Rareté du poisson à Conakry : ce qu’en dit le président de l’Union nationale des pêcheurs artisanaux

Depuis quelques semaines, le poisson et plusieurs autres denrées alimentaires se font rares sur le marché guinéen. Les prix montent en fonction de cette rareté des produits alimentaires. Dans un entretien accordé à Guineematin.com ce jeudi, 27 juillet 2023, le président de l’Union nationale des pêcheurs artisanaux de Guinée (UNPAG) a livré les raisons de cette rareté du poisson. Sékouba Conté rejette la responsabilité sur l’Etat qui ne s’entoure pas des connaisseurs du domaine dans la prise de décisions.

Sékouba Conté, président de l’union nationale des pêcheurs artisans de Guinée

Sans langue de bois, Sékouba Conté accuse l’Etat d’être à la base de cette rareté. Pour lui, les administrateurs du secteur sont à la base de la souffrance des populations. « L’administration de la pêche est à la base de la souffrance de la population. Je le dis, je le réitère et je mesure mes mots. En matière de pêche, l’administration de la pêche est à la base. Les espèces qui doivent être exportées sont bloquées. Alors que les guinéens n’aiment pas ces espèces-là. Le guinéen mange rarement ces espèces-là. Si tu prends l’espèce appelée saule que les Soussous appellent « Faaba », et l’autre qualité appelée « Böböye », ce sont les deux espèces qui se mangent rarement en Guinée. Et il se trouve que ce sont les deux espèces qu’ils ont interdit d’exporter. Pourtant, ce sont les deux espèces qui doivent sortir parce qu’elles sont très sollicitées par les européens et les asiatiques. Et qu’est-ce qui doit être bloqué dans les règles de l’art ? Ce sont les espèces que les guinéens mangent. C’est-à-dire les barracudas, les capitaines, les dorades, le konkoë… Normalement, c’est ce qui doit être bloqué pour que les poissons soient accessibles aux guinéens et qu’ils mangent à leur faim. Mais l’administration a fait le contraire, elle laisse les bonnes espèces consommées par les guinéens sortir et bloquer ce qui n’est pas consommé par les guinéens. Là, ils ont renversé la pyramide tout simplement parce qu’ils gagnent de l’argent à partir de ça. Quand ils bloquent la sortie de certaines espèces, cela permettra aux Chinois ou aux Coréens de venir négocier avec eux dans le bureau en donnant des billets de dollars. C’est la raison pour laquelle ils font cela. Et les conséquences, ce sont les guinéens pauvres qui vont les ressentir », soutient notre interlocuteur.

Poursuivant ses explications, Sékouba Conté déclare que même au niveau de l’élaboration des plans de pêcheries, les pêcheurs professionnels ne sont pas associés. « Dans l’élaboration des plans de pêcheries, il faut absolument que les professionnels soient associés. Mais en Guinée, on nous met toujours devant le fait accompli. Eux, ils élaborent le plan de pêcherie qui est le guide de toute activité de pêche dans l’année en l’absence des pêcheurs. En élaborant cela, il faudrait que les professionnels de la pêche artisanale soient à côté pour dire ce qui est bon et ce qui n’est pas bon. Mais en Guinée, qu’est-ce qu’ils font ? Ils vont ramasser des personnes de leurs familles pour faire passer leurs projets au nom des pêcheurs. Généralement, ceux qui participent à l’élaboration des plans de pêcheries ne sont pas des professionnels. Les professionnels, c’est nous. C’est à cause de ça que nous n’avons pas pu approfondir nos études.  Nous sommes donc des professionnels. Ensuite, à chaque aménagement de pêcheries, ils augmentent le taux de redevances. C’est en Guinée seulement qu’on retrouve cela. Chaque année on augmente le taux des redevances.  Au Sénégal, en Sierra Leone, quand le taux de redevances est touché cette année-là, il faut encore 5 ans ou 6 ans pour que ça soit encore touché. Mais en Guinée, chaque année on augmente.  Quand vous augmentez, l’opérateur économique qui est là et qui est censé exploiter la mer va payer la licence en tenant compte de cette redevance que vous avez mise. Et après tout, les conséquences, ce sont les consommateurs qui vont les payer. C’est pourquoi en Guinée, tous les prix augmentent et le poisson devient de plus en plus rare. L’Etat est à la base. Donc, l’Etat doit associer les pêcheurs et respecter les structures de la pêche artisanale. Généralement, c’est la pêche artisanale qui nourrit la population et non la pêche industrielle. La pêche industrielle ne débarque que 28 % de la production, et 72 % est débarquée par la pêche artisanale. L’Etat doit donc écouter les acteurs de la pêche artisanale », conseille le président de l’Union nationale des pêcheurs artisanaux de Guinée (UNPAG).

Saïdou Hady Diallo pour Guineematin.com

Tél. : 620 589 527/664 413 227

Facebook Comments Box