Recrudescence des coups d’Etat en Afrique : « nous sommes à la fin d’un cycle », analyse Bah Oury 

Amadou Oury Bah, président de l'UDRG

Depuis 2020 les coups d’État ont repris de plus belle en Afrique de l’ouest notamment. Successivement les régimes du Mali, de la Guinée, et du Burkina Faso sont renversés par des militaires qui dirigent désormais les transitions dans ces pays. L’Afrique centrale s’y est également mis avec l’éviction du pouvoir d’Ali Bongo Ondimba jeudi 30 août également par une junte. Son tombeur, général Brice Oligui Nguema vient d’ailleurs de prêter serment ce lundi (04 septembre 2023) comme président de la transition. Mais qu’est-ce qui explique cette recrudescence des coups de force en Afrique ? Dans un entretien accordé à Guineematin.com, Bah Oury, président de l’UDRG (Union des démocrates pour la renaissance de la Guinée), s’est exprimé sur cette lancinante question.

Selon M. Bah, une des explications de ces coups d’État vient du fait que le processus démocratique engagé dans les années 1990 n’a pas abouti. Les régimes d’alors avec des partis uniques n’ont pas répondu aux attentes des populations.

« Cela veut dire que nous assistons premièrement à un approfondissement de la crise de l’État en Afrique. Et donc de ce point de vue, quels que soient les pays, il faut aller plus en profondeur. L’Etat qui a succédé à l’État colonial n’a pas répondu aux attentes et aux aspirations des populations. Dans sa première moitié d’indépendance, C’est-à-dire jusqu’en 1990, c’était des partis uniques avec par-ci, par-là des régimes militaires issus de coups d’État. À partir de 1990 nous avons assisté à la conférence nationale souveraine avec une demande et une exigence d’aller dans le sens de l’État de droit, de régimes multipartites avec un multipartisme intégrale, avec des élections, avec une assemblée etc. Tout cela a boosté l’éclosion d’une demande démocratique un peu partout dans le continent africain. Mais malheureusement, cette volonté d’aller dans le sens de la démocratie n’a pas été couronnée de succès. Les tenants du pouvoir ont tout simplement mis sur le plan formel les paravents, mais les réalités et les pratiques du parti unique ont été pérennisées. Et donc la démocratie formellement avec le multipartisme, avec des élections n’a été pour la grande majorité de nos États qu’une parodie. Ce qui a amené un approfondissement des crises. Dans certains pays les crises ont été telles que les luttes armées, les rébellions ont pris le pas sur l’activité politique classique. Et donc la situation actuelle, nous sommes à la fin d’un cycle où le processus démocratique engagé à partir des années 1990 a atteint ses limites », a-t-il expliqué.

Pour le président de l’UDRG, d’autres crises sont venues s’ajouter à la crise institutionnelle qui traverse les pays africains. Face à l’absence de réponses à ces crises, les coups d’État sont utilisés comme solution.

« De la crise institutionnelle des années 1990 et des crises économiques, vous avez maintenant des crises au point de vue climatique, vous avez des crises au point de vue démographique avec une majorité de jeunes qui ne sont pas éduqués, qui sont abandonnés et qui trouvent que l’immigration clandestine c’est la porte de salut. Vous avez des crises au point de vue de la représentation: on ne fait plus confiance aux institutions qui n’ont pas répondu, et cette crise de représentation atteint la société civile, atteint les partis politiques, atteint l’armée ce qui amène certains à aller vers un extrémisme soit religieux, soit de toute autre nature un peu partout dans les pays africains. Et donc l’absence de réponse amène les crises que vous connaissez. Et le coup d’État n’est que de ce point de vue un avatar de solution, qui n’est pas une solution, dans cette problématique complexe », a-t-il indiqué.

À en croire cet homme politique, tout n’est pas encore perdu pour trouver une solution à cette crise qui s’avère encore être un des défis majeurs du continent. La Guinée, dont la junte va fêter son deuxième anniversaire à la tête du pays ce 05 septembre 2023, peut être une référence pour les autres États africains si elle réussit sa transition.

« Comme la Guinée en 1958 a été le premier pays d’Afrique noire francophone à opter pour l’indépendance, il est possible que la Guinée de maintenant soit un des premiers pays de par un autre type de gouvernance et une gestion réussie de sa transition à offrir politiquement et institutionnellement une autre approche qui permettra aux autres pays d’en tirer profit et de prendre cela comme une référence. La Guinée a la possibilité en réussissant sa transition politique, en engageant des réformes économiques et institutionnelles sérieuses, en stabilisant et en réconciliant tous ses fils et tous enfants et avoir bien entendu au niveau du pouvoir un leadership fort, reconnu nationalement et internationalement, à être le prochain pôle sur lequel l’Afrique pourrait se tourner en disant que le développement, les institutions démocratiques sont tout à fait possible dans ce espaces continental qui est l’Afrique », a conclu Bah Oury.

Entretien réalisé par Mamadou Yahya Petel Diallo pour Guineematin.com 

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