Immigration, apport de la diaspora au développement… Afana Barry du Conseil des Guinées aux Pays-Bas dit tout à Guineematin

La jeunesse guinéenne est victime de l’immigration irrégulière à cause notamment du manque de perspectives. Pourtant, les risques sont énormes pour ceux qui empruntent les chemins du Sahara et de la Méditerranée en voulant se rendre en Europe. Quant à la diaspora guinéenne établie en Europe et ailleurs, elle s’organise et contribue à l’essor de la Guinée à travers le rapatriement de fonds et l’investissement sur place.  Pour parler de cette problématique, Guineematin.com a donné la parole à Afana Barry, vice-secrétaire chargé de la communication du Conseil des Guinéens aux Pays-Bas, et président de l’ONG EDUCHANCE.

Guineematin.com : c’est un plaisir pour nous de vous recevoir dans nos locaux pour parler de la migration. Comment peut-on définir la migration ?

Afana Barry : la migration est un déplacement ou un mouvement de personnes d’un point A à un point B. Mais la migration actuellement, ou l’immigration irrégulière de la jeunesse Guinéenne, c’est forcément l’envie. On dit souvent que l’être humain a une appétence innée au développement, au changement du bonheur. Et quand ça ne va pas sur un point A, là où on vit, on veut forcément changer de lieu pour aller chercher le bonheur, ne serait-ce qu’un bon travail, une belle vie. Et pour parler des questions que je connais par rapport au Pays-Bas, ou par rapport à l’Europe en général, je veux dire que l’entretien de la communauté Guinéenne est très bien traité en Europe. Quand on prend dans sa majeure partie, il y a bien sûr des cas qui sont différents, des exceptions. Quand on voit aujourd’hui qu’il y a plusieurs rapatriements de nos compatriotes de l’Allemagne vers ici ou vers ceux d’un autre pays. Mais en général la communauté Guinéenne est très bien entretenue, on voit des jeunes qui sont très bien formés, qui sont dans des structures, dans des grosses sociétés ou dans des grosses boîtes et qui ont aussi un travail exceptionnel. Et qui sont aussi exemplaires dans tous les domaines d’activités que ça soit dans la politique, dans le sport et dans l’entreprenariat aussi. Pour un peu résumé, c’est comme ça que je peux définir l’apport de la communauté guinéenne et africaine en Occident.

Guineematin.com : pour ce qui concerne la migration régulière, quelles sont les procédures à mener pour un jeune qui veut voyager en Europe notamment au Pays-Bas afin d’obtenir les papiers qu’il faut ?

Afana Barry : aujourd’hui, vu le blocage que les pays africains ont en général par rapport aux pays occidentaux, vous savez que ce n’est pas facile aujourd’hui d’avoir un visa pour un jeune africain en général ou un jeune guinéen. Les jeunes qui partent en Occident pour étudier, c’est très facile d’avoir ça aujourd’hui. Quand je prends la France par exemple, avec campus France, c’est une politique, si j’ai bonne mémoire, qui a été instaurée par le président Sarkozy pour l’immigration choisie qu’il avait mise en place. Donc, c’est très facile dans ce cas. Mais, vous n’êtes pas sans savoir que c’est très difficile pour un entrepreneur africain, jeune, même s’il est reconnu par les instances étatiques du pays où les organisations internationales et d’avoir facilement accès à un visa ou pour partir faire les affaires dans les pays occidentaux. Quand je prends particulièrement le pays dans lequel je réside, les Pays-Bas, je vous ai expliqué une chose, généralement il y a la barrière de la langue qui se pose souvent dans le cas d’immigration. Aux Pays-Bas, on parle la langue néerlandaise et le néerlandais est une langue qui n’est parlée qu’au Pays-Bas et à une partie de la Belgique qu’on appelle La Flandre. Donc, pour un jeune Guinéen aujourd’hui, faire la demande de visa et partir étudier aux Pays-Bas, c’est un parcours du combattant qui est très difficile, parce qu’il y a la barrière de la langue d’abord.  Mais, il y a de grandes universités néerlandaise aussi, il y a des cours majoritairement en Master qui sont en anglais. D’ailleurs, je pense que dans notre politique en tant que conseil Guinéen établi au Pays-Bas, c’est aussi dans notre programme d’effectuer ces démarches pour que la jeunesse Guinéenne puisse facilement avoir accès à l’enseignement supérieur au Pays-Bas ou à la formation professionnelle ou technique pourquoi pas. Si vous voyez que la jeunesse Guinéenne part souvent en France ou dans d’autres pays francophones, comme le Canada par exemple et récemment en Turquie parce que les demandes de visa en Turquie même s’il y a la barrière de langue, les démarches pour le visa ne sont pas aussi compliquées comme pour les autres pays occidentaux, les Pays-Bas, la France ou l’Italie.

Guineematin.com : il y a beaucoup de nos frères qui choisissent le désert ou la mer Méditerranée pour rejoindre l’Europe. A ce niveau, comment se passe l’intégration pour les quelques personnes qui réussissent à entrer en Europe ?

Afana Barry : vous savez, c’est mère Térésa qui disait que « l’aventure existe dans chaque souffle de vent ». Nous voulons toujours nous déplacer et c’est toujours dans notre ADN même de l’être humain. Mais l’immigration clandestine ou irrégulière, comme on le dit souvent, ce serait de l’euphémisme de dire aujourd’hui que c’est un gros problème pour les instances étatiques, pour les dirigeants africains en général, même pour les occidentaux. Je vais essayer de faire un peu une microscopie sociologique de notre pays ou bien de notre continent en 2050, l’Afrique aura de près deux (2) milliards d’habitants. Vous voyez on va dépasser la Chine et l’Inde, l’Afrique est un continent majoritairement jeune. Deux (2) milliards de personnes c’est un milliard cinq-cents millions majoritairement de jeunes, disons qui ont moins de 35 ans. Et c’est un milliards cinq-cents millions de personnes à nourrir, à habiller, à éduquer. Donc ce problème, il est récurrent et on doit le solutionner maintenant. Ces jeunes qui tentent cette aventure, moi je les déconseille, je ne vais jamais leur donner le conseil de tenter cette aventure-là. Parce, avez-vous vu ce qui s’est passé en Libye, l’esclavage de nos sœurs et frères ? D’ailleurs, ça c’est un risque de vie ou de mort. Et pour ceux qui réussissent à franchir la Méditerranée, c’est à partir de là que commence d’ailleurs l’aventure. Il y a des gens qui sont là-bas pendant des années et n’arrivent pas à avoir des documents requis. Parce que vous savez, si vous rentrez en Espagne, il y a ce qu’on appelle la convention de Dublin. Quand tu rentres, tu demandes l’asile dans un pays, tu n’es plus acceptable dans un autre pays. Parfois, ces jeunes, rares sont ceux qui veulent rester en Espagne. Une fois que tu es là-bas, t’es obligé de rester quel que soit les conditions de vie ou les conditions d’accueil dans lesquelles on te met. Parfois, les jeunes veulent partir en France, aux Pays-Bas, disons les pays les plus attractifs. Et alors ils ont des problèmes puisque déjà ils ont été accueillis dans un autre pays qui est soit l’Espagne ou l’Italie et là ils sont utilisés comme les balles de ping-pong, ils sont renvoyés par-ci et rappeler par là. Ce n’est pas aujourd’hui conseillé à ces jeunes de tenter l’aventure. Mais bon, qui suis-je pour dire à un jeune qui n’a pas de perspectives dans un pays comme la Guinée ou dans un autre pays le Niger, le Tchad de ne pas tenter l’aventure ? Et c’est très difficile. S’il y avait des perspectives dans nos pays africains en général, qui regorgent des potentialités, des ressources minières et tout ça, les jeunes seront tentés de rester. Mais c’est difficile de les dissuader de tenter cette aventure-là.

Guineematin.com : est-ce que vous ne pensez pas que c’est cette minorité qui réussit à rentrer aujourd’hui qui constitue cette attraction et qui pousse les autres à y aller, quand on voit les réalisations, parce qu’il y en a qui réalisent ?

Afana Barry : exactement, c’est pourquoi je vous ai dit, qui suis-je pour gérer ces gens ? Si moi j’essaye d’économiser 2000 €, je suis là-bas, je m’achète une voiture et je rentre au pays et trouve les jeunes ou amis avec qui j’ai grandi, me voient conduire dans une voiture, ils sont tentés, il y a l’attraction. Donc ceux qui réussissent, moi je pense qu’ils vont devoir se dire la vérité sur ce qui se passe. Et je pense que le travail doit être fait en amont, ce sont les instances étatiques qui doivent donner les perspectives à ces jeunes pour les en dissuader. Et aux familles de sensibiliser les jeunes à investir cet argent qu’ils prennent pour tenter l’aventure en Europe dans leur pays respectif. Et que ces jeunes-là entreprennent, qu’ils se forment et qu’ils sachent qu’ils peuvent mieux réussir chez eux, parce qu’on est mieux nulle part que chez soi.

Guineematin.com : vous à votre niveau, en tant que membre du conseil des guinéens établis aux Pays-Bas, également président de l’ONG EDUCHANCE, quel est votre rôle dans tout ça ?

Afana Barry : vous savez, on vient d’être installé ça ne fait pas très longtemps. Mais dans nos prérogatives, dans nos projets d’implantation, cela existe aussi parce que d’abord, nos missions premières, c’est la communauté guinéenne aux Pays-Bas, on est à l’image des Pays Pays-Bas. Donc, c’est comment structurer cela, faire en sorte que cette communauté parvienne à s’intégrer plus activement, à se développer, à s’émanciper. Ce n’est pas pour nous jeter des fleurs, c’est une des communautés la plus intégrée en Occident, si vous voyez ce qui se passe par rapport aux problèmes qu’on voit sur les réseaux sociaux, on est à l’image des Pays-Bas, un pays consensuel qui souvent est neutre, mais qui n’a pas assez de problèmes. Mais notre rôle aussi c’est de travailler en aval, c’est-à-dire au pays ici, avoir les accords avec les organisations de l’Etat. On a un bon président, monsieur Alpha Diallo, qui a une expérience très remarquée dans la vie associative. Parce que la vie associative aussi, il faut le dire, c’est un très bon CV dans la vie d’une personne. Parce que tu es en contact direct avec la communauté, avec les vrais gens et tu as des retours, on te dit ce qui va et ce qui ne va pas.  On va essayer dans le futur proche de travailler avec les organisations, les associations des jeunes et les ONG pour que les jeunes puissent rester ici, s’émanciper ici et se développer ici.

Guineematin.com : quel est l’apport de la diaspora pour la jeunesse qui se trouve ici, dans notre pays ?

Afana Barry : vous savez, il y a des statistiques qui nous sont souvent données. L’aide au développement par exemple est comparée aux capitaux des étrangers vers nos pays. Et cet apport il est conséquent. Si vous voyez dans un pays ou quelques personnes vivent avec moins de 2 $ par jour et qu’il y a des gens qui se battent pour pourvoir subvenir aux besoins de la famille. C’est très important, mais ça, ce ne sont que des mesures qui ne sont pas incitatives et qui ne sont qu’éphémères. Mais l’apport de la diaspora aussi, si on voit bien que les statistiques ne sont pas renforcées en Guinée, mais plusieurs jeunes que moi je connais ou que je connais pas investissent beaucoup dans ce pays. Moi, je suis un entrepreneur, je suis dans l’import-export, je suis aussi dans la construction et on parvient aussi à créer aussi d’emploi ici. Ça aussi, ce sont des mesures qui aident dans le développement de la jeunesse Guinéenne, mais ce n’est pas souvent aussi mentionné. Parfois, désolé de le dire, le côté négatif de la diaspora est souvent mis en avant dans les médias ou sur les réseaux sociaux que l’apport positif qu’on a. Donc, il faudrait aussi qu’on nous aide dans ce domaine-là. C’est pourquoi on va essayer aussi de mener des démarches auprès des instances et des autorités pour que la reconnaissance de ces diasporas soit aussi positive et qu’elle soit marquée.  Parce qu’il y a beaucoup de jeunes qui veulent investir ici. Ils ont les fonds, ils ont les capitaux, ils ont les connaissances, la formation requise, mais les chemins qui mènent vers cet investissement sont très difficiles avec beaucoup d’obstacles. Et parfois aussi, dans nos prérogatives, c’est aussi, comme on a un secrétaire chargé avec la coopération de la communauté locale, on va essayer aussi de booster la communauté Guinéenne aux Pays-Bas en particulier, d’essayer d’investir ici, donner aussi les avantages pour développement socio-économique de notre pays.

Guineematin.com : quel est votre dernier mot ?

Afana Barry: c’est de dire à la communauté Guinéenne établie à l’étranger en général, aux Pays-Bas en particulier, nous avons notre place ici. Et si vous voyez que ces nouveaux dirigeants de notre pays aujourd’hui ont tendu la main à la diaspora, c’est dire que la diaspora peut apporter beaucoup à la Guinée. Donc, c’est à nous de venir, il y a des opportunités dans ce pays, il suffit juste de savoir où sont les niches et à quelle porte il faut frapper. Bien que souvent on ne peut pas trouver toutes les solutions en quelques minutes, mais je pense qu’il y a des personnes qui sont prêtes à accompagner les Guinéens établis à l’étranger pour trouver leur chemin dans leur développement socio-économique et apporter aussi leur contribution au rayonnement de notre pays.

Fatoumata Diouldé Diallo pour Guineematin.com

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