À Vintimille, auprès des femmes migrantes échouées aux portes de la France

« Ces poupées représentent un utérus, un vagin et un sein »: à Vintimille, une clinique mobile de Médecins sans frontières (MSF) utilise des objets en crochet pour mieux comprendre les souffrances des femmes exilées qui affluent dans cette ville italienne frontalière de la France.

Plus de 45.000 migrants sont arrivés en Italie depuis début 2023, selon le ministère italien de l’Intérieur, soit presque quatre fois plus que l’an dernier sur la même période. Nombre d’entre eux tentent ensuite le passage vers d’autres pays européens via la frontière séparant Vintimille (nord) de Menton, dans le sud-est de la France. Mais les autorités françaises multiplient les renvois vers l’Italie.

 

Même si les femmes ne représentent qu’une minorité des exilés, elles sont de plus en plus nombreuses, parfois accompagnées d’enfants en très bas âge.

 

« Si on traverse la Méditerranée, c’est qu’on avait un problème, le viol, l’excision ou le mariage forcé. Ça te pousse à quitter ton pays », témoigne auprès de l’AFP une jeune Ivoirienne de 20 ans qui préfère taire son nom par peur.

 

Au petit matin, en ce jour de mai, elle fait partie des nombreux migrants interceptés par la police aux frontières française et renvoyés en Italie. Après avoir échoué aux portes de la France, elle revient à Vintimille par une ligne de bus, le coeur lourd.

 

Quelques heures plus tard, elle se rend à la clinique mobile déployée par MSF dans cette ville italienne où, comme à Calais, dans le nord de la France, des centaines d’exilés vivent, parfois sous un pont routier, en espérant un jour aller plus loin. Beaucoup viennent de pays francophones, Côte d’Ivoire, Guinée ou Mali, d’autres du Pakistan ou d’Erythrée.

 

« Nous nous sommes aperçus qu’il y avait un manque dans la prise en charge des femmes », explique Marina Castellano, une infirmière de 60 ans référente médicale de MSF à Vintimille. L’équipe compte huit personnes, dont un docteur, des médiateurs interculturels.

 

Pour faciliter le dialogue, et passer outre la barrière de la langue, Alessia Alberani, une sage-femme italienne de 26 ans, a eu l’idée de fabriquer en crochet des poupées représentant les parties intimes. « J’ai aussi un appareil pour écouter le coeur des bébés car de nombreuses femmes enceintes arrivent ici », raconte-t-elle, espérant bientôt un échographe.

 

 

– « Violences sexuelles » –

 

Le personnel de MSF se relaie du lundi au vendredi auprès des migrants, plus un soir par semaine près de la « jungle » locale sous l’autopont de la Roya.

 

La fourgonnette abritant la clinique mobile stationne généralement le matin à la frontière même, quand les migrants arrêtés en France sont reconduits en Italie après avoir passé la nuit dans les locaux de la Police aux frontières de Menton, et l’après-midi en ville près du siège de Caritas, où les refoulés se retrouvent.

 

Assise devant les marches de cette association caritative avec des dizaines de personnes en quête de nourriture ou de vêtements, Astou, 20 ans, originaire de Kindia (Guinée), attend, elle, la clinique mobile. La veille, après avoir consulté pour des vomissements, elle a appris qu’elle était enceinte de deux mois. « J’étais choquée. D’un côté, c’est une bonne nouvelle, mais c’en est aussi une mauvaise car j’ai déjà un fiancé au pays depuis cinq ans et ce n’est pas le père de l’enfant », raconte la jeune réfugiée. « Je ne veux pas ôter la vie mais je ne sais pas si je veux le garder », confie-t-elle.

 

« Les femmes qui ont traversé la Tunisie ou l’Algérie (avant de traverser la Méditerranée vers l’Europe, ndlr) ont souvent subi des violences sexuelles ou sanitaires, certaines n’ont pas reçu les soins appropriés pendant leur accouchement dans les hôpitaux, et il y a aussi de nombreux problèmes d’infections des parties intimes », explique Cecilia Momi de MSF.

 

« Le travail que nous faisons ici s’apparente beaucoup à ce que fait MSF à Calais » en France, pointe Sergio di Dato, 44 ans, coordinateur du projet « People on the move » de MSF. « Sauf que là-bas, ce sont les Anglais qui refoulent les migrants » quand ici c’est la France qui renvoie ces derniers, souligne-t-il, avant d’ajouter: « Normalement, ce sont les autorités qui devraient prendre en charge ces personnes, mais elles ne respectent pas leurs obligations ».

AFP

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