Expropriation et exactions à Saörö (Yomou) : les 115 victimes interpellent le Colonel Doumbouya

Les habitants du village de Saörö, situé à 15 km du chef-lieu de la sous-préfecture de Diécké et à 50 km de la préfecture de Yomou, n’en démordent pas contre ce qu’ils appellent l’expropriation de leurs terres par l’ancien président Alpha Condé pour la donner à la Société guinéenne de palmiers à huile et d’hévéas (SOGUIPAH). Ils continuent de réclamer les 1 800 hectares « expropriés » ou leur dédommagement, après des violences inouïes enregistrées à Saörö en 2011. Dans une interview accordée au correspondant de Guineematin.com en Forêt, Narcisse Kpoghomou, président de l’Association des victimes de Saörö, a interpellé le chef de l’État, le Colonel Mamadi Doumbouya sur cette situation qui perdure.

C’est une histoire qui date du 22 septembre 2011 à Saörö. Narcisse Kpoghomou, président de l’Association des victimes de Saörö, est revenu sur ce qui s’est produit à l’époque.

Narcisse Kpoghomou, président des victimes de Saörö

« C’est quand la SOGUIPAH est venue à Saörö 1988, le blanc qui est venu chez-nous, a dit qu’il veut de la terre de Saörö pour faire une plantation industrielle. Le village a dit, nous, on ne peut refuser le gouvernement, mais le gouvernement avait pris une grande partie de notre terre pour faire une Forêt classée. Mais quand vous prenez ça maintenant, où allons-nous partir ? C’est pourquoi le blanc a dit tout le long de la vallée de votre rivière là, on va aménager ça pour que vous trouviez à manger là-bas. Le village a dit bon, si vous êtes prêts et que vous aménagez, on va vous donner la partie. Au temps du Général Lansana Conté, on a tout fait, ils disaient qu’ils allaient le faire, mais ils refusaient de concrétiser ça. Comme ils ne l’ont pas fait, ils sont retournés. Il n’y avait pas de problèmes à ce moment-là. Dadis Camara est venu, il n’y avait pas de problèmes ainsi que Sékouba Konaté. Mais quand Alpha Condé est venu, maintenant ils sont venus par la force pour dire qu’il n’est pas question d’aménager une partie pour vous. Vous allez partir. C’est le gouvernement qui a besoin de la terre. En juin 2011, ils ont commencé à intimider la population. Ils ont pris trois de nos citoyens pour les mettre en prison. Un mois après, le juge n’a pas trouvé de problèmes, on les a libérés. Maintenant, le 22 septembre 2011, on a envoyé tout un arsenal militaire de N’Zérékoré. L’ex gouverneur Mohamed Ismaël Traoré et le préfet de Yomou, Jean Smith Sandy, ont démis de ses fonctions l’ancien président de district qui avait finalement reçu une balle sur son pied. Ils ont tiré sur André et ont arrêté 57 personnes dans ce village. Ils ont été mis en prison sans être indemnisés. Pendant qu’ils étaient en prison, l’État a envoyé des machines pour détruire les champs de ces pauvres personnes détenues à la maison centrale de N’Zérékoré. Même les champs de riz en maturité n’ont pas échappé. Ils ont mis des bulldozers dans ces champs. Et toute personne qui s’opposait, on la prenait pour mettre en prison », a expliqué Narcisse Kpoghomou.

Suite à cette intervention militaire, les difficultés se sont multipliées sur place au grand dam des citoyens. Narcisse Kpoghomou raconte. « Depuis cette atrocité sur les paisibles populations, nous souffrons énormément dans ce village-là. Allez chez nous aujourd’hui à Saörö, toutes les femmes sont violées à ciel ouvert dans les champs par les gardiens de ces plantations industrielles. La femme qui refuse d’être violée au champ, on la prend, on l’amène à Yomou en prison. Quand tu prends une noix de palme, c’est fini pour toi. Si tu es une femme, on va te violer et si tu refuses, on te traite de voleuse et on t’envoie à la prison de Yomou. Comment peut-on comprendre ? La terre que nos aïeux nous ont légués, nous souffrons pour ça. Nos enfants ne vont pas à l’école. Nous sommes là, comme si nous ne sommes pas des guinéens. Nous souffrons trop. Donc, si le gouvernement peut nous aider…  Nous voulons seulement notre terre. Si le gouvernement ne nous la donne pas, on n’a qu’à nous indemniser au-moins », plaide Narcisse Kpoghomou.

Après 12 ans de lutte, les victimes interpellent le président de la Transition, le Colonel Doumbouya, et le ministre de la Justice, à faire tourner la boussole de la justice vers leur localité. « Depuis le 22 septembre 2011, nous sommes là, on ne nous a pas indemnisés ; mais ils ont pris la terre, ils ont travaillé par la force sans donner un sou aux propriétaires terriens. Comme la justice est la boussole de la transition, c’est pourquoi nous venons auprès du gouvernement et nous demandons à toutes les ONG, internationales et nationales des Droits de l’Homme de nous accompagner devant le président, devant le ministre de la Justice pour que justice soit rendue dans ce problème », a sollicité le président de l’Association des victimes de Saörö.

Sur les 115 victimes de cette affaire, 13 personnes dont 4 femmes ont perdu la vie sans bénéficier de la justice dans cette affaire aujourd’hui portée devant la Cour de justice de la CEDEAO.

De N’Zérékoré, Foromo Gbouo Lamah pour Guineematin.com

Tél : 00224 620 166 816/666 890 877

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