Conakry : un vibrant hommage rendu à feu Ahmed Kourouma

Mort le 2 janvier 2022, Ahmed Kourouma, chroniqueur de l’émission « Les Grandes Gueules » de la radio Espace FM, a reçu les hommages de la nation ce jeudi 5 janvier 2023. C’était à l’occasion d’un symposium organisé au chapiteau du Palais du peuple, à Conakry, et qui a connu la présence de nombreux acteurs, dont des professionnels de médias, des membres du gouvernement et de certaines institutions républicaines, mais aussi des amis proches et amis du défunt. La cérémonie a été marquée par plusieurs témoignages, rendant hommage à celui qui s’est fait remarquer à travers ses prises de position tranchantes dans les débats, a constaté un journaliste de Guineematin.com qui était sur place.

Organisateur de ce symposium, le groupe Hadafo Médias était représenté à la cérémonie par son Directeur général, Kabinet Condé. Ce dernier a mis l’occasion à profit pour rappeler quelques qualités d’Ahmed Kourouma.

Kabinet Condé, Directeur Général du Groupe Hadafo Médias

« L’enseignement de la vie d’Ahmed Kourouma nous apprend à rester fort. Fort comme il était pour défendre ses convictions, mais encore plus fort comme il était quand il s’agissait de reconnaître ses erreurs une fois qu’il avait reconnu qu’il n’avait pas raison. Nous ne perdons pas seulement un confrère qui, par son indépendance d’esprit, sa vitalité et sa grande culture, rajoutait à la lumière qui faisait rayonner le groupe Hadafo Médias. Mais nous perdons aussi un ami, un frère et un fils, Ahmed Kourouma m’appelait personnellement mon papa.

Aujourd’hui, tout le groupe Hadafo Médias est dominé par une ombre immense que jamais le temps ne réussira ni à diminuer, ni à effacer. Cher Ahmed, cher fils, nous sommes là pour te rendre un dernier hommage, et ta disparition nous rappelle comme une évidence que l’Homme n’est finalement que bien peu de choses. Ta mémoire sera toujours gravée dans nos cœurs, tu laisses un vide immense derrière toi. Tu te rappelles, mon fils, lorsqu’on était chez toi à discuter de tout et de rien jusque tard dans la nuit ? Tu m’as proposé le livre de Thomas Piketty, tu m’as demandé de le lire et qu’on en parlerait après.

Mais tu ne m’as pas dis que j’en reparlerais sans toi. C’est donc avec beaucoup de tristesse et de compassion que le groupe Hadafo Médias et son fondateur, M. Lamine Guirassy, par ma voix, présente ses sincères condoléances à la famille d’Ahmed Kourouma et à tout le peuple de Guinée. Nous gardons cependant en mémoire, pour surmonter cette épreuve, ton rire, ta bonté, ta liberté, ton optimisme éternel et ta joie de vivre. Merci mon fils, puisse le bon Dieu t’accueillir dans son vaste et immense paradis », a-t-il déclaré.

Avant de rejoindre le monde des médias, Ahmed Kourouma était d’abord un acteur politique. Et certains de ses anciens collègues de la classe politique sont venus aussi lui rendre un dernier hommage. C’est le cas notamment de l’ancienne ministre Makalé Camara, président du Front pour l’Alliance Nationale (FAN). Pour elle, le défunt avait une grande importance dans la construction d’un véritable État de droit en République de Guinée.

Mme Makalé Camara, présidente du parti FAN

« Aujourd’hui, la voix d’Ahmed est devenue inaudible mais encore audible à nous, à notre conscience, dans notre tête, parce qu’il aura marqué son temps, il aura laissé des souvenirs aux Guinéens, il aura laissé des souvenirs aux politiques, aux médias et au peuple de Guinée. Notre jeune démocratie en construction à besoin de la presse pour interpeller les gouvernants, les politiques, les gestionnaires de la chose publique. C’est important qu’on nous interpelle, parce que nous ne sommes que des humains, et la perfection n’appartient qu’à Dieu. Il aimait faire la polémique, la dialectique, c’était un débateur et un contradicteur.

Ahmed Kourouma s’en est allé, mais il a laissé cet exemple d’expression libre de son opinion pour que ce pays avance, et qu’il avance bien sur un chemin de construction qui favorise tout le monde. Une voix s’est tue, mais elle ne s’est pas tue dans nos consciences et dans nos têtes puisque, Ahmed va survivre et va survivre au temps. Il est immortel parce que un homme de verbe, un homme de plume, un homme de presse, un homme qui aimait s’exprimer. Et quand on parle, on laisse des traces… Que la terre de Guinée qu’il a tant aimée lui soit légère », a prié Makalé Camara.

La ministre de l’Information et de la Communication était également présente à cette cérémonie. Aminata Kaba a décrit Ahmed Kourouma comme un homme respectueux et très attaché à son pays.

Aminata Kaba, ministre de l »information et de la communication

« Personnellement, je ne connaissais pas Ahmed Kourouma, mais j’ai eu quand même plusieurs fois à le rencontrer. Et ce que je retiens de cet homme, c’est son humilité. Chaque fois qu’on se rencontrait soit dans les cérémonies ou dans des endroits publics, il était très respectueux envers moi. Lorsque j’écoute les témoignages comme quoi il était rebelle, moi, ce que je retiens de lui, c’est sa profonde humilité et son respect. Il est peut-être rebelle mais il reste quand même très aimable. Très souvent, nous aimons qualifier les gens lorsqu’ils ont un franc-parler de rebelle et de pleins d’autres qualificatifs. Mais pour moi, il est important d’avoir des hommes qui ont le franc-parler et qui disent ce qu’ils pensent…

Autre chose qui m’a marquée chez feu Ahmed Kourouma, c’est le fait qu’il portait la carte de la Guinée sur son habit. Ça m’a vraiment intriguée et j’ai dit que c’est la première fois que je vois quelqu’un qui s’habille et qui a la carte de la Guinée sur son habit. C’est devenu sa marque de fabrique, on le reconnaissait par ça. C’est pour vous dire combien de fois il aimait cette patrie, combien de fois il respectait cette patrie et combien de fois il tenait à servir cette patrie et cette nation », a déclaré la ministre, tout en présentant ses « sincères condoléances » à la famille biologique d’Ahmed Kourouma et à la presse nationale.

Tous ces témoignages sont venus réconforter la famille biologique d’Ahmed Kourouma. Sa tante, Hawa Keïta, ancienne Directrice générale du Port autonome de Conakry, a remercié tous ceux qui leur ont apporté leur soutien pendant ces moments de tristesse.

Mme Hawa Keita, tante de feu Ahmed Kourouma

« Né et ayant grandi en France, avec un cursus éloquent, tu as préféré l’Afrique pour le reste de ta vie, notamment la Guinée, ton pays d’origine, et tu t’es vite intégré. Intellectuel, tu es un patriote attachant et persuasif, ami de tout le monde, quelle que soit la classe sociale. Tu étais néanmoins acerbe et tranchant sur les méfaits et incohérences de la société guinéenne, l’émission Les Grandes Gueules que tu as appréciée tant était ta tribune préférée.

Merci à monsieur Guirassy et à son équipe… à la grande famille de Kissidougou, de Conakry, aux parents du Sénégal, de la Côte d’Ivoire et de la France, remercient infiniment les amis du défunt, les médias nationaux, et tout ceux qui de près ou de loin nous ont apporté leur soutien pendant ces moments difficiles », a dit la représentante de la famille éplorée.

Juste après ce symposium, la dépouille mortelle d’Ahmed Kourouma a été transportée à l’aéroport de Conakry, avant d’être envoyée en France, où le défunt sera inhumé par sa famille.

Mamadou Tanou Bah pour Guineematin.com

Facebook Comments Box