Daouda Camara, alias Dao, et Ousmane Keita, respectivement prisonnier et garde pénitentiaire à la Maison centrale de Conakry, ont comparu mercredi dernier, 22 mars 2023, devant le tribunal correctionnel de Kaloum. Poursuivis pour escroquerie et complicité, les deux prévenus ont plaidé non coupables des faits mis à leur charge, a constaté Guineematin.com à travers un de ses journalistes.
Cette affaire remonte au mois de mai 2022, lorsque Mariama Sylla, élève en classe terminale, a été victime d’escroquerie. Daouda Camara, alias Dao, en détention depuis 2020 à la Maison centrale de Conakry, se serait fait passer pour un marabout de renom pour lui extorquer plus de 4 000 000 de francs guinéens. Un montant qu’elle dit avoir déposé via Orange money après que son interlocuteur lui a promis de l’aider à avoir son baccalauréat et à fortifier ses relations amoureuses. Mais, le mis en cause a démenti cette version devant le tribunal, livrant sa version des faits sur cette affaire.
« Ce jour-là, (le 13 mai 2020) une fille m’a appelé (au téléphone) alors que j’étais à la Maison centrale de Conakry. Étant en prison, j’ai beaucoup hésité. Finalement, j’ai passé le téléphone à un petit (détenu) qui était nouvellement venu à la Maison centrale. Après quelques minutes de communication entre ce dernier et la personne qui a appelé, j’ai finalement décidé de reprendre le téléphone pour l’écouter. Elle m’a dit que son marabout lui a demandé de remettre un iPhone 11 au propriétaire de ce numéro là. Je lui ai répondu en disant »Ah bon ! Est-ce que tu me connais ? Tu sais où je suis ? » Elle a dit que c’est mon numéro qui lui a été donné par le marabout. C’est ainsi que je lui ai demandé alors de venir en face du siège de la FEGUIFOOT en ville pour qu’on se voie, elle a dit qu’il n’y a pas de problème, qu’elle se rendrait sur les lieux le lendemain.
Quand elle est arrivée, elle m’a appelé pour me dire de sortir pendant que j’étais dans ma cellule. Je cherchais à sortir mais je ne pouvais pas. Entretemps, elle m’a appelé à plusieurs reprises en me disant qu’elle était pressée et qu’elle ne voulait pas que sa maman arrive avant elle à la maison. Finalement, elle m’a dit que si je ne peux pas sortir, d’envoyer quelqu’un pour récupérer l’appareil. C’est comme ça que j’ai demandé à un agent de la garde pénitentiaire, Ousmane Keita, d’aller récupérer l’appareil pour moi. Après, j’ai vu des agents devant ma cellule, m’informant que les gens ont pris Ousmane Keita à partie dehors. Je n’ai jamais connu cette dame auparavant, je ne savais même pas avec qui je parlais. Je n’ai rien pris avec elle », a déclaré le principal prévenu dans cette affaire, à la barre.
De son côté, Ousmane Keita, de la garde pénitentiaire, a dit ne rien savoir dans cette affaire. Il soutient que c’est le détenu, Daouda Camara, qui l’a entraîné dans ce pétrin. Également interrogée par le tribunal, la plaignante, Mariama Sylla, 23 ans, a balayé d’un revers de la main la version du prévenu. Selon elle, c’est ce dernier qui l’a contactée et qui lui a extorqué un montant de 3 800 000 francs guinéens.
« Tout a commencé un jour, quand j’ai reçu trois appels en absence sur messenger pendant que je dormais. C’était de la part d’un inconnu. Puisque je n’ai pas prêté attention à ses appels, il m’a laissé un message vocal en se présentant comme étant Karamoko Ismaël Kondeya Camara (marabout de renom). Il m’a dit que c’est lui qui aide les femmes surtout à avoir un bon foyer, à progresser dans leurs études et même à être heureuses dans le concubinage. Il a dit : »ma sœur, je veux vraiment t’aider. J’ai un médicament, quand tu l’utilises et tu touches un homme, tout ce que tu lui demanderas, il le fera ».
Je lui ai dit que moi, je suis élève et que je veux qu’il m’aide dans le sens de mes études. C’est comme ça qu’on est restés en contact pendant un moment. Un jour, il m’a appelé encore sur son compte alors que j’étais couchée. Il m’a dit de lui donner 4 millions pour qu’il m’aide à avoir mon bac et que c’était le bon moment pour préparer le bac. J’ai dit que ce montant est trop élevé et que je ne peux pas gagner ça, étant une simple élève. Mais il m’a beaucoup rassurée en me disant que je ne vais pas le regretter, qu’il est le marabout que tout le monde recherche actuellement à Conakry. On a fait tout cet échange via messager », a-t-elle expliqué.
Poursuivant, la partie civile explique comment ses bourreaux ont réussi à avoir son argent. « Après cela, il m’a envoyé un numéro Orange money sur lequel je devais déposer l’argent. J’ai commencé à envoyer de l’argent sur le numéro par tranche. Un jour, il m’appelle pour me dire d’aller puiser de l’eau de puits dans laquelle eau je vais mettre de la terre ramassée à l’entrée d’une mosquée et me laver avec cette eau. Il m’a dit qu’en faisant cela, je verrais le résultat en l’espace de quelques jours seulement. Quelques jours après, je l’ai appelé pour lui dire que je n’avais rien vu encore. Pire, j’ai commencé à ressentir de la gale sur mon corps, mais il dit ce n’est pas grave, que c’est juste passager.
Après, il m’a dit de faire un autre sacrifice à base de noix de colas. Je l’ai fait, mais cela aussi n’a produit aucun résultat. Du coup, j’ai commencé à douter de sa moralité. Je l’ai appelé pour dire que je n’avais rien vu par rapport à son médicament de porte-bonheur, il m’a dit de patienter. Un jour, je me suis connectée pour rechercher le nom Ismaël Kondeya Camara, c’est là que j’ai vu le compte du vrai marabout, qui d’ailleurs avait publié sur sa page les faux comptes créés en son nom. Cela m’a permis de comprendre que j’avais affaire à un arnaqueur », a-t-elle fait savoir. Malgré tout, la jeune fille poursuit la conversation avec son interlocuteur, comme si elle ne se doutait de rien. Son objectif désormais était de pouvoir mettre la main sur lui.
« Il m’a demandé quel genre de téléphone j’avais, je lui ai répondu que c’était un iPhone 11 pro. Ensuite, il m’a dit de croire en Dieu et d’offrir ce téléphone à un passant que je ne connais pas, tout en assurant que dans deux jours, j’aurais une bonne surprise dans ma vie. Vu son insistance, je lui ai fait croire que j’avais offert à quelqu’un suivant ses instructions. Deux jours plus tard, c’est moi qui l’ai appelé pour lui dire que ça a marché : j’ai donné un iPhone 11 pro et j’ai eu un iPhone 13 pro. J’ai fait une vidéo de l’iPhone 13 de ma grande sœur que je lui ai envoyée.
Après, il m’a dit alors de donner cet iPhone 13 aussi à quelqu’un qu’il allait m’envoyer (pour avoir une autre bonne nouvelle). Il a précisé que quand je le donne à l’intéressé, de ne pas regarder son visage et de ne pas se retourner jusqu’à ce qu’on s’éloigne. Je lui ai donné mon accord, et on a fixé un rendez-vous. Au lieu du rendez-vous, un monsieur habillé en tenue de la garde pénitentiaire est venu me trouver, je l’ai immédiatement attrapé pour crier au voleur. En tout, j’ai fait le dépôt de 3 800 000 plus 500 000 pour ma relation avec les garçons », a relaté la plaignante.
Finalement, le tribunal a renvoyé l’affaire au 29 mars 2023 pour la communication des audios annoncés par la partie civile.
Malick DIAKITE pour Guineematin.com
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