Me Aimé Christophe Labilé Koné alerte : « les droits de l’homme souffrent dans notre pays »

Me Koné Aimé Christophe Labilé, président de l'ONG avocats sans frontières

 Le président de l’ONG Avocats sans frontières Guinée s’insurge contre les violations des droits de l’Homme constatées dans notre pays. Il en veut pour exemple le non-respect de la présomption d’innocence qui est régulièrement foulée aux pieds et les détentions préventives devenues « une règle » dans les procédures judiciaires. Maître Aimé Christophe Labilé Koné fustige également les conditions de détention qui ne respectent pas les droits des prisonniers. Il l’a dit dans un entretien accrodé à des reporters de Guineematin.com dans la journée d’hier, vendredi 09 décembre 2022.

Selon maître Aimé Christophe Labilé Koné, les violations des droits de l’homme en Guinée se font surtout en matière de justice. Une situation que l’avocat dénonce surtout qu’elle intervient dans le domaine judiciaire. « Les Droits de l’homme, dans quelques cas, ont été bafoués dans notre pays, il faut se dire la vérité. Il faut se dire la vérité puisque quand bien même que quelqu’un a commis une faute, il a des droits qui doivent être respectés. Le domaine dans lequel on viole particulièrement les droits de l’homme, c’est en matière de justice. S’il peut être vrai qu’on puisse reprocher à tel ou à tel une infraction ou une faute, il faut aussi se dire qu’on doit respecter ses droits pour qu’il soit jugé en tant qu’être humain de façon digne et honnête. S’il doit être puni, qu’on puisse voir dans la litanie de nos lois quelles sont les dispositions qu’il a violées et voir aussi dans le même code si une personne commet telle faute, quelle peut être la sanction ».

Par ailleurs, le président d’Avocats sans frontières Guinée dénonce le recours excessif à la détention préventive. « La première des choses qu’il y a à déplorer ici, en tant que défenseur des droits de l’homme que je vois, c’est que nos autorités s’inscrivent systématiquement dans la dynamique de priver les personnes de leurs libertés. Il y a un principe sacro-saint qui dit qu’une personne est accusée de telle ou telle chose est présumée innocente jusqu’à ce qu’une décision soit rendue pour la reconnaître coupable de telle ou telle chose. Mais quand on est innocent, en principe, on doit pouvoir jouir de sa liberté jusqu’à ce qu’on soit jugé…  Ce sur quoi je m’insurge et sur quoi il y a des recommandations, c’est la détention préventive. Franchement, il faut revoir cet état de fait ».

En outre, Maître Koné s’apitoie sur le sort des détenus à la maison centrale de Conakry. « Nous n’avons pas des lieux de détention appropriés. Si vous prenez la maison d’arrêt de Conakry, que tout le monde appelle la sûreté, qui a été construite pendant la colonisation pour un nombre limité de prisonniers, si vous y allez aujourd’hui pour faire un monitoring, vous trouverez que la capacité d’occupation est dépassée 2 fois, 3 fois voire plus. Ce qui n’est pas normal ».

L’avocat plaide pour une amélioration des conditions de détention dans les maisons carcérales. « Il y a des gens qui disent que celui qui construit une prison va finir dedans. Est-ce que c’est cette hantise-là qui fait que nos autorités ne pensent pas à améliorer les conditions de détention de leurs concitoyens ? Il est vrai que tous les jours que Dieu crée, les gens peuvent enfreindre à la loi et ceux-ci, la loi prévoit quand même qu’ils soient privés de leurs libertés. Mais encore que la prison doit avoir son sens de rééducation. Ce n’est pas que punir pour punir. Il faut améliorer les conditions de détention de nos concitoyens. Ça me fait de la peine quand on voit les conditions de vie même dans ces lieux carcéraux. Un détenu, il est privé de ses droits, mais il a des droits. Quand vous privez quelqu’un de ses droits fondamentaux, vous devez pouvoir satisfaire un certain nombre de droits (le droit à la vie, à la santé, à la nourriture). Posez-vous la question, comment ceux qui se trouvent en détention sont alimentés ».

Dans le cadre de cette plaidoirie, Maître Koné sollicite la séparation des citoyens en prison selon leur statut judiciaire. « Dans nos lieux de détention, on ne fait pas la part des choses : des personnes qui sont condamnées, qui purgent leurs peines, doivent avoir leur quartier à part. Ceux qui sont en détention préventive doivent avoir leur quartier. Et en plus, les mineurs qui sont privés de leur liberté doivent avoir leur cale à part pour éviter que ces délinquants primaires, des personnes qui ne sont pas encore mûres, soient à l’école des criminels endurcis. Quand vous regardez tout ça, on peut se dire que les droits de l’homme souffrent dans notre pays », a martelé le président de l’ONG Avocats sans frontières en Guinée.

Pour finir, notre interlocuteur demande aux autorités d’accepter la contradiction, la diversité d’opinions. « Il faut donner la possibilité à ceux qui veulent dire qu’ils ne sont pas d’accord de le dire. Ce n’est pas parce qu’on dit qu’on n’est pas d’accord qu’on a forcément raison, mais au moins, on a la liberté, ce de pouvoir montrer à l’opinion nationale et internationale qu’on n’est pas d’accord », a-t-il indiqué.

Mamadou Yahya Petel Diallo et Ibrahima Bah pour Guineematin.com

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