Guinée : bilan des 2 ans du CNRD au pouvoir (par Mamadou Oury Diallo, Président de la LDRG)

Mamadou Oury Diallo, Président de la LDRG

Il y a deux années de cela, notamment le matin du dimanche 5 septembre 2021, les populations guinéennes, étouffées par un contexte sociopolitique et économique déprimant, se réveillaient au son de la voix de ses filles et fils patriotes en armes qui avaient décidé de prendre leur responsabilité face à l’histoire. Ce fut un réveil martial, mais un réveil plein d’espoirs célébré avec spontanéité dans les rues sur l’ensemble du territoire national. C’est l’avènement du Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) au pouvoir, avec à sa tête le Colonel Mamadi DOUMBOUYA.

Dès sa première prise de parole publique, le Colonel Mamadi DOUMBOUYA avait eu des mots justes qui raisonnent avec le peuple. Mais surtout, quelques jours après son avènement au pouvoir, le CNRD à déroulé ses priorités et ses engagements dans le cadre de la période transition qui allait alors s’ouvrir en Guinée. Les cinq (5) priorités énoncées par le CNRD furent : (A) le Refondation de l’État; (B) le Redressement; (C) Le Rassemblement; (D) Le Repositionnement; et (E) La Rectification institutionnelle et le retour à l’ordre constitutionnel.

Deux années plus tard, c’est l’heure du bilan sans démagogie :

  • Est-ce que le CNRD avance dans le sens des 5 priorités de la transition?
  • Quels sont les principaux actes concrets posés pour chacune de ces 5 priorités de la transition?
  • Quelle appréciation avons-nous des actions posées pour chacune de ces 5 priorités de la transition?
  • Quels sont les points faibles du CNRD sur chacune de ces 5 priorités de la transition?
  • Le régime de la transition fait-il mieux que le régime précédent?

C’est à l’ensemble de ces questions que nous apporterons des réponses documentées et objectives. Pour chacune des priorités, nous émettons une évaluation allant de « Excellent » à « Faible », en passant par « Très bien » et « Bien ». C’est l’heure du bilan sans démagogie.

 

  1. A) La Refondation de l’État : cette priorité comprend les trois volets suivants : (1) la réforme de l’Administration publique, (2) la moralisation de la vie publique, et (3) la restauration de l’autorité de l’État.

1) En matière de réforme de l’Administration publique : à la veille de la prise du pouvoir par le CNRD, la fonction publique guinéenne était devenue ci-immaîtrisable que la seule solution que le régime précédent proposait était de réduire de 5% le salaire de chaque fonctionnaire de l’État.

À son arrivé au pouvoir en septembre 2021, le CNRD a identifié la réforme de l’administration publique comme une priorité. Le travail difficile et complexe d’épuration du fichier de la fonction publique n’a donc pas tardé. Seulement entre septembre 2021 et décembre 2021 :

  • 6300 fonctionnaires de l’administration publique ont été appelé à faire valoir leurs droits à la retraite;
  • 2500 agents ont été admises à faire valoir leurs droits à la retraite au sein de l’Armée, de la Douane et de la Police; 
  • 427 agents du corps des Conservateurs de la nature ont été mis à la retraite; et
  • Il y a aussi d’autres vagues de départ à la retraite qui ne sont pas capturés par les chiffres cités ci-haut.

En plus des employés fictifs qui ont été détectés et éliminés, ce travail d’épuration du fichier de la fonction publique a permis de sauver 35 milliards de GNF par mois. C’est l’équivalent de 3,5 millions de dollars par mois ou 42 millions de dollars par an. En janvier 2023, dans son Rapport sur la Guinée, le FMI déclare : « les autorités de la transition ont réduit la taille de l’administration publique, non seulement en consolidant les ministères et les agences publiques, mais aussi, en réduisant les dépenses récurrentes à son niveau le plus bas depuis plus d’une décennie ».

Ce travaille d’épuration et de maîtrise de l’effectif de la fonction publique est aujourd’hui à sa phase de biométrisation. La biométrie est une façon de pérenniser et sécuriser ce gigantesque travail qui a été fait. En plus de cet effort sur le registre de la fonction publique, afin d’améliorer la gestion de l’administration publique, les autorités de la transition continuent la mise en place progressive du Conseil d’Administration des différents établissements publics.

–> Appréciation : Très bien! Il est très important de compléter le projet de biométrie d’ici la fin de la transition.

–> Les points faibles : Le seul point faible sur la réforme de l’administration publique concerne la paralysie des administrations décentralisées et déconcentrées.

2) En matière de restauration de l’autorité de l’État : L’autorité de l’État signifie à la fois la présence de l’État sur l’ensemble du territoire de l’État, et la capacité de l’État à faire respecter la loi sur l’ensemble du territoire national. À la veille du l’avènement du CNRD au pouvoir, la Guinée était devenue une sorte d’État de non droit où les abus de pouvoir étaient monnaie courante, où les procédures judicaires étaient bafouées, et où le pouvoir central avait abandonné des pans entiers du territoire national.

À son arrivé au pouvoir en septembre 2021, le CNRD a fait le choix de rétablir l’autorité de l’État à travers l’État de droit. Des efforts considérables ont donc été employés pour faire de la justice la boussole de la gouvernance du pays :

  • À la place des abus de pouvoir, désormais le respect des procédures judiciaires est mis de l’avant autant que possible. Et lorsqu’il y a des manquements, des rectifications et des sanctions s’en suivent;
  • Il y a eu des inculpations, des traductions en justice, des procès, et des condamnations d’acteurs de pouvoir qui étaient autrefois au-dessus des lois, y compris des ex-ministres, des ministres en activité, d’ex-premier ministres, des cadres de l’administration publique, des agents des forces de l’ordre, ou d’un ex-président d’assemblée nationale; 
  • L’État guinéen a réparé des torts causés à des victimes de l’ancien régime; et
  • Il y a eu l’ouverture, en Guinée, du procès des Crimes contre l’humanité de septembre 2009. Voilà plus de 13 années que le monde entier était en attente, les populations victimes en premier, que justice se fasse par rapport à ces crimes abominables qu’a connu la Guinée. Le Procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI) était présent à l’inauguration du procès et il n’a pas manqué de saluer la décision courageuse des autorités de la transition en Guinée à ouvrir ce livre d’horreur, de lire ses pages, de rendre justice, afin de pouvoir tourner la page et aller de l’avant.

En plus de la réanimation des procédures et du système judiciaire, les autorités de la transition manifestent une volonté réelle de garantir l’indépendance de la justice. Cette volonté de remettre la justice au cœur de la gouvernance du pays s’exprime également par une augmentation annuelle de 16.17% du budget de la justice.

–> Appréciation : Très bien! L’idéale serait de mettre tous les moyens au service de la justice afin que les grands procès symboliques, comme ceux des crimes de septembre 2009 et des grands dossiers de criminalité économique, soient finalisés d’ici la fin de la transition. C’est l’une des seules manières de pérenniser les acquis sur ce domaine.

–> Les points faibles : Le point faible en matière de restauration de l’autorité de l’État est la lenteur dans l’expédition des dossiers pendants devant les tribunaux à l’échelle nationale.

3) En matière de moralisation de la vie publique : il est utile de rappeler ici le contexte dans lequel la Guinée se trouvait avant l’avènement du CNRD au pouvoir. Les régies financières de l’État étaient devenues la vache à lait d’un système rodé de kleptocratie. Des centaines de fonctionnaires fictifs recevaient des salaires mensuels de plus de 400 mille dollars. Tous les grands chantiers de l’État étaient à l’arrêt parce que les gouvernants avaient détourné les fonds destinés à faire avancer les chantiers. L’État guinéen avait accumulé des centaines de millions de dollars d’arriérés vis-à-vis de ses partenaires. La Banque centrale était rendue à accorder des fonds à des promoteurs privés, ou à justifier des millions de dollars saisis dans des jets privés à l’aéroport de Dakar. Sans mentionner des revenus miniers qui étaient directement déposés sur des comptes à l’étranger et qui n’ont jamais pris le chemin du trésor public. C’est dans ce contexte qu’arriva le CNRD le 5 septembre 2021.

À son arrivé, le CNRD a fait de la moralisation de la vie publique une véritable priorité. Il y a alors plusieurs initiatives qui furent prises :

  • Le gel temporaire des comptes à la Banque centrale afin d’interrompre la saignée financière du pays;
  • La nomination d’un gouvernement et de cadres dont la réputation n’a jamais été mêlée à des affaires de malversations financières;
  • La mise en place d’une déontologie de gouvernance qui suggère d’écarter tout membre qui serait compromis dans des affaires de corruption;
  • La mise en place, dès le 2 décembre 2021, de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF);
  • Le lancement des audits dans tous les secteurs de la vie publique;
  • Au bout de la première année d’activité, non seulement le dispositif anti-corruption avait mis la main sur 48 dossiers de grande corruption, mais de plus, selon l’Agent judiciaire de l’État, l’État Guinéen avait engagé des poursuites pour un montant total de $760 millions contre les délinquants économiques du pays; et
  • Plus récemment, en plus de la réanimation de la Cour des comptes, les autorités ont activité les opérations du Vérificateur Général de l’État dont le rapport annuel permet de détecter les défaillances et de combler les insuffisances dans la gestion au quotidien de l’administration publique centrale et locale.

–> Appréciation : Excellent! Dans son Rapport de janvier 2023 sur la Guinée, le FMI affirme : « en matière de gouvernance, les autorités ont entrepris des étapes significatives pour combattre la corruption ». Afin de pérenniser cet effort, plusieurs actions sont nécessaires. D’abord, permettre à la CRIEF de rendre son verdict sur au moins la moitié des cas qui lui sont présentés d’ici la fin de la transition. Puis, mettre absolument en œuvre la réforme proposée en mai 2023 par le Ministre de la Justice qui consiste à muscler le dispositif anti-corruption d’ici la fin de la transition. Finalement, inclure absolument ce dispositif musclé présenté par le Ministre de la Justice en mai 2023 dans le Projet de Constitution de la nation en tant que loi fondamentale.

–> Les points faibles : Le point faible sur ce plan est la lenteur de la CRIEF à élucider certains dossiers, mais aussi la quasi-absence de l’Agence Nationale de lutte contre la corruption qui était pourtant supposée saisir l’occasion historique de la sincérité des autorités en matière de lutte contre la corruption pour mener des activités agressives de sensibilisation à l’échelle nationale.

 

  1. B) Le Redressement : cette priorité comprend les trois volets suivants : (1) la rupture et la transparence dans la gouvernance, (2) les réformes économiques urgentes, et (3) les réformes sociales urgentes.

1) En matière de rupture et de transparence dans la Gouvernance : à la veille de la prise du pouvoir par le CNRD, l’opacité, le clientélisme et le népotisme étaient monnaie courante dans la gouvernance du pays. Dans son rapport publié en juillet 2021 sur la situation économique de la Guinée, le FMI affirmait « le score de la Guinée sur l’indice de l’évaluation des politiques et des institutions de la Banque Mondiale est resté inchangé depuis 2016, à peine au-dessus de la moyenne des pays de l’Afrique sub-saharienne; la pire performance étant celle du secteur public, reflétant ainsi la faible capacité institutionnelle du pays ».

Depuis l’avènement du CNRD au pouvoir le 5 septembre 2021, plusieurs actions concrètes ont été entreprises pour assurer une rupture avec les pratiques anciennes :

  • Le principe qui veut que tout agent de l’État impliqué dans des malversations financières soit démis de ses fonctions jusqu’au prononcement de la justice a été scrupuleusement respecté par le Président de la Transition. À cet effet, plusieurs conseillers locaux, des hauts cadres et des ministres ont été démis de leur fonction pour faire face à la justice; 
  • Il a été institué par le Président de la Transition le principe de l’audit annuel de tous les marchés publics attribués par l’État; 
  • La Cour des Comptes et le Vérificateur Général de l’État sont désormais des institutions pleinement actives qui produisent des rapports suivis de recommandations appuyées par le Président de la Transition; et
  • Il est instauré l’évaluation semestrielle de la feuille de route des différents ministres par une équipe technique de la Primature afin de donner un sens au principe d’imputabilité et de redevabilité.

–> Appréciation : Bien! Dans son Rapport publié en janvier 2023 sur la situation économique de la Guinée, le FMI affirme « en matière de gouvernance, des progrès ont été réalisé. Les autorités ont pleinement mis en œuvre leurs engagements. En plus de cela, les autorités ont mis en place une cour pour les poursuites des crimes économiques et financiers, ce qui contribue à réduire la perception d’impunité dans le pays ». Il est vrai qu’il y a encore plusieurs pratiques vertueuses à implanter dans la gouvernance du pays, notamment au niveau de la passation des marchés publics. Cependant, pour pérenniser les acquis de la transition, il est important pour le gouvernement, non seulement d’accorder une très grande importance aux travaux de la Cour des Comptes et du Vérificateur Général de l’État, mais surtout, de donner suite aux recommandations de ces deux entités. De même, il est important de maintenir l’évaluation semestrielle des ministres et d’avancer concrètement vers le modèle Rwandais de passation des marchés publics ambitionné par le Président de la République d’ici la fin de la transition.

–> Les points faibles : Les points faibles sur ce plan portent sur la faible capacité du gouvernement à mettre en œuvre et assurer le suivi des recommandations de la Cour des Comptes et du Vérificateur Général de l’État. De même, l’incapacité du Gouvernement à exécuter plusieurs instructions du Président de la Transition concernant la bonne gouvernance des Établissements Publics Administratifs (EPA) et le rapatriement des recettes minières de l’État.

2) En matière de réformes économiques urgentes : à la veille de la prise du pouvoir par le CNRD, l’économie guinéenne s’inscrivait dans le contexte de la dynamique post-covid 19. Cependant, en dépit d’une croissance économique largement tirée par l’exploitation minière, les performances macroéconomiques du pays étaient médiocres à cause de la mauvaise gouvernance et de la corruption.

À l’avènement du CNRD au pouvoir le 5 septembre 2021, malgré le contexte de crise internationale marquée par l’agression de la Russie contre l’Ukraine, plusieurs actions furent prises pour redresser la situation macroéconomique du pays. Parmi ces actions, les principales furent :

  • Une meilleure rationalisation des dépenses publiques grâce à la réduction du nombre de ministères et d’agences publiques de 53 à 38, mais surtout grâce à l’épuration du fichier de la fonction publique;
  • Le remboursement, seulement entre septembre 2021 et juin 2022, de 3000 milliards GNF d’arriérés de dette publique intérieure accumulés avant septembre 2021;
  • Une meilleure mobilisation des recettes publiques, non seulement au niveau des régies financières de l’État, mais aussi grâce à une meilleure renégociation des prix des matières premières, notamment de la bauxite et de l’or;
  • Une meilleure mobilisation des recettes fiscales grâce à la création d’un identifiant unique associé aux différents foyers fiscaux, ainsi que la digitalisation de la déclaration et du paiement des taxes; 
  • La conception d’un budget de l’État pluriannuel qui offre une meilleure lisibilité sur l’évolution des grands projets de l’État; et
  • La remise sur les rails du méga-projet Simandou qui, selon le Rapport de janvier 2023 du FMI, avait connu « plus d’une décennie de retards à cause d’affaires judiciaires et de la corruption ».

Grâce à l’ensemble de ces efforts, sur le plan macroéconomique, les indicateurs publiés dans le Rapport de janvier 2023 du FMI parlent d’eux-mêmes :

  • Une croissance économique de 5.6% pour l’année 2023, alors qu’elle n’était que de 4.3% en 2021 avant l’avènement du CNRD au pouvoir;
  • Une inflation de 11.4% pour l’année 2023, alors qu’elle était de 12% avant l’avènement du CNRD au pouvoir;
  • Une augmentation des exportations de 2.8% en 2023, alors qu’elles stagnaient 0.6% avant l’arrivée du CNRD au pouvoir;
  • Une baisse du déficit public à 2.5% du Produit Intérieur Brut (PIB) en 2023, alors qu’il se situait à 3.9% du PIB avant l’avènement du CNRD au pouvoir;
  • Une baisse de la dette publique à 35.3% du PIB en 2023, alors qu’elle se situait à 43.3% du PIB avant l’avènement du CNRD au pouvoir; et
  • Quant aux réserves de devises à la Banque centrale en 2023, elles restent au même niveau qu’à l’avènement du CNRD au pouvoir (2.4 mois d’importations).

–> Appréciation : Bien! L’amélioration de la situation macroéconomique du pays se retrouve validée par le classement 2023 de la Banque Mondiale qui consacre le passage de la Guinée pour la première fois de son histoire du rang de pays à « revenu faible » à celui de pays à « revenu intermédiaire ». De même, pour la deuxième année consécutive en 2023, le Port Autonome de Conakry est classé 1er Port en Afrique de l’Ouest et en Afrique Sub-saharienne Atlantique dans l’indice de performances des ports à conteneurs élaboré par la Banque mondiale, gagnant ainsi 35 places supplémentaires dans le rang mondial. Finalement, la bonne gouvernance économique a produit des effets positifs qui n’étaient même pas anticipés par les autorités, notamment en matière d’infrastructures. En fait, le paiement des arriérés de l’État a naturellement fait émerger des immeubles, des routes, des hôpitaux, des écoles et des centres de santé. Cependant, le gouvernement peut mieux faire en matière de réduction de l’inflation (cherté) des denrées de première nécessité, de mobilisation des recettes publiques minières et non minières, de même qu’en matière d’augmentation des réserves de devises à la Banque centrale.

–> Les points faibles : L’un des principaux boulets qui déséquilibre les finances publiques de la Guinée est la subvention accordée par l’État aux hydrocarbures et au secteur de l’électricité. Depuis les années 90 jusqu’à présent, aucun gouvernement n’a réussi à trouver la formule nécessaire pour rendre la compagnie « Électricité de Guinée (EDG) » profitable; ou, en tout cas, à arrêter les énormes subventions publiques accordées à EDG. À cause de ces énormes subventions publiques, les gouvernements successifs en Guinée n’ont jamais réussi à dégager un financement suffisant pour la protection sociale et les grands projets d’infrastructures de base dont le pays a véritablement besoin. Cette période de transition, parce qu’elle est aussi une transition de grandes réformes impopulaires menées par des acteurs qui n’envisagent pas solliciter le vote des populations, était une occasion unique de faire face à ce grand défi. Mais les autorités de la transition ne semblent pas suffisamment armées pour affronter ce défi. En plus de l’inaction du gouvernement en matière de politique conjoncturelle pour l’emploi massif des jeunes, c’est celui-là le principal point faible sur la situation macroéconomique.

3) En matière de réformes sociales urgentes : sur le plan social, avant l’avènement du CNRD au pouvoir, c’était la catastrophe totale. La Covid-19 avait dévasté le système de santé publique. L’école publique était en totale faillite au point que les plus hauts responsables de l’État se moquaient du niveau des enseignants au lieu de mettre les moyens nécessaires au leur service pour les accompagner dans leur mission d’éducation des enfants. De même, en dépit du fait que la précarité rendait la vie insupportable à l’ensemble des travailleurs du pays, le gouvernement s’apprêtait malgré tout à réduire de 5% le salaires des travailleurs afin de pouvoir continuer à verser cet argent dans le compte des employés fictifs de l’État payés à plus de 400 milles dollars par mois. Et finalement, il n’y avait aucun système de protection sociale viable dans le pays.

C’est dans ce contexte qu’arriva le CNRD au pouvoir. Depuis le 5 septembre 2021, sur ce front également, des mesures importantes ont été entreprises :

  • L’annulation de la décision de réduire de 5% les salaires des fonctionnaires;
  • L’augmentation à 25% du Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG);
  • La majoration à 25% des primes et indemnités du personnel de la santé et de l’éducation;
  • L’augmentation à 15% des primes de transport et de logement des fonctionnaires; 
  • L’augmentation à 127% de l’allocation familiale des fonctionnaires;
  • L’augmentation à 120% des petites pensions perçues par les veuves et les orphelins;
  • L’augmentation à 85% des pensions intermédiaires;
  • L’augmentation à 50% des grandes pensions; et
  • La revalorisation historique des bourses d’études et d’entretiens des étudiants.

À ces mesures concrètes citées ci-haut, il faut rajouter les efforts gigantesques employés par les autorités pour la qualification du système éducatif du pays. Désormais, les fraudes ne sont plus la règle, mais plutôt l’exception dans l’enseignement pré-universitaire. Après le diagnostic alarmant des résultats de l’année scolaire 2022, les résultats de l’année 2023 redonnent enfin de l’espoir quant à la qualité de l’éducation dispensée aux enfants du pays. L’enseignement universitaire brille désormais par l’innovation. Et l’enseignement professionnelle retrouve tout son sens face à la demande du marché du travail en Guinée.

–> Appréciation : Bien! C’est un énorme effort qui a été consenti dans un contexte de rareté de ressources publiques. Les acquis en matière d’éducation sont particulièrement considérables. Cependant, il reste encore beaucoup à faire dans le cadre de cette transition, notamment l’état des lieux de la protection sociale en Guinée. Il est vrai qu’il y a un Fonds de Développement Social et de l’Indigence (FDSI) qui fait un bon travail à travers le pays, mais cela est très loin d’un véritable système de protection sociale.

–> Les points faibles : selon le Rapport 2022 du Programme Alimentaire Mondiale (PAM) sur l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde, à cause de l’agression de la Russie contre l’Ukraine, le nombre de personnes affectées par la faim dans le monde a radicalement augmenté. En ce qui concerne le cas spécifique de la Guinée, selon les données du FMI publiées en janvier 2023 dans le rapport sur la situation socioéconomique du pays, non seulement l’insécurité alimentaire s’est fortement dégradée en 2022 en Guinée (1,2 millions de personnes vivant dans une insécurité alimentaire aigüe), mais de plus, avec l’augmentation de 300% des prix locaux des engrais depuis 2021, la situation de l’insécurité alimentaire va continuer à se dégrader en Guinée au cours de l’année 2023. À part les actions du PAM sur le terrain en Guinée, les autorités de la transition ne semblent pas faire de la lutte contre l’insécurité alimentaire une priorité nationale malgré le chiffre glaçant de 1,2 millions de personnes vivant dans une insécurité alimentaire aigüe.

  1. C) Le Rassemblement : cette priorité consiste à recoudre le tissu social, à rétablir la confiance entre guinéens, à consolider l’unité nationale, et à promouvoir le bon vivre ensemble dans la paix et la fraternité. En effet, avant l’avènement du CNRD au pouvoir le 5 septembre 2021, le tissu social du pays avait été fortement malmené par les plus hautes autorités du régime précédent. L’ex-président de la république était lui-même le premier sponsor de la haine ethnique à travers le pays. Il n’est pas nécessaire d’étaler ici tous les détails. Pour avoir une idée détaillée de la division ethnique qui prévalait au pays à l’époque, veuillez simplement consulter le « Rapport Roger BAMBA » qui est disponible en ligne.

À l’avènement du CNRD au pouvoir le 5 septembre 2021, en matière de rassemblement, le fardeau était extrêmement lourd pour les nouvelles autorités. Cependant, depuis lors, des actions concrètes ont été prises par les autorités pour isoler la vie publique des idéologies ethnocentristes extrémistes de tous les bords :

  • La mise en place d’un Conseil National de la Transition (CNT) composé de toutes couches socioprofessionnelles de la nation a permis de ramener une certaine représentativité nationale au sein des instances de la République;
  • La tenue des Assises Nationales à l’intérieur comme à l’extérieure de la Guinée a permis aux guinéens de réapprendre à se parler et à s’écouter à nouveau comme des compatriotes. Ce fut une formidable thérapie collective;
  • L’association de toutes les composantes de la nation à la gestion publique à travers des nominations beaucoup plus diversifiées que par le passé;
  • L’instauration du concept de Conseil des Ministres tournant dans chacune des régions naturelles du pays a favorisé le retour du sentiment d’inclusion au niveau des populations;
  • L’instauration du concept de Conseil des Ministres thématique, chaque semaine étant sous le thème vestimentaire d’une région différente du pays, contribue également à faire vivre l’inclusivité et l’unité nationale;
  • L’instauration de la célébration par le Président de la République des différentes fêtes nationales dans les différentes régions naturelles renforce également la cohésion nationale;
  • L’engagement du projet pilote du Prytanée Militaire qui est à la fois une vision d’unité nationale, une pratique de discipline républicaine, et une aspiration d’excellence dans la solidarité trace le chemin pour atteindre l’aspiration du Guinéen idéal; et
  • La mise en place des cadres de « Concertation inclusif » et du « Dialogue Inter-guinéen inclusif » pour favoriser la concertation, le compromis et la résolution pacifique des divergences.
Mamadou Oury Diallo, Président de la LDRG

–> Appréciation : Excellent! Il est extrêmement important pour les autorités de la transition de maintenir dans la durée tous ces concepts et ce dialogue culturel avec la nation. Il ne faut jamais se lasser de le faire. Malgré la pression permanente, il ne faut surtout jamais succomber aux sirènes des extrémistes ethnocentristes. Ces extrémistes existent dans toutes les communautés ethniques. Il faut rester fort et continuer la marche républicaine vers le Guinéen idéal. C’est la mission ultime d’un Président de la République que de garantir la cohésion nationale. Un Président qui réussit tout mais qui échoue à garantir l’unité de sa nation est comme un étudiant qui n’a jamais manqué un cours à l’école mais qui décide de s’absenter le jour de l’examen : ça devient un total gâchis.

–> Les points faibles : sachant d’où nous devons, tout est parfait sur ce volet.

  1. D) Le Repositionnement : cette priorité consiste en tous les efforts pour le retour de la Guinée dans le concert des nations. En effet, à la veille de l’avènement du CNRD au pouvoir, non seulement la Guinée était devenue un pays voyou violant quotidiennement pas moins de 10 conventions internationales, mais de plus, le pays vivait en totale isolement dans la sous-région. Pratiquement toutes les frontières avec les pays voisins étaient fermées.

À l’avènement du CNRD au pouvoir le 5 septembre 2021, dans un contexte difficile d’un coup d’État militaire qui n’est pas favorable au retour sur la scène internationale, les autorités de la transition ont également engagé des actions concrètes sur ce front :

  • La réouverture de toutes les frontières terrestres avec tous les pays voisins;
  • La garantie de la liberté de circulation des biens et des personnes conformément aux traités de la CEDEAO;
  • Le maintien des engagements militaires dans toutes les missions de maintien de la paix des Nations-Unies en dépit des sanctions initialement imposées par la Communauté Internationale;
  • La coopération de bonne foi avec toutes les missions de l’Union Africaine et de la CEDEAO qui ont voulu s’enquérir de l’évolution de la transition dans le pays;
  • La prééminence de la justice et des procédures judiciaires dans les actions engagées par le CNRD au point que l’État de droit est meilleure sous ce régime d’exception que sous le précédent régime;
  • La tenue du procès des Crimes contre l’humanité de septembre 2009 restera certainement un cas d’école en matière de diplomatie. Non seulement ce procès manifeste à lui seul la volonté politique des autorités de la transition à honorer leurs obligations vis-à-vis du droit international, mais aussi, il a placé Conakry sur un échiquier totalement différent par rapport aux autres coups d’État militaires dans la région;
  • La participation de la Guinée à des sommets internationaux, et la non-aliénation de la tradition diplomatique du pays, a permis de rendre Conakry fréquentable malgré le contexte d’exception qui y prévaut; et
  • Le rapatriement des ressortissants guinéens en détresse en Tunisie face à la furie raciste du Président Caïd Sayed de Tunisie. Cette action est très fortement symbolique dans la mesure où, sous le précédent régime, la Guinée était mentionnée comme le pays ayant le plus grand nombre d’immigrés clandestins qui mourraient dans la méditerranée sur le chemin de l’Europe. Avec cette action du CNRD, la Guinée fut le premier pays à avoir dépêché son modeste avion « Air Guinée » pour chercher ses enfants en détresse en Tunisie. Ce fut un moment à la fois extrêmement solennel et fort pour la nation. Cette action a en elle quelque chose qui va bien au-delà de la simple diplomatie. C’est un écho qui vient de très loin et qui a raisonné dans le cœur de chaque Guinéen.

–> Appréciation : Bien! Il est vrai qu’il est difficile de faire mieux dans un contexte d’exception parce que le pays est absent autour de la table de plusieurs institutions importantes, notamment l’Union Africaine et la CEDEAO. Cependant, à la suite de l’échec en début d’année 2023 d’une première offensive diplomatique du bloc Conakry-Bamako-Ouagadougou pour réintégrer l’Union Africaine et la CEDEAO, le contexte est à présent favorable pour une nouvelle offensive, cette fois-ci individuelle, de Conakry. Même si la réponse la plus probable est « non », mais il s’agit de diplomatie. À défaut d’une réintégration formelle à l’Union Africaine et à la CEDEAO dans le cadre de cette transition, il est tout de même possible d’obtenir un statut particulier qui est totalement différent de celui de l’axe Bamako-Ouagadougou-Niamey qui s’est désormais clairement démarqué dans le mauvais sens par rapport à Conakry.

–> Les points faibles : Le principale point faible sur ce volet concerne l’apparition d’une certaine tendance isolationniste au plus haut sommet de l’État en Guinée au cours de cette transition. Même le régime précédent, certes qui ne respectait pas ses engagements internationaux, mais n’a jamais été isolationniste. Cet isolationnisme s’est manifesté par des déclarations et des menaces de retrait de l’Organisation de Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (OMVS) et de la CEDEAO. Cette tendance isolationniste est totalement contraire de l’ADN panafricaniste de la Guinée. En aucun cas un manque d’initiatives diplomatiques ne doit amener la Guinée à brandir des menaces de retrait d’institutions régionales. La Guinée est forte et grande lorsqu’elle est au tour de la table de ces institutions. L’isolationnisme est la manifestation d’un grand manque de confiance. C’est tout le contraire du positionnement panafricaniste classique de Conakry. Il donc très important pour les autorités de la transition de faire taire les voix isolationnistes, et d’adopter une nouvelle approche diplomatique. Allons-y à nouveau à l’offensive. Encore et encore.

  1. E) La Rectification institutionnelle et le retour à l’ordre constitutionnel : cette priorité en la mise en place d’institutions fortes ainsi que le retour à l’ordre constitutionnel en Guinée. Il est important de rappeler que sur le plan institutionnel, depuis la transition de 2008 au bout de laquelle une constitution fut rédigée à huit-clos et décrétée contre le peuple, la Guinée fonctionne par l’imposture, par le floue et par des accords opaques entre acteurs politiques. Les institutions ont totalement disparu et été négligé au point que l’ex-président s’était permis de rédiger une constitution, de soumettre au referendum une autre constitution, et de promulguer une autre constitution. Le désordre était total.

Depuis l’avènement du CNRD au pouvoir le 5 septembre 2021, le CNRD a engagé un certain nombre d’actions allant dans le sens de la rectification institutionnelle :

  • La volonté politique manifeste de garantir la séparation des pouvoirs entre l’exécutif, le judiciaire et le législatif;
  • La démarche participative du Conseil National de la Transition (CNT) pour la rédaction du projet de nouvelle Constitution;
  • La tenue au sein du CNT, du 15 au 30 mai 2023, du Débat d’Orientation Constitutionnel (DOC) qui s’avère être, en termes de qualité, l’un des meilleurs débats politiques de ces 30 dernières années dans le pays;
  • L’adoption participative d’un chronogramme consensuel en dix (10) points pour le retour à l’ordre constitutionnel;
  • L’obtention d’un accord dynamique de 24 mois avec la CEDEAO pour l’exécution des 10 points du chronogramme du retour à l’ordre constitutionnel; et
  • Le bouclage du financement et le début des activités du recensement général de la population.

–> Appréciation : Passable! Sur le plan institutionnel, la Guinée retrouve la dynamique d’un pays normal gouverné par des institutions distinctes. Cette nouvelle dynamique institutionnelle n’est en revanche qu’à la limite de l’acceptable dans la mesure où elle permet d’absorber et de résoudre la majorité des divergences politiques et sociales sans recourir à des manifestations politiques ou à la violence. Les autorités peuvent mieux faire sur ce volet, notamment en animant mieux le cadre du Dialogue Inter-Guinéen permanent. De même, alors qu’il est nécessaire d’avoir un exécutif fort au cours de la transition, cependant les autorités doivent coûte-que-coûte éviter le piège de la personnalisation à outrance du pouvoir afin de pouvoir doter le pays d’institutions fortes au sortir de la période de transition.

–> Les points faibles : les principaux points faibles sur ce volet concernent la négligence du cadre du Dialogue Inter-Guinéen permanent, et la faible mobilisation des ressources nécessaires pour financer les activités du chronogramme du retour à l’ordre constitutionnel en Guinée.

CONCLUSION : Deux années plus tard, au regard de l’évaluation sans démagogie des 5 priorités de la transition, il ressort sans l’ombre d’un doute que le CNRD entame sa nouvelle année à la tête du pays sur une note très positive. Cependant, alors que l’espoir et l’enthousiasme populaire des premières heures tendent à s’essouffler, c’est le moment pour le CNRD de prendre les importantes mesures nécessaires pour pérenniser les acquis et éviter un retour aux pratiques anciennes. De même, il n’est pas encore tard pour agir sur les points faibles identifiés pour chacune des cinq priorités de la transition.

Alors qu’il est de la nature de la populace de toujours se tourner vers ce qui est à venir et de vite oublier ce qui a été fait, la Ligue des Démocrates Réformistes de Guinée (LDRG) exhorte l’ensemble des progressistes et réformateurs du pays, à l’occasion de sa deuxième année à la tête du pays, à renouveler notre soutien inconditionnel au CNRD. Jusqu’à présent, ces jeunes officiers patriotes ont largement tenu parole. Ils ont effectué des tâches très ingrates qui méritaient d’être accomplies depuis des décennies mais que les politiciens n’avaient jamais eu le courage de faire. Ils ont parcouru le plus long du chemin. Il nous revient aussi, nous progressistes et réformateurs, à redoubler d’ardeur à soutenir le CNRD pour la pérennisation des acquis et la réussite de la transition. Il est vrai qu’ils peuvent mieux faire par endroit. Il est vrai qu’il y a des points faibles. Mais notre soutien doit être à la hauteur du sacrifice qu’ils ont consenti jusqu’à présent au cours de cette transition.

Finalement, alors que la transition va bientôt entamer sa dernière phase, et que la politique va reprendre ses droits, il y a un aspect très important à tenir en compte de part et d’autre. D’abord, les acteurs du CNRD doivent accepter de s’effacer petit-à-petit de l’espace politico-médiatique qui va être occupé au fur et à mesure par les acteurs politiques qui vont redevenir les « stars » de la vie publique à l’occasion des élections qui s’annoncent dans le pays. S’effacer de l’espace politico-médiatique ne veut pas dire la paralysie du gouvernement ou de l’administration publique. Le travail doit continuer aussi sérieusement qu’aux premiers jours de la transition. Les cadres du pays qui ont été nommé et promus par le CNRD ne doivent pas craindre de perdre leurs postes à la fin de la transition parce que, non seulement d’ici la fin de la transition des mécanismes constitutionnels et institutionnels seront établis pour ne plus permettre à un Président de la République de gâcher aussi facilement la carrière de fonctionnaires honnêtes et compétents, mais de plus, la LDRG et la coalition politique à laquelle nous appartenons œuvrons au maximum possible pour qu’il y ait une continuité dans les idées et la gouvernance réformatrices du pays après la transition. Qui mieux que les fonctionnaires actuels pour continuer ce travail avec un Président de la République qui serait élu sur le même registre réformateur que le CNRD? Puis, autant les acteurs du CNRD sont appelés à accepter de s’effacer petit-à-petit de l’espace politico-médiatique, autant l’ensemble des acteurs politiques sont invités à respecter et honorer les autorités de la transition jusqu’au bout de la transition, et même au-delà. Ils méritent respect et honneur non seulement à cause du travail qu’ils sont en train de faire, mais aussi parce que le CNRD est à la fois la boussole et l’arbitre de cette transition. Et nous devons de façon consensuelle le lui reconnaître ce statut.

L’avènement de cette transition de la refondation fut un immense espoir pour notre nation. Au regard du bilan de deux ans du CNRD au pouvoir, nous avons toutes les raisons de croire à un aboutissement heureux.

Mamadou Oury Diallo, Président de la LDRG

Mr Mamadou Oury Diallo, président de la LDRG

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