Procès du 28 septembre 2009 : Mamadou Aliou Diallo raconte comment il a été torturé au camp Koundara

Marchand âgé de 45 ans, cette partie civile a été arrêtée aux abords du stade du 28 septembre en 2009. Lui et environs 18 autres personnes sont emmenés par des bérets rouges au camp Koundara, désormais camp Makambo, où ils sont torturés par un groupe dans lequel se trouvait Jean Paul Mansa, qui est parmi les accusés dans la présente affaire. Il l’a dit au cours d’une audience tenue devant le tribunal criminel de Dixinn (délocalisé à Kaloum), a appris Guineematin.com à travers son équipe de reportage.

Thierno Mamadou Aliou Diallo dit avoir vu deux bus un peu avant le rond-point Belle-vue remplis de personnes portant arborant les maillots du club de football Chelsea. Elles lui ont même demandé de monter dans un des bus pour aller ensemble au stade. Ils encourageaint les gens à aller au stade.

Quand il est arrivé après plusieurs péripéties à la rentrée du stade, il s’y est arrêté pendant une vingtaine de minutes pour motiver les gens pour qu’ils rentrent.

À la rentrée, il dit avoir motivé les gens à entrer dans le stade pendant une vingtaine de minutes avant lui-même d’y pénétrer.

« Les bérets rouges sont entrés au stade en tirant un peu partout. Les gens couraient un peu partout, en ce moment j’étais avec un jeune. D’un seul coup, je l’ai vu tomber pour moi il s’était évanoui. Dès que je me suis approché de lui, j’ai vu que le sang coulait. Je me suis dis que l’affaire-là est sérieuse. Entre-temps j’ai couru vers les toilettes, j’y ai trouvé un vieux avec des enfants apeurés. Je l’ai consolé mais je n’étais pas rassuré parce que je n’étais pas à l’abri. Je suis sorti vers le palais des sports où il y avait des cocotiers. C’est en ce moment que j’ai trouvé M. Amadou Diallo (ancien correspondant de la BBC), il était arrêté avec son sac. Il y a un monsieur qui a dit on va sortir par là, j’ai dit non arrêtons-nous ici avec M. Amadou parce que c’est un journaliste, peut-être que lui on ne peut pas le toucher. Mais ça tirait partout, les gens couraient, j’ai eu peur donc j’ai quitté à côté de lui. Je suis allé vers la SIG, mais là aussi c’était impossible de sortir. Je suis venu au de Marocana, là-bas aussi c’était bloqué. J’ai essayé au moins 4 à 5 issues mais toutes étaient complètement fermées. J’ai décidé de sortir vers le stade annexe, en partant là-bas j’ai vu une femme allongée avec le bars cassé. Elle disait aidez-moi! Entre-temps, j’ai vu des bérets rouges, je suis parti vers le mur qui sépare le stade annexe et le stade, j’ai grimpé pour aller dans le stade annexe. J’y ai trouvé un monde fou, des gens étaient tombés d’autres marchaient sur eux. Les gendarmes étaient arrêtés devant la porte avec des fusils en baïonnette, tous les gens qui voulaient sortir, soit tu touches la baïonnette, soit on te fait du mal. Il y a eu bousculade, des gens sont tombés, j’ai vu un tas d’hommes couchés. Certains étaient morts, d’autres cherchaient à s’extirper mais c’était impossible. Je suis rentré dans cette panique, ma respiration est restée bloquée quelques secondes. Je me suis débattu, heureusement je suis sorti de là-bas. Dès que je suis sorti, je me suis rencontré avec un gendarme, il m’a dit d’ôter mon maillot de Syli », a-t-il expliqué.

Thierno Mamadou Aliou Diallo sera embarqué dans un pick-up de bérets rouges avec d’autres personnes pour la camp Koundara.

« Il y a un béret rouge qui est venu, il a attaché mon bras droit, il voulait attacher le bras gauche, je lui ai dit que je ne suis pas un voleur mais il m’a giflé. Il m’a dit de monter, j’ai obtempéré. Ils ont amené d’autres, ils ont attaché un d’entre eux. Lorsque que j’étais dans le pick-up, j’ai vu des camions, des pick-up, il y avait tous les corps qui étaient aux alentours du stade qui insultaient et qui tiraient en l’air. J’ai même vu un militaire là-bas qui avait des cauris et il avait un fusil. Il était énervé, il insultait les gens… Vers 13 heures on nous a conduits au camp Koundara, on nous a fait monter au troisième étage (leur salle d’entraînement). On est restés là-bas, il y avait notre ami qui était attaché, il pleurait et il demandait qu’on le détache mais personne n’osait le faire. Vers 16 heures M. Jean Paul est venu, il nous a regardés, il nous traitait de rebelles, de bandits et qu’il allait tous nous tuer. Il nous a demandé de nous lever et de faire la position sardine (on se couchait par terre et on nous superposait). Celui qui est au-dessus, on le chicotait. On a trouvé là-bas feu Aidor, qui a demandé à chacun son nom, il nous a donné son téléphone. Chacun a pu joindre sa famille (…) Vers 19 heures encore, le sergent Paul est revenu en nous insultant. Vers 23 heures, il est encore venu avec une femme, il nous a demandé de faire la position sardine. Quand la femme a vu qu’on était dans une position très difficile, elle est intervenue pour dire « il faut laisser les gens-là ». Il a dit non je ne vais pas les laisser, ce sont des bâtards (…). Il nous a laissé la nuit-là, on a dormi. Le mardi vers 14 heures, il y a un militaire qui est venu pour nous dire d’aller prendre notre café. J’ai cru qu’on allait nous donner à manger (c’était la chicotte). On est descendus, il y avait des fusils à côté, on nous a dit de se mettre à terre sur le goudron. On s’est mis par terre, chacun a reçu 50 coups sur le dos. Ils ont dit encore de faire l’exercice des commandos en rampant. En ce moment Beugré était en haut, je l’ai aperçu. Ensuite, ils nous ont dit d’aboyer comme des chiens. Ils nous ont dit de magnifier le capitaine Dadis en disant son nom. Ils nous ont dit de nous coucher et de regarder le soleil, chacun d’eux avait un fouet plus un bidon d’eau fraîche. Quand tu fermes l’œil, on met l’eau sur ton visage et on te chicotte. Après cela, ils nous ont dit de rentrer, mais en rentrant ils ont mis des militaires du 1er au 3ème étage, dès que tu arrives soit on te donne un coup de poing au visage ou bien sur le ventre », a-t-il ajouté.

Ce n’est qu’après 3 jours (le mercredi) qu’ils ont pu manger grâce à l’aide d’un Sergent qui leur a donné du riz.

Thierno Mamadou Aliou Diallo sortira du camp Koundara 7 jours après en payant 2 500 000 francs guinéens.

De Kaloum, Mamadou Yahya Petel Diallo, Abdallah Baldé et Thierno Hamidou Barry pour Guineematin.com 

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