Traumatisme psychique : des guinéens et ivoiriens en conclave à Conakry pour échanger autour de ce trouble mental

Le traumatisme psychique est souvent négligé, voire méconnu en Afrique. Or, plusieurs personnes sur ce continent souffrent de ce mal passé sous silence. Pour inverser cette tendance, l’ONG AMALI a réuni à Conakry ce mardi 06 juin des psychologues, psychiatres, enseignants chercheurs, membres d’ONGs, guinéens et ivoiriens, l’ambassade de France (partenaire financier), le ministère de la Promotion féminine, de l’Enfance et des personnes vulnérables de la Guinée et de l’OPREGEM (Office de Protection du Genre de L’Enfant et des Moeurs) pour échanger autour de cette problématique en vue d’une meilleure prise en charge des personnes qui en souffrent, a appris Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Les différentes violences auxquelles sont confrontées les personnes au-delà de laisser des traces physiques, qui sont donc visibles, occasionnent surtout des troubles psychologiques moins visibles. Or, il est important de détecter ces troubles pour mieux les prendre en charge. D’où l’idée de mettre en place ce partenariat entre la Guinée et la Côte d’Ivoire pour profiter de l’expertise de ce pays voisin dans le domaine.

Mme Houraye Bah, présidente de l’ONG AMALI pour l’émancipation des femmes, revient sur les raisons qui ont conduit à l’organisation de l’atelier sur les traumatismes psychologiques et détresse des victimes de violences.

Mme Houraye Bah, présidente de l’ONG AMALI pour l’émancipation des femmes

« C’est indispensable, parce que les traumatismes psychologiques sont des facteurs destructeurs à plus d’un titre. C’est plus que toutes les guerres, tous les maux de la société qui se résument là, dans la tête. Donc quand on ne va pas bien, on ne peut pas être productif, on ne peut pas être heureux, on ne peut rien faire, on a juste envie que la vie s’arrête en quelque sorte. On sait que la Guinée reste un peu derrière (dans ce domaine) les pays comme la Côte d’Ivoire, c’est pourquoi on est allé vers eux pour mettre ce partenariat en place pour qu’ils puissent nous aider à améliorer la prise en charge psychologique », a-t-elle dit, avant de parler des attentes à l’issue de cette rencontre.

« Que ce partenariat s’établisse, qu’il se concrétise, qu’on trouve les personnes appropriées, donc du corps médical etc., pour que la formation continue en Côte d’Ivoire ou ailleurs parce que c’est ça l’objectif afin que la prise en charge puisse se faire convenablement à partir de maintenant », a ajouté Mme Bah, remerciant au passage Expertise France et l’ambassade de France en Guinée pour leur accompagnement.

Xavier Henaut, attaché de coopération à l’ambassade de France, rappelle que le but du présent atelier est aussi d’encourager une coopération Sud-Sud.

Xavier Henaut, attaché de coopération à l’ambassade de France en Guinée

« Alors dans un premier temps on accueille ici des psychiatres et psychologues ivoiriens et ensuite on enverra une délégation guinéenne en Côte d’Ivoire pour voir ce qui se fait concrètement sur le terrain. L’idée de cet accompagnement, c’est d’encourager les initiatives sud-sud, d’encourager les initiatives entre pays africains qui disposent d’expertises, pas besoin toujours d’aller chercher l’expertise ailleurs quand on l’a sur place, la question est juste de mettre ensemble les gens pour pouvoir travailler ensemble et progresser ensemble », a-t-il ajouté.

Le traumatisme psychique se définit comme un grave trouble de la santé mentale qui survient lorsque la personne est confrontée à une violence dans laquelle elle a le sentiment que dans les instants qui vont suivre, elle va mourir. Mais non prise en charge, il peut engendrer des complications.

Dr Madjara Anoumatacky, médecin psychiatre et psychothérapeute

« Ça peut avoir des complications pour la santé de la personne, et aussi des complications sociales en termes de troubles de caractère : la personne devient agressive, nerveuse etc., elle peut avoir des comportements qui vont viser à la détruire elle-même : comme la consommation de toxiques, d’alcool, de médicaments qui l’empêche de penser (c’est l’expression qu’ils utilisent) ou bien avoir des comportements antisociaux avec agressivité. D’où la nécessité de prendre en compte les traumatismes psychiques parce que l’impact sur la cohésion sociale est très important. La prise en charge nécessite déjà d’être formé sur la question du traumatisme psychique. C’est-à-dire, la prise en charge n’est pas nécessairement l’affaire de spécialistes. Les spécialistes c’est quand ça devient compliqué, mais n’importe qui peut faire la prise en charge pourvue qu’il soit formé, parce que la prise en charge consiste surtout à comprendre ce qui se passe dans la tête de l’individu, à être humain, à pouvoir l’écouter et pouvoir le soutenir de sorte que s’il a maintenant besoin d’une prise en charge plus spécialisée qu’on puisse l’orienter vers les spécialistes », a signifié Dr Madjara Anoumatacky, médecin psychiatre, psychothérapeute.

Pr Antoine Tako, neurobiologiste, neuropsychologue

Et pour la prise en charge, un certain nombre de techniques sont mises en place. Pr Antoine Tako, neurobiologiste, neuropsychologue, indique : « Nous avons des techniques de prise en charge comme l’entretien, le jeu de rôles, la relaxation pour permettre à la personne d’exprimer ses émotions. Je donne un exemple : dans nos sociétés africaines on dit qu’un homme ne pleure pas. S’il a envie de pleurer, il fait que les personnes en face quelqu’elles soient lui permettent d’admettre ses émotions, de les exprimer, ensuite d’en discuter ».

S’agissant du cas de la Guinée, Dr Alhassane Chérif, psychologue et président fondateur de l’association guinéenne des psychologues cliniciens, aborde 3 événements majeurs, qui selon lui, donnent des traumatismes aux populations guinéennes.

Dr Alhassane Chérif, psychologue et président fondateur de l’association guinéenne des psychologues cliniciens

« Le cas de la Guinée est un cas spécifique parce qu’il y a trop de situations qui font penser au traumatisme psychique. Moi, j’ai préféré aujourd’hui parler du massacre du 28 septembre, ça a traumatisé le peuple guinéen. Ensuite l’avènement d’Ebola, et actuellement nous avons des manifestations récurrentes qui ne laissent pas de psychisme, surtout le traumatisme guinéen indifférent. N’oublions pas aussi les cas de viol. On va parler de comment endiguer tout ça, amener les gens à avoir beaucoup plus de recul par rapport à tout ça », a-t-il fait savoir.

Mamadou Yahya Petel Diallo pour Guineematin.com 

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