples des droits de l’homme en République de Guinée dans tous les domaines, dans toutes les catégories. Quand vous prenez la première catégorie, c’est-à-dire les droits civils et politiques, malheureusement jusqu’à présent nous avons des prisonniers d’opinion. Du fait que les gens ont exprimé leur opinion, ils sont en prison.

La liberté de réunion est restreinte, la liberté de manifestation aussi. Les libertés publiques, les libertés fondamentales. Il n’y a pas de garantie de l’exercice des libertés sans être inquiété, sans être persécuté. Ensuite, la deuxième catégorie, c’est les droits sociaux, économiques et culturels.

Dans les conditions normales, chaque citoyen a le droit de mener une vie décente. Mais, qu’en est-il de la réalité du panier de la ménagère aujourd’hui ? Cette année, pour cette journée, on parle de lutte contre les violences basées sur le genre. La gente féminine intellectuelle qui se bat pour le respect des quotas de 30%, mais qu’en est-il de ces femmes de la communauté rurale qui parcourent jusqu’à présent des dizaines de kilomètres à la recherche d’eau potable.

La troisième catégorie, c’est le droit à un environnement sain. C’est-à-dire le droit au développement dans un environnement sain. Vous connaissez la problématique de l’environnement, il suffit juste que vous partiez vers les zones d’exploitation minière pour vous rendre compte (Boké par exemple). Dans les perspectives, on ne pourra plus faire de l’agriculture, les éleveurs ne pourront plus faire leur élevage, il n’y a plus d’eau potable.

Ensuite, il y a une chaleur excessive venue du fait de la destruction de l’environnement. Mais, quel est le niveau de vie de ces citoyens-là ? Quelles sont les retombées de cette exploitation des ressources minières ? Quand on parle de paix, ce n’est pas l’absence de guerre seulement. La paix d’abord, c’est la paix du cœur, mais c’est cette paix aussi où il y a une justice juste et équitable. Où tous les citoyens conformément aux normes universelles de la déclaration des droits de l’homme sont égaux devant la loi et ils bénéficient d’une égale protection de la loi. Si je prends la charte qui sert aujourd’hui de norme universelle, en principe chaque citoyen a l’obligation de se soumettre et qui s’applique à tout citoyen guinéen, stipule qu’aucune situation d’exception ou d’urgence ne doit justifier les violations des droits de l’homme.

Mais, cela n’a pas empêché la junte elle-même de dire que toutes les manifestations sont interdites. Voilà un principe contradictoire, une violation grave des droits de l’homme, parce que vous ne pouvez pas parler d’un État de droit, de démocratie où les citoyens n’ont pas le droit d’exprimer leur mécontentement, leur ras-le-bol. Donc, si vous me demandez quelle est la situation des droits de l’homme (en Guinée), je vous dis qu’il y a jusqu’à présent des violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui existent et persistent à grande échelle », a indiqué Mamadou Kaly Diallo.

Cependant, cet activiste des droits de l’homme salue la volonté des autorités de la transition guinéenne pour la lutte contre l’impunité, mais il les exhorte surtout à accepter le principe contradictoire qui fonde la démocratie et à faire application des lois et traités ratifiés par le pays.

« Il faut saluer cette volonté d’aller cette fois-ci à l’instauration de la culture de la sanction. Parce qu’auparavant, nous avions tant dénoncé la culture de l’impunité qui était érigée en mode de gouvernance. Mais, ça ne suffit pas, il faut aller de façon pédagogique, il faut former les dirigeants, il faut qu’on puisse avoir des dirigeants qui sont citoyens, qui sont d’abord des fins défenseurs des droits de l’homme, de libertés publiques. Parce que la Guinée ne souffre que du respect d’application.

La Guinée est l’un des rares pays au monde qui ratifie tout ce qui est instrument de promotion et de protection des droits de l’homme… Il faudra que les dirigeants acceptent les critiques objectives, c’est-à-dire qu’on ne prenne pas l’exercice de ces libertés comme étant une sorte de défiance vis-à-vis de l’autorité de l’État, mais plutôt comme un cours normal de développement d’un État de droit. Parce que vous ne pouvez pas développer un État de droit si vous n’êtes pas respectueux de ces libertés fondamentales, vous n’êtes pas respectueux des droits de l’homme. Puisque la Guinée a eu la volonté politique de ratifier tout, c’est de respecter encore tout pour que la Guinée puisse être ce paradis sur terre, paradis qui garantit l’exercice de ces libertés et des droits de l’homme », a dit Mamadou Kaly Diallo.

Mamadou Yahya Petel Diallo et Ibrahima Bah pour Guineematin.com

Facebook Comments Box