Mamadou Baldé sur le massacre du 28 septembre 2009 : « je suis venu me coucher au milieu des morts et des blessés »

Mamadou Baldé, marchand et partie civile dans le procès du massacre du 28 septembre 2009

Âgé d’une quarantaine d’années et marchand de profession, Mamadou Baldé a comparu hier, mercredi 10 mai 2023, devant le tribunal criminel de Dixinn (délocalisé à la cour d’appel de Conakry) dans le cadre du procès du massacre du 28 septembre 2009. Il a été appelé à la barre en qualité de partie civile. Et, il se plaint de coups et blessures qu’il met au compte d’hommes habillés de maillots du club Chelsea et armés de couteaux et de bois.

« On est venu à la commune de Dixinn, il y a un manguier à l’intérieur du stade, c’est sur ce manguier qu’on est monté pour ensuite rejoindre les tôles de la commune. Mais, quand j’ai jeté un coup d’œil au sol, j’ai des gens qui avaient des bois et des couteaux. Ils étaient rasés et portaient des maillots de Chelsea. Ils battaient et poignardaient tous ceux qui descendaient. Quand j’ai vu cette barbarie, j’ai préféré retourner au stade. Malheureusement, en essayant de retourner au stade, je suis tombé, mon bras s’est fracturé », a-t-il déclaré.

Devant cette juridiction de première instance, Mamadou Baldé a dit avoir vu beaucoup de corps et des blessés au stade du 28 septembre lors de la journée du 28 septembre 2009. Il assure avoir lui-même joué au mort pour avoir la vie sauve dans ce stade de Conakry.

« Je me suis levé pour aller là où les footballeurs se soignent, je me suis couché quelque part là-bas. Il y avait beaucoup de gens qui étaient couchés à côté de moi. Je suis venu me coucher au milieu des morts et des blessés. Si vous veniez me trouver là-bas, vous ne pouviez pas savoir que je ne suis pas mort ; parce que j’étais complètement imbibé de sang. Je suis resté là un bon moment, puis quelqu’un est venu, je l’ai entendu dire : envoyez les camions, il y a beaucoup de corps au stade. Mais, je ne sais pas avec qui il parlait. Je suis resté là-bas jusqu’à 14 heures », a-t-il confié.

Guineematin.com vous propose ci-dessous un extrait de la déposition de Mamadou Baldé devant le tribunal criminel de Dixinn.

« Le 28 septembre [2009], on s’est regroupé au rond-point d’Hambdallaye vers 8 heures ou 8 heures30′. Ensuite, nous sommes allés au stade. Quand nous sommes arrivés à la terrasse (l’esplanade du stade), nous avons trouvé que tous les leaders étaient dans le stade, sauf monsieur Jean Marie Doré. C’est en notre présence que lui (Jean Marie Doré) est entré dans le stade. Et, quand nous sommes entrés, nous sommes partis directement sur la pelouse. Sur place, certains dansaient, d’autres jouaient avant qu’on ne commence les discours. Moi j’étais à jeûne, nous avons prié deux rakats sur les gazons là-bas. Peu de temps après, du gaz lacrymogène a été tiré du côté de la Mairie de Dixinn. Quelque temps, les militaires ont fait leur entrée sur la pelouse. Ils ont tiré, beaucoup de gens qui étaient avec moi sont tombés. J’ai commencé à chercher une issue pour sortir de là. Je me suis promené partout sur le terrain, j’ai trouvé que les portes sont petites et les gens sont nombreux. Il était question de venir monter les grillages pour aller de l’autre côté. Mais, à ce niveau, quand tu montes jusqu’à un certain niveau, quelqu’un vient prendre tes pieds et vous tombez à terre. Heureusement, par la grâce de Dieu, j’ai pu monter pour venir vers la commune de Dixinn. J’étais blessé et mes habits étaient aussi déchirés. Là où on soigne les footballeurs, on a tout fait pour escalader là-bas, mais on n’a pas pu. Nous sommes partis vers Marocana pour escalader les murs, mais on n’a pas pu. On est venu à la commune de Dixinn, il y a un manguier à l’intérieur du stade, c’est sur ce manguier qu’on est monté pour ensuite rejoindre les tôles de la commune. Mais, quand j’ai jeté un coup d’œil au sol, j’ai des gens qui avaient des bois et des couteaux. Ils étaient rasés et portaient des maillots de Chelsea. Ils battaient et poignardaient tous ceux qui descendaient. Quand j’ai vu cette barbarie, j’ai préféré retourner au stade. Malheureusement, en essayant de retourner au stade, je suis tombé, mon bras s’est fracturé. Mais, je me suis levé pour aller là où les footballeurs se soignent. Je me suis couché quelque part là-bas, il y avait beaucoup de gens qui étaient couchés à côté de moi. Je suis venu me coucher au milieu des morts et des blessés. Si vous veniez me trouver là-bas, vous ne pouviez pas savoir que je ne suis pas mort ; parce que j’étais complètement imbibé de sang. Je suis resté là un bon moment, puis quelqu’un est venu, je l’ai entendu dire : envoyez les camions, il y a beaucoup de corps au stade. Mais, je ne sais pas avec qui il parlait. Je suis resté là-bas jusqu’à 14 heures. Et, quand je suis sorti, il y avait un peu d’accalmie dehors. J’ai pris la route de Pharma Guinée, je suis allé à Momo-liberté, j’ai continué jusqu’au carrefour célibataire, j’étais trempé de sang. Quelqu’un m’a pris là-bas pour m’envoyer dans une clinique. C’est là-bas que j’ai eu les premiers soins. Après la clinique, je suis rentré à Hamdallaye, chez moi. Ce sont les gens qui portaient les maillots de Chelsea qui m’ont battu avec des bois et blessé au stade. C’est aussi eux qui ont fait que je suis tombé du toit de la mairie et mon bras s’est fracturé. Mais, je ne connais personne parmi eux », a expliqué Mamadou Baldé, tout en souhaitant que justice lui soit rendue.

Après sa déposition, le tribunal a renvoyé l’audience au 15 mai prochain pour la suite des débats.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

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