Plafonnement des frais d’inscription par le MEPU-A : « c’est comme s’ils disaient aux parents que les écoles sont en train de vous voler »

Abdoulaye Tely Sow, responsable de la communication de l'association guinéenne des écoles privée

Instauré l’année dernière pour soulager les parents d’élèves en Guinée, le plafonnement des frais d’inscription et de réinscription à respectivement 150 000 et 100 000 francs guinéens vient d’être reconduit par le ministère de l’enseignement pré-universitaire et de l’alphabétisation (MEPU-A). A Conakry, cette mesure des autorités est diversement appréciée par les populations. Alors que certains se réjouissent, d’autres souhaitent la suppression pure et simple de ces frais qui viennent gonfler les coûts de scolarité dans les écoles privées. Mais, au niveau de l’Association guinéenne des écoles privées (AGEP), on y voit une manœuvre des autorités visant à renvoyer dos à dos les fondateurs d’écoles et les parents d’élèves.

Dans un entretien accordé à Guineematin.com ce vendredi, 8 septembre 2023, le responsable de la communication de l’AGEP a laissé entendre que ce plafonnement des frais d’inscription et de réinscription est une manière d’alimenter les suspicions sur les promoteurs d’écoles privées. Abdoulaye Tely Sow estime qu’en prenant cette « décision unilatérale », c’est comme si les autorités disaient aux parents que les écoles sont en train de leur voler de l’argent.

Abdoulaye Tely Sow, responsable de la communication de l’association guinéenne des écoles privée

« Quand cette décision unilatérale a été prise, tout le monde s’est plié malgré nos réticences. Et quand ce plafonnement a été fait par les autorités, beaucoup d’écoles dont les frais étaient en dessous se sont positionnées en disant que c’est l’Etat, alors que certaines parmi elles étaient par exemple 80 000 et 100 000 francs guinéens les frais. Quand vous prenez la commune de Ratoma par exemple, il y a environ 1000 écoles privées. Et, les frais d’inscription et de réinscription de 80% de ces écoles n’atteignaient ce plafond fait par les autorités. De l’autre côté, quand vous prenez les écoles dont les frais étaient supérieurs à ces différents montants, vous verrez qu’elles ont plusieurs programmes en leur sein adaptés aux réalités du moment. Vous trouverez par exemple des programmes de formation en informatique, en anglais, en communication et plusieurs autres. Mais, nous pensons qu’il faut qu’on arrête de prendre des mesures comme ça. Si on prend une mesure, c’est pour qu’elle soit bénéfique pour la population… Chaque école a sa cible. Et, on fixe sa scolarité en fonction de sa cible… Quand on prend des mesures comme ça, concernant l’inscription, la réinscription, il faut réfléchir ; parce que les écoles qui dépassent les frais d’inscription et de réinscription de 100.000 et de 250.000 sont des écoles dont les parents d’élèves sont aisés. Et des choses comme ça ne les dérangent pas. Sinon, c’est comme si l’Etat a incité certains établissements privés à augmenter les frais d’inscription et de réinscription. Parce que si on dit plafonnement, on plafonne à 100 000 et 150 000, il y a des écoles qui le faisaient et montraient aux parents d’élèves que c’est l’Etat qui a fixé à cette hauteur les frais d’inscription et de réinscription et que c’est juste les frais d’inscription et de réinscription, pas la mensualité… Les écoles privées sont en train d’accompagner l’Etat. Sans les écoles privées, le système éducatif est défaillant. L’Etat, en faisant cela, c’est-à-dire à fixer le frais d’inscription et de réinscription, est en train de décourager les investisseurs et les promoteurs privés. Parce que, cela a beaucoup d’effets, que ce soit au niveau des prometteurs d’écoles privées ou au niveau des parents d’élèves. Ils mettent dos à dos les écoles et les parents d’élèves. C’est comme s’ils disaient quelque part [aux parents d’élèves] que les écoles sont en train de vous volez et nous sommes là pour vous aider », a indiqué Abdoulaye Tely Sow.

Pour le responsable de la communication de l’AGEP, « il n’y a aucun accompagnement financier, aucune subvention de l’Etat pour les écoles privées ». Et, en dépit de leurs efforts à accompagner l’Etat pour le bon fonctionnement du système éducatif, les écoles privées sont toujours traitées avec un certain dédain par les autorités.

 

« Quand on va au département pour des affaires administratives, on est tout le temps traité comme une école privée et non pas comme une école normale. C’est pour cela que je dis que le combat c’est ailleurs. Le combat pour les parents d’élèves, c’est au niveau de la construction des écoles, c’est au niveau de l’élaboration des programmes d’enseignement, c’est au niveau du recrutement et de la formation des enseignants. Je signe et persiste là-dessus : le recrutement et la formation des enseignants. Moi je viens de finir mes sessions de recrutement. Pour avoir un maître de CM2, j’ai testé plus de 10 enseignants, et difficilement j’ai pu avoir un. Et même ça, il a fallu que je fasse des concessions en me disant, au moins je peux retenir celui-là. Qu’est-ce qui fait ça ? Ça veut dire que quelque part il y a un problème de formation, il y a un problème d’accompagnement. C’est sur ces aspects, je pense, que la lutte doit être menée ; au lieu de dire qu’on va aider les parents compte tenu du coût de la vie. Le ministère de l’enseignement pré-universitaire et de l’alphabétisation veut promouvoir le mérite scolaire dans notre pays. Je suis parfaitement d’accord. Imaginez-vous que quelqu’un qui travaille durant toute l’année échoue en fin d’année. Imaginez-vous que quelqu’un qui n’a rien fait durant toute l’année soit admis parce qu’il a de l’argent ou bien il a telle relation… Là, moi je suis entièrement d’accord avec le gouvernement de prendre des mesures dans le cadre de la promotion du mérite scolaire et de l’amélioration de la qualité de l’enseignement-apprentissage dans nos différents établissements. Mais, je dis juste une chose : il ne faut pas qu’on se limite à ça. C’est bien beau de contrôler, c’est bien beau de serrer les examens, mais avant il faut d’abord s’assurer que les programmes sont bien enseignés, il faut s’assurer que toutes les écoles ont les enseignants qu’il faut », a souligné Abdoulaye Tely Sow.

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

Tél. : 622919225

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