Sentiment anti-français en Afrique : ce que conseillent des analystes politiques et des panafricains

Le discours anti-français en Afrique francophone a pris de l’ampleur et conduit à un rejet de la politique française sur le continent. De la Centrafrique au Mali, en passant par le Burkina Faso et le Niger, le rejet de la France est plus que visible avec un choix porté désormais vers la Russie. Mais, des spécialistes en relations internationales désapprouvent le rejet d’un partenaire pour tomber dans les bras d’un autre au risque d’être pris au dépourvu. Ils l’ont dit ce lundi, 21 août 2023, au micro de Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Que ça soit sur les réseaux sociaux, devant les ambassades françaises ou dans les émissions télévisées, le sentiment anti-français gagne du terrain en Afrique francophone. Pourtant, chasser la France pour tomber dans les bras de la Russie est déconseillé par les observateurs avertis.

Alhassane Diallo, analyste politique

Pour Alhassane Diallo, analyste politique, les raisons de cette « haine » envers la France sont bien justifiées. « Lorsque la pauvreté devient de plus en plus endémique et le terrorisme de plus en plus florissant, tuant tout espoir de développement dans les pays sous influence française, certaines équations, avec des variables différentes, méritent d’être posées. D’où cette volonté de rompre avec la France qui peut être assimilée à de la haine, parce que voilà, certaines images montrent carrément que les jeunes ne veulent plus de la France en Afrique.  Posons ces équations de manière réfléchie et objective. C’est là qu’on pourra donc déceler l’évidence. L’évidence d’une opinion publique qui voudrait changer de paradigme dans la manière dont elle sera dirigée. La politique historique d’assimilation de la France, qui est par nature une politique de domination et d’assujettissement, semble ne plus avoir de beaux jours devant elle, surtout en Afrique. Après plusieurs décennies de collaboration avec la France, les anciennes colonies sont toujours dans la dépendance. Donc, c’est assez logique cette envie de changement, qui n’est pas soudaine d’ailleurs ».

Poursuivant, Alhassane Diallo déclare ne pas être d’accord avec cette orientation vers la Russie au détriment de la France. « Je ne suis pas pour le remplacement d’un colon par un autre, c’est de l’incohérence. Par contre, si la Russie parvient à détruire des décennies de collaboration, c’est qu’elle n’a pas été franche, ni sincère. D’ailleurs, elle est partisane de ce sentiment anti-français en Afrique francophone. À la France maintenant de trouver une autre approche plus positive et bénéfique pour chaque partie. Elle doit se débarrasser de son idéologie dominatrice qui est devenue le véritable problème dans son partenariat avec l’Afrique. Pour finir, j’ajouterai que je suis très pessimiste de nos partenariats avec la Russie et les faits par le passé s’illustrent. Il n’y a qu’à consulter l’histoire », a rappelé l’analyste politique.

Fabien Bangoura

Pour sa part, Fabien Bangoura, écrivain panafricain et révolutionnaire, ne voit rien d’étonnant sur ce sentiment anti-français. « Il n’y a rien d’étonnant. Ce que nous voyons, puisqu’un chef d’Etat français, en l’occurrence Nicolas Sarkozy, s’est un jour moqué de l’Afrique en affirmant que c’est un continent sans histoire, la collaboration France-Afrique ne donne absolument rien de positif au continent. C’est pourquoi les populations africaines clament haut et fort leur mécontentement envers la France et cela s’est matérialisé avec les coups d’États au Mali ou au Burkina, deux pays autrefois à la solde de la France. La collaboration avec la France n’a rien apporté, si ce n’est des guerres qu’elle finance, du terrorisme qu’elle soutient. La France ne cherche que son intérêt, et la jeunesse africaine a compris cela. Si vous prenez toutes les entreprises françaises aujourd’hui en Côte d’Ivoire, le pays n’a que 30 % de bénéfices dans ces plus de six cent entreprises impérialistes installées au pays. C’est déplorable ».

En outre, Fabien Bangoura, auteur de l’essai  » Ma sainte rébellion pour l’Afrique » demande aux populations africaines de prendre garde dans leur partenariat avec d’autres pays. « L’Afrique doit faire attention en se débarrassant du diktat des occidentaux. Elle ne doit pas chasser Paul et accueillir Pierre. Vouloir en découdre avec la France et s’ouvrir à la Russie qui voudrait faire pire que la France est une contradiction. Si le nouveau partenariat avec la Russie, ne nie pas l’Africanité des africains, ne freine pas leur autodétermination et leur économie, ne piétine pas les valeurs culturelles du continent, il n’y a absolument pas de problème à l’accepter. Il faut travailler avec les autres, mais l’Afrique doit sortir gagnante dans cette collaboration. Aujourd’hui, l’important, ça sera que l’Afrique partage la même vision panafricaine. Que ça soit culturellement, politiquement, et économiquement, les pays africains doivent avoir la même vision comme aujourd’hui le font le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Les chefs d’États africains doivent se responsabiliser, ils doivent comprendre que l’Afrique a besoin de son autonomie politique et économique », conseille l’écrivain panafricain et révolutionnaire.

Mamadou Baïlo Diallo pour Guineematin.com

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