Jour du massacre du 28 septembre 2009 : « Sidya Touré m’a dit que c’était trop tard » (Dadis Camara)

Comme annoncé précédemment, le capitaine Moussa Dadis Camara a comparu hier, lundi 12 décembre 2022, devant le tribunal criminel de Dixinn (délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry) pour répondre des faits qui lui sont reprochés dans le dossier du massacre du 28 septembre 2009. A la barre, l’ancien président du CNDD (conseil national pour la démocratie et le développement) a fait des efforts qu’il a déployés pour éviter la manifestation des forces vives et de ce qui a été sa réaction après la répression sanglante de cette manifestation pacifique des militaires de la garde présidentielle.

« Quand j’ai quitté Labé, on rentre, je vois les vieux sages assis. Avant le voyage, ces vieux sages, en rapport avec le porte-parole des leaders politiques à l’époque, Monsieur Jean Marie DORÉ. Quand je suis rentré au salon, je ne pouvais pas tenir physiquement et moralement. Je n’ai même pas eu le temps de prendre mon bain, je vais directement au lit. Je me suis dit le matin je vais voir ce que je peux. C’est dans cette circonstance, même pas plus d’une heure de temps, il y a feu Joseph Makambo qui est venu taper la porte. Il me dit : parait-il que des leaders politiques veulent faire leur marche. Je me suis dit certainement si j’appelais Monsieur Sidya Touré, ça pouvait marcher. Alors, j’appelle Monsieur Sidya. Monsieur le président, dans nos conversations, Monsieur Sidya me dit : non, il est tard et qu’il n’a plus la possibilité de regagner les autres. Eu égard à la défectuosité de notre appel, le téléphone s’est coupé. Et, je n’ai plus tenté de le rappeler et j’ai regagné mon sommeil. Je reste là, Monsieur le président, à 11 heures, Joseph Makambo qui me dit qu’il y a une manifestation au stade. Aussitôt, Monsieur le président, entre Dieu et moi, peut-être c’est ce jour-là que j’allais trouver la mort, avant même que Monsieur Toumba Diakité ne tire sur moi. Mais, Dieu ne l’a pas voulu. Je sors de mon bureau, j’ai dit que je vais aller calmer la population. Puisque je me suis dit que cette population avait de la sympathie pour moi. Ça, c’était mon esprit. Mais, seul Dieu sait. Est-ce que ce jour, si j’y allais, est-ce que j’allais pouvoir le faire ?  Puisque Dieu ne l’a pas voulu, le même Toumba m’oblige à rester dans mon bureau. Je me suis déplacé, la clé n’était pas là. Donc, je n’avais plus de choix, je suis venu rester dans le bureau.

Dans le bureau, Monsieur le président, entre-temps, on vient me dire qu’au stade il y a un groupe qui est parti au stade. Ce groupe conduit par Toumba et qu’il y a eu des morts. Ma réaction a été furieuse. Une réaction furieuse. Je me suis dit : mon aide de camp qui vient me dire de rester dans ma chambre, on me dit qu’il s’est retrouvé au stade ! Dans la colère, je me suis dit qu’il faut que je l’arrête. Il faut être sincère pour croire en Dieu. J’ai dit que je dois l’arrêter. En toute sincérité, j’allais l’arrêter. Mais, je suis resté dans ça. Quand il est revenu, ce qui a fait d’ailleurs que je ne l’ai pas arrêté, il y a un habit militaire sous forme de blouson. Donc, mon aide de camp, tout le temps, il était avec moi. Quand je l’ai mis dans cette position, je lui ai demandé, il a donné des explications. Il dit je suis allé, j’ai sauvé des leaders. Donc, j’ai compris que je ne pouvais pas l’arrêter. Il a l’arsenal avec lui. Eu égard à la situation, j’ai eu des conseils. J’ai dit : on va saisir les Nations Unies de ce qui vient de se passer au stade. C’est moi qui ai pris la décision, on ne me l’a pas imposée. Je l’ai demandé pour une question de transparence. Je fais ça, je crée une commission nationale et une commission indépendante pour travailler sur ce dossier. Dans laquelle commission j’estime qu’il y a eu des magistrats qu’ils ont choisi un peu partout. Ça, c’était après le massacre.

Mais, pendant le massacre, c’est là où j’ai voulu sortir pour venir au stade. Parce que les événements étaient déjà là. Le Colonel Pivi, comme il a dit, je ne peux pas répéter les déclarations, mais je veux juste confirmer ce qu’il a dit. Une nuit, voilà, il va voir le Général Sékouba, il dit qu’il doit arrêter Toumba. Dans ma chambre, pendant ce temps, Toumba fait son entrée. Pivi dit : d’ailleurs il rentré, je vais l’arrêter. Puisque j’avais saisi la commission internationale, c’est là où j’ai dit : non. Comment vous pouvez saisir la CPI et en même temps vous arrêtez Toumba. Je ne peux pas me rendre moi-même justice. J’ai dit de surseoir à ça. Mais, les jours qui ont suivi, quand la CPI est venue, on a échangé. J’ai effectivement dit : vous pouvez consulter tous les hommes, je n’ai pas besoin de rentrer dans les propos de Monsieur Toumba comme lui-même a dit la façon dont il s’est vu envers la CPI. Cette commission, après son travail, est partie », a expliqué Dadis Camara.

Propos décryptés par Mohamed Guéasso DORÉ pour Guineematin.com

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