Affaire du jus 24H : le parquet de la CRIEF réclame un milliard et demi à la société American Beverage Sarl (SABEV)

Un milliard cinq cents millions de francs guinéens (1 500 000 000 GNF) de dommages et intérêts ! C’est le montant que le procureur spécial de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) a demandé que la société American Beverage Sarl (SABEV) soit condamnée à payer. Dans ses réquisitions d’hier, lundi 12 juin 2023, Aly Touré a estimé que cette société s’est rendue coupable de production et de mise à disposition des produits impropres à la consommation. En outre, il a sollicité que la production des jus 24h soit suspendue pour une période de 12 mois. Mais, l’avocat de la défense a, pour sa part, demandé la relaxe de la société. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 22 juin 2023, rapporte un journaliste que Guineematin.com avait dépêché à la CRIEF.

Pour rappel, dans cette affaire qui avait fait grand bruit à Conakry et à l’intérieur du pays avant d’atterrir finalement à la Crief, le parquet poursuit la société American Beverage Sarl (SABEV), Mohamed Mehdi Mohsen, agent commercial et Ibrahima Kandas Condé, agent comptable, des faits de « présomption d’atteinte à la santé publique, fraudes fiscales » concernant une certaine quantité des jus 24h de 330 et 500 ml produits du 13 au 29 décembre 2022. Il est donc reproché à ces lots de jus de contenir plus d’acide citrique que la quantité requise, ce qui peut causer des problèmes de santé aux consommateurs dont les conséquences seraient des soucis cardiaques. Mais aussi de ne pas avoir enregistré régulièrement certains de ses tirailleurs expatriés.

Me Amadou Baben Camara, avocat de l’État

Dans la présente audience, c’est tout naturellement l’avocat de la partie civile qui a pris la parole en premier pour présenter ses plaidoiries. Me Amadou Baben Camara a demandé que la société SABEV soit retenue dans les liens de la culpabilité étant donné qu’elle n’a pas payé les impôts de ses salariés dont la situation de travail n’avait pas été régularisée. Par ailleurs, il explique que tous les rapports des prélèvements faits sur les jus incriminés disent qu’ils sont impropres à la consommation. Cependant, précisant qu’il n’a pas été prouvé que Mohamed Mehdi Mohsen et Ibrahima Kandas Condé ont commis des infractions, alors il a demandé qu’ils soient relaxés. Mais étant uniquement intéressé en tant que partie civile dans le procès par le paiement des intérêts civils, il dit laisser le soin au ministère public de prendre ses réquisitions pour la répression.

« Ce qui nous importe dans ce procès, ce sont les intérêts civils. L’État guinéen est soucieux de la santé publique du peuple de Guinée…Pour toute cause de préjudices confondues, nous vous prions de vouloir condamner la société SABEV au paiement d’un milliard de francs guinéens (1 000 000 000 GNF) de dommages et intérêts », a indiqué Me Amadou Baben Camara.

Aly Touré, procureur spécial de la CRIEF

Pour sa part, le Ministère public a d’abord rappelé que les conséquences d’un taux d’acide citrique élevé dans une boisson peuvent s’avérer graves pour la santé des consommateurs. « Une boisson qui dans sa composition excède en acide citrique ( un élément chimique avec la propriété principale du caractère aromatique de l’élément), les médecins conseillent une consommation mordorée de cet élément chimique, et lorsque c’est un élément qui cause d’énormes dégâts dans l’organisme humain. Notamment, l’attaque de l’acide citrique sur les voies nerveuses, l’attaque de l’acide citrique sur les voies artérielles. Et quand on sait que les artères sont un conduit important dans la circulation sanguine, la conséquence médicale de cela, c’est que ça peut causer facilement des maladies cardio-vasculaires », a expliqué le procureur spécial, Aly Touré.

Parlant du service de contrôle de la société American Beverage, il estime qu’il a failli car il a validé la production, or le rapport et les expertises ont révélé que le taux d’acide citrique était supérieur à la norme recommandée dans les jus incriminés. En revanche, il ressort des débats que la société avait fait les démarches pour régulariser la situation de ses employés mais le blocage est venu de l’administration.

« Nous estimons que les faits de production et de mise à la disposition de la population aux fins de consommation des produits impropres à la consommation tel que prévu par l’article 52 de la loi 033/2021 sont on ne peut plus réunis contre American Beverage. Par ailleurs, nous ne retenons rien dans leurs agissements personnels contre Mohamed Mehdi Mohsen et Ibrahima Kandas Condé quant à leurs agissements personnels dans la commission de cette infraction. Nous estimons qu’il n’y a aucune charge contre ces personnes physiques. En ce qui concerne la fraude fiscale, les explications qui ont été données ici ne nous permettent pas d’asseoir une poursuite fondée sur l’évasion fiscale, parce que le retard de régulation des expatriés est dû à l’administration et non American Beverage. Conséquemment le ministère public ne retient aucune charge contre cette société pour les faits de fraude fiscale. American Beverage en tant que personne morale est suffisamment coupable des faits de production et de mise à disposition des produits impropres à la consommation humaine et nuisible à la santé », a dit le parquet. Alors, il a requis que le tribunal condamne la société à payer 1 500 000 000 GNF et la suspendre de la production des boissons 24h pour 12 mois.

Par ailleurs, le procureur Aly Touré a sollicité du tribunal de prononcer la relaxe pour Mohamed Mehdi Mohsen et Ibrahima Kandas Condé, et la société sur le délit de fraude fiscale.

Me Francis Charles Kpaga Haba, avocat

Si Me Francis Charles Kpaga Haba, avocat de la défense a apprécié les dernières demandes du parquet, il a fustigé le fait que ce dernier ait attendu la phase des réquisitions pour inviter le tribunal à condamner la société pour des faits pour lesquels elle n’est pas poursuivie devant la Cour, selon lui. « M. le président, Rejetez purement et simplement les réquisitions du ministère public. Si vous ne relaxez pas SABEV, condamnez au moins SABEV pour atteinte à la santé publique. Autorisez la reprise provisoire de la production des jus 24h sous le contrôle du Ministère de l’industrie durant 3 mois. Le contrôle continue si les résultats ne sont pas concluants, si c’est concluant autorisez la poursuite de la production », a-t-il plaidé.

Dans sa réplique, le procureur a dit à la Cour de balayer d’un revers de main la demande d’ouverture de l’usine faite par l’avocat de la défense parce que « inopportune et incongrue », a-t-il soutenu.

Mais, la Cour a mis l’affaire en délibéré au 22 juin 2023 pour rendre sa décision.

Mamadou Yahya Petel Diallo pour Guineematin.com 

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