Durant la première République en Guinée (sous le régime Sékou Touré), le théâtre a occupé une place de choix dans la sphère de la culture guinéenne. Les ballets africains de Guinée et bien d’autres troupes théâtrales ont connu leur âge d’or pendant cette époque. Ils ont hissé très haut le tricolore guinéen en mettant en valeur la diversité culturelle de ce pays. Mais, aujourd’hui, le théâtre est un mouroir. Peu de gens s’y intéressent. Et ceux qui s’y adonnent tirent le diable par la queue.
Dans la journée d’hier, mercredi 13 septembre 2023, un reporter de Guineematin.com est allé à la rencontre de certains acteurs du monde théâtral guinéen. Sékou Touré, auteur du recueil de poèmes ‘’Un destin noir et blanc’’ et metteur en scène de plusieurs pièces de théâtre, estime que « le complexe des acteurs » est l’un des éléments qui mettent à mal le théâtre en Guinée. Mais, il y a aussi le fait que ce métier ne nourrit plus son homme dans ce pays.
« Le complexe des acteurs participe à la dévalorisation du théâtre en Guinée. Parce qu’ils estiment qu’être comédien, c’est se rabaisser. Voilà pourquoi ils refusent de jouer certaines scènes. Cela n’encourage pas vraiment l’avenir du domaine. Les gens aussi s’intéressent moins au domaine, parce qu’ils ne génèrent pas de sous. Les acteurs comédiens, beaucoup qui veulent l’être, renoncent parce que le métier ne permet pas de gagner beaucoup d’argent. Il n’y a aucun investissement aussi dans le domaine. Aucune institution, ni entreprise ne finance. L’État aussi n’accompagne nullement », a-t-il confié.
De son côté, Moussa Doumbouya, ‘’Petit Tonton’’, comédien-conteur, auteur de la vallée de l’espoir et fondateur de Koumankan, dit que le théâtre est « à terre » actuellement en Guinée. L’initiateur de la ‘’Grande nuit du conte’’ a aussi pointé du doigt le manque de salle de spectacle.
« J’ai commencé à faire du théâtre professionnel en 2003, donc ça fait 20 ans maintenant que je le pratique. J’ai arrêté depuis quelques années aussi. Pourquoi ? Parce qu’il (le théâtre) manque de considération dans le pays. Et puisqu’il n’est pas considéré, il est à terre en Guinée. Honnêtement, le théâtre en Guinée est tombé, il y a moins de compagnies, moins de spectacles de théâtre, on n’a presque plus d’auteurs et de metteurs en scène de théâtre. Les espaces de théâtre n’existent pas beaucoup. Donc, il est vraiment tombé, le théâtre. Avant, le théâtre était considéré, il ne manquait de rien. Mais maintenant, il a moins de considération aujourd’hui… Le théâtre, comme toutes les autres disciplines artistiques en Guinée, est devenu un domaine que les moins que rien pratiquent. Pourtant, l’art est un domaine intellectuel, ainsi que le théâtre. À mon avis, si le théâtre aujourd’hui n’est pas considéré, c’est parce que l’art est pratiqué par des intellectuels, des hommes capables de tenir des discours, des réflexions pouvant changer les choses et bousculer la réalité. Et notre pays n’aime pas des hommes comme ça. C’est pourquoi le domaine n’est pas inconsidéré. Les jeunes guinéens sont talentueux, qu’ils fassent du théâtre ou autre chose. Si vous prenez la pièce de théâtre de Thiaguel, « La cargaison », cette dernière a marqué les esprits et a été beaucoup appréciée à l’international, notamment dans les salles en France, durant aussi les francophonies de limoges. S’il y a considération du domaine par le pays et que les jeunes comédiens du théâtre travaillent bien, ils peuvent rivaliser avec les autres pays à l’international », a indiqué Moussa Doumbouya.
Mamadou Baïlo Diallo pour Guineematin.com
