Trafic de 299,29 Kg de Cocaïne : 15 à 20 ans de prison requis contre 5 turcs au TPI de Kaloum

Les plaidoiries et réquisitions ont continué ce mardi, 7 février 2023, devant le tribunal criminel de Kaloum dans le dossier ministère public contre 5 ressortissants turcs. Ces derniers sont poursuivis par l’Etat guinéen pour « détention, importation et transport international de drogue à haut risque » sur son territoire. Les accusés ont été interpellés dans la nuit du 6 avril 2022 au port autonome de Conakry par la brigade des unités flottantes de la marine nationale et mis à la disposition de la justice. Le procureur Mohamed Bangoura réclame jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle à leur encontre, a constaté un reporter que Guineematin.com a dépêché au tribunal.

Eymen YILDIZ, Nihat SURAL, Irfan TURUNC, Deniz DOGRU et Jusuf UZUNYIGIT, tous de nationalité turque, ont comparu ce mardi devant le tribunal criminel de Kaloum pour trafic illicite de drogue sur le territoire guinéen. À l’ouverture de l’audience, le président Ibrahima Sory 1 Tounkara a donné la parole aux avocats de la partie civile (État guinéen) pour leurs plaidoiries.

« Monsieur le président, les accusés qui comparaissent par devant vous pour les faits à haut risque ont décidé de défier l’État guinéen et toutes ses lois. Ces accusés ont été arraisonnés sur le territoire guinéen avec 11 sacs, 275 plaquettes, soit 299, 29 kg de Cocaïne. Le gramme étant vendu à 68 euros, dont le total du kilogramme saisi après calcul donne le montant de 19 735 914 euros. La quantité de drogue saisie est énorme. Les accusés qui sont par devant vous ne font pas honneur à leur pays. Ces accusés se sont inscrits dans une logique de dénégation totale. Ils ont voulu mettre en cause le travail des agents de la gendarmerie guinéenne. Ils ont défié la loi guinéenne.

Pourtant, les unités de la marine nationale sont assermentées. La valeur de la drogue saisie est plus que la valeur du navire qui transportait la drogue. Ils se sont permis de dire que ce sont les gendarmes qui ont mis la drogue dans leur navire, alors que la Guinée n’est pas un État qui produit de la cocaïne. Lorsqu’ils sont venus devant le juge instructeur, ils ont continué a nié les faits, à dire des versions contraires. Les faits reprochés à ces accusés tombent sur les articles 813 et 819 du code pénal guinéen.

Monsieur le président, je voudrais rappeler que les agissements de ces accusés causent un sérieux problème à l’État guinéen. Imaginez-vous que cette quantité de drogue était distribuée sur le territoire guinéen, si elle n’était pas saisie par les agents de la brigade des unités flottantes. Je voudrais qu’ils sachent que la Guinée est un État démocratique, mais elle continuera à lutter contre le trafic de drogue. Vous le savez bien que depuis quelques années la consommation de la drogue est devenue monnaie courante. Ces accusés ont refusé d’identifier les personnes pour qui ils travaillent, leurs barons.

Vous allez m’autoriser, Monsieur le président, qu’en la matière, lorsque les autorités chargées de la lutte contre la drogue sont au courant qu’il y a un navire qui transporte les drogues, elles ne procèdent pas immédiatement aux arrestations, mais elle procède à la livraison surveillée. C’est-à-dire les itinéraires de la drogue et les membres et complices de ce trafic sont surveillés par l’État guinéen à travers le satellite. Lorsqu’ils ont été interceptés, ils se sont permis de jeter la drogue dans la mer. Mais, les autorités guinéennes qui luttent contre la drogue ont pu remonter la drogue. Il vous plaira donc de les retenir dans les liens de la culpabilité.

En ce qui concerne la condamnation, cela est du ressort du tribunal et du ministère public. La partie civile souhaite qu’il y ait réparation. Qu’il vous plaise de valider la saisie provisoire et la conservation du navire et qu’il reste à la disposition de l’Etat guinéen. Il vous plaira ici la confiscation et la vente du bateau. Pour la partie civile, au paiement de 5 milliards de francs guinéens conformément aux articles 838 et 889 du code pénal. Puisqu’il s’agit de la vie du peuple de Guinée, ces 5 accusés ont décidé de quitter la Turquie pour défier toutes les lois de la République de Guinée et faire le tour de l’Afrique de l’ouest avant d’arriver en Guinée. Nous sollicitons qu’il vous plaise, Monsieur le président, qu’il y ait une application rigoureuse de la loi… Ils doivent être châtiés pour protéger le peuple de Guinée », a plaidé Me Amadou Babem Camara.

De son côté, le ministère public a requis jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle contre les 5 turcs.

« Monsieur le président, défendre la société guinéenne en prônant l’application de la loi, c’est notre travail, c’est notre rôle. J’avoue que vous méritez un remerciement, vous et vos assesseurs, pour la sérénité, la gouvernance de ce procès qui a eu un écho qui est allé au-delà de nos frontières. Nos réquisitions vont porter sur les faits de transport et trafic de cocaïne. Les accusés ici présents ont été interpellés dans la nuit du 6 février 2022 par les unités de la marine nationale qui sont chargées de surveiller notre territoire.

Après les analyses de la substance, le résultat a prouvé que c’était de la cocaïne. Et, à la gendarmerie, ils ont été auditionnés. Dès lors, le parquet a été saisi.

Monsieur le président, lorsque vous faites lecture des différents procès-verbaux, tous les accusés présents à cette barre ont donné des versions contraires. En application de l’article 449 du code de procédure pénale, qu’il vous plaise de retenir les accusés dans les liens de la culpabilité pour les faits de crime de détention et de transport de la drogue.

Pour la répression, en faisant application des articles 813, 819, condamner à 15 ans de réclusion criminelle les 3 premiers accusés pour détention et transport de drogue. Et, 20 ans de réclusion criminelle contre les 2 autres pour trafic et complicité de drogue, tout en tenant compte de l’incinération du produit saisi. Parce que l’image du pays en dépend », a indiqué le procureur, Mohamed Bangoura.

Sans aucune surprise, Me Mountaga Kobélé Keïta, avocat de la défense, s’est opposé aux réquisitions et plaidoiries du ministère public et des avocats de la partie civile. Il affirme que ces parties n’ont présenté aucune preuve concrète à la barre et demande la relaxe pure et simple de ses clients.

« J’ai suivi avec intérêt les plaidoiries présentées par les avocats de la partie civile et les réquisitions du ministère public. Avec le temps, la vérité fini toujours par triompher. Vous avez devant vous des prévenus dont 3 ont été accusés pour détention et transport de drogue, et les 2 autres pour complicité et trafic de drogue. Le ministère public et les avocats de la partie civile ont été incapables de présenter des preuves. J’insiste pour que les scellés viennent dans cette salle. On ne peut reprocher une telle infraction sans apporter les scellés.

Ce procès, à mon humble avis, est un procès boiteux. La question fondamentale est de savoir de quoi s’agit-il ? Ces messieurs sont sortis pour venir en mission de leur patron. C’était pour vendre leur bateau. Ils sont tombés en panne sur le territoire guinéen. Et, du coup, ils ont été arraisonnés par les agents de la marine. Ces agents de la marine guinéenne ont pris de l’argent avec ces accusés, ils ont été arnaqués par la marine flottante. La plaquette de cocaïne qui a été saisie n’a pas été saisie dans le bateau des turcs. C’est dans le navire des Guinéens. On devait mettre fin à ce procès à partir du moment où les scellés ne sont pas là. Puisqu’ils n’ont pas pu soutirer de l’argent à ces gens, c’est pourquoi ils les ont conduits à la gendarmerie et ils ont été auditionnés. Mais, le dossier était vide de contenu… Force doit rester à la loi. Parce que j’ai en face de moi un président très aguerri. De l’autre côté, on entend parler de la confiscation provisoire, de saisir le navire.

Monsieur le président, vous ne devez pas avoir de remords. On accuse ces gens à tort. Je suis persuadé que là où vous êtes déjà, si vous voulez rentrer et dormir tranquillement pour ne pas prendre de péché, relaxer purement et simplement ces accusés pour délit non constitué… Tout au long de cette procédure, vous avez fait preuve d’impartialité et je vous ai connu depuis très longtemps. On a entendu depuis l’Espagne que ces gens-là ont été filés. Il y a un doute qui plane. Parce qu’aucune plaque de cocaïne n’a été présentée comme élément de preuve. Si vous condamnez ces gens, vous aurez tranché, mais vous n’aurez pas dit la Justice », a martelé Me Mountaga Kobélé Keïta.

Finalement, le tribunal a mis l’affaire en délibérée pour décision être rendue le 21 février 2023.

À suivre !

Mohamed Guéasso DORÉ pour Guineematin.com

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