Poursuivis, des cadres accusent le ministre Julien Yombouno : « il travaillait pour l’UNICEF et percevait en même temps son salaire de la fonction publique »

Julien Yombouno, ministre du travail et de la fonction publique

« Nous avons épinglé 407 autres personnes dont le ministre Julien Yombouno lui-même, qui faisait partie du lot parce qu’il travaillait à l’époque à l’UNICEF Guinée et en même temps il percevait son salaire de fonctionnaire au Ministère de l’éducation. Dès sa nomination en 2021, il s’est tout de suite attaqué à ce dossier et il a cherché à connaître ceux qui ont travaillé là-dessus. Pendant ce temps, j’ai bénéficié d’un décret au ministère. Après ma nomination, il a dit qu’il n’est pas d’abord, que ce n’est pas lui qui m’a proposé et donc qu’il ne peut pas travailler avec moi. C’est pourquoi, deux mois plus tard, il a réussi à me remplacer à ce poste… », a notamment expliqué à la barre Djoumè Camara, un des cadres en service au Ministère du Travail et de la Fonction publique.

Six (6) cadres du Ministère du Travail et de la Fonction Publique ont comparu hier, lundi 24 avril 2023, au tribunal de première instance de Kaloum. Ils sont poursuivis par l’agent judiciaire de l’État pour faux en écriture publique et abus de confiance. Appelés à la barre, 3 des 6 prévenus qui ont fait leur déposition, ont tour à tour nié les faits mis à leur charge. Mieux, ils accusent le ministre de la Fonction Publique de règlement de comptes, a constaté sur place Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Djelimadi Dioubaté, Djoumè Camara, Ibrahima Fofana, Makan Sidibé, Moussa Keita et Amadou Soumah sont les prévenus dans cette affaire. Mais, ils accusent le ministre de la Fonction Publique, Julien Yombouno, d’acharnement contre leur personne.

A la barre, Djoumè Camara, cadre en service au Ministère du Travail et de la Fonction publique, explique ce qui s’est passé dans cette affaire. « Ce que nous avons vécu avec le ministre Julien Yombouno, je n’ai jamais vu un ministre de la République se comporter de la sorte. Ce sont des documents montés de toutes pièces qu’il a essayé d’embarquer tout le monde comme : le parquet, l’agent judiciaire, la DPJ. En 2014, suite au recensement biométrique des fonctionnaires dans le but d’assainir le fichier de la fonction publique, par confiance, j’ai été choisi pour appartenir à la commission de ce recensement. Au cours des travaux, nous avons détecté 1021 personnes qui travaillaient à la fois pour l’État et pour le secteur privé. C’est en ce moment même qu’on a eu à déceler les anciens travailleurs de la SOTELGUI. Dans le même lot, nous avons épinglé 407 autres personnes dont le ministre Julien Yombouno lui-même, qui faisait partie du lot parce qu’il travaillait à l’époque à l’UNICEF Guinée et en même temps il percevait son salaire de fonctionnaire au Ministère de l’éducation. Dès sa nomination en 2021, il s’est tout de suite attaqué à ce dossier et il a cherché à connaître ceux qui ont travaillé là-dessus. Pendant ce temps, j’ai bénéficié d’un décret au ministère. Après ma nomination, il a dit qu’il n’est pas d’abord, que ce n’est pas lui qui m’a proposé et donc qu’il ne peut pas travailler avec moi. C’est pourquoi deux mois plus tard, il a réussi à me remplacer à ce poste. Depuis lors, je n’avais pas de bureau au département. C’est quelqu’un qui est allergique à la contradiction. Quand il décide, il veut que tout le monde s’aligne. Il n’y avait aucune interdiction, aucun texte ne m’interdisait d’entrer dans tel ou tel bureau au ministère là-bas. C’est comme ça qu’on a été arrêté dans ce bureau par le ministre à travers les agents de la DPJ. On a fait 6 jours de garde à vue à la DPJ avant que 4 personnes parmi nous ne soient déférées à la maison centrale et 2 autres placées sous contrôle judiciaire. C’est un acharnement contre moi pour avoir appartenu à cette commission qui a levé le voile sur sa situation à la fonction publique », a lâché le prévenu à la barre.

Appelé à son tour pour livrer sa part de vérité dans cette affaire, Ibrahima Fofana, ancien directeur général adjoint du service informatique du Ministère du Travail et de la Fonction Publique, limogé par le ministre Julien Yombouno, dénonce ce qu’il qualifie d’abus d’autorité de la part du ministre Julien Yombouno. « Le fait de venir nous arrêter dans nos locaux en plein travail, sans préavis ni fondement valable est inimaginable. Ceci n’est qu’un abus de pouvoir et d’autorité. Ce qui nous est arrivé est du jamais vu. Pour une raison personnelle à lui et que nous ignorons, il nous faisait savoir par mille manières qu’il ne voulait pas de nous là-bas. Moi, dès mon limogeage en tant que directeur général adjoint du service informatique, je n’avais pas de bureau. Mais, je venais une ou deux fois par semaine pour ne pas qu’on m’accuse aussi d’abandon de poste. Donc, n’ayant pas où rester, je sillonnais quelques bureaux où on me tendait la main. C’est ainsi, il est venu nous trouver ce jour dans un bureau où il a crié sur nous avec des menaces avant de nous faire arrêter par les agents de la DPJ pour nous accuser d’être entré dans le système pour insérer des gens dans le fichier de la fonction publique », accuse-t-il.

Pour sa part, Djelimadi Dioubaté, un des prévenus, est revenu sur ce qu’il a vécu ce jour. « J’étais au bureau quand j’ai appris que le Ministre de la fonction publique a déployé des agents chez moi pour une perquisition. Ils ont humilié ma famille et moi-même comme des malpropres. Et, pendant ce temps, je me faisais arrêter en présence du ministre. Il a dit aux agents : « arrêtez-les, auditionnez-les et revenez me trouver au bureau pour faire le point ». Ça prouve une fois de plus qu’il a abusé de son autorité. Les documents pris sur moi ne comportaient aucune signature faite par moi et n’avait rien de suspect. Même chez moi, rien n’a été trouvé comme document compromettant. Ma maison a été fouillée sans mandat de perquisition signé par un juge. Il n’a aucune preuve contre moi, il se base toujours sur les on-dit pour agir », a-t-il laissé entendre.

Le tribunal a renvoyé l’affaire au 8 mai 2023 pour la suite des débats.

Malick DIAKITE pour Guineematin.com

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