N’Zérékoré : le cri de cœur des acteurs du métier de la forge, menacé de disparition

Le métier de la forge a longtemps constitué une activité qui contribue au développement socio-économique. Mais, la pratique est aujourd’hui en perte de vitesse dans une conjoncture de concurrence impitoyable. La ville de N’Zérékoré n’échappe pas à cette triste réalité où le travail du fer n’est plus de mise dans le domaine des activités artisanales. Des chefs d’ateliers et leurs apprentis, interrogés par l’équipe de Guineematin.com basée dans la préfecture, déplorent cette disparition à petit feu de leur métier et interpellent l’Etat.

Mory Doumbouya, maître forgeron

Mory Doumbouya, forgeron rencontré à Dorota 2, dans la commune urbaine, raconte. « Je suis forgeron depuis longtemps. J’ai commencé par le Mali, la Côte d’Ivoire, le Libéria, et maintenant, je suis à N’Zérékoré. Ce métier était depuis longtemps pratiqué par nos parents pour beaucoup de besoins. Il a permis aux hommes de travailler le fer et de fabriquer beaucoup d’objets. Mais, nous constatons aujourd’hui que ce métier est en train de disparaître petit-à-petit. Parce que les pratiquants ne sont plus nombreux et diminuent du jour au lendemain. C’est presque dans l’oubliette. Pourtant, la société a besoin de nous comme les autres corporations. Nous sommes presqu’un carrefour de métier où beaucoup de personnes ont besoin de nous, comme les cultivateurs, les mécaniciens, les tôliers et tant d’autres. Comme depuis longtemps, nos conditions de travail sont très difficiles. L’Etat nous a oubliés, dans la mesure où nous ne sommes pas subventionnés. Même les banques n’ont pas de prêts pour nous. Or, si nous avons au moins quelques moyens, on travaillerait beaucoup plus à la satisfaction de nos clients. On peut avoir de grands contrats, des commandes de 1 000 à 2 000 dabas pour un seul client. Mais des fois, on ne peut pas atteindre ce nombre parce que les moyens et les matériels adéquats ne sont pas à notre disposition. Surtout les matériels de travail que vous voyez avec nous ici, c’est nous-mêmes qui les fabriquons à la main. Nous fabriquons beaucoup d’objets comme la daba, la houe, la hache, les fourneaux, les balances, etc…. Quand on a besoin de certains matériels, comme les marteaux, les belins, il nous faut partir chez les chaudronniers qui vont nous taxer beaucoup. C’est pourquoi, je demande au gouvernement de nous venir en aide pour nos matériels de travail. Egalement, je demande aux différentes banques qui peuvent éventuellement être nos partenaires financiers. Dans le travail, on est confronté à des difficultés, comme les cas de blessure, de brûlure et d’autres accidents de travail. Je profite vraiment de votre micro pour demander au gouvernement un accompagnement financier et matériel pour notre corporation », a sollicité Mory Doumbouya.

Daouda Bamba, forgeron

Daouda Bamba, apprenti forgeron, parle de son affection pour ce métier et des conditions de travail. « J’ai aimé ce métier parce que c’est mon père qui le pratiquait, et depuis l’enfance on était à côté de lui. C’est de cette manière que j’ai aimé ce métier et que je me suis retrouvé dedans. Si non, j’ai fait la chaudronnerie au CFP. C’est par cette activité que je me suis marié et que je parviens à avoir la dépense de ma petite famille. Le travail est un peu dur. C’est purement mécanique, ça demande assez de force physique. Au cours des travaux, on arrive parfois à se brûler les mains, des blessures avec le fer et d’autres accidents de travail », a indiqué ce jeune forgeron.

Facely Condé, forgeron

Facély Condé, forgeron trouvé dans son atelier à côté de sa manivelle au quartier Dorota 1, évoque les mêmes réalités que ses pairs. « Pour moi, le développement d’une nation est lié à l’agriculture, et sans la forge, c’est un peu compliqué. Nous travaillons dans le domaine du développement de l’agriculture, et notre pays a beaucoup besoin de ce secteur. C’est pour cela que j’ai choisi ce métier pour participer au développement de mon pays. Nous travaillons dans des conditions difficiles, et notre matière première, c’est le fer. Nous sommes confrontés à assez d’accidents comme les blessures de fer, les brûlures, le poids des marteaux, etc…. Du côté économique, cette activité me permet de subvenir aux besoins de ma famille, à faire mes dépenses. C’est pour moi l’occasion de lancer un appel d’appui au gouvernement pour nous aider dans ce que nous faisons. Surtout que nous sommes dans un monde moderne, nous avons besoin de matériel pour faire changer nos techniques de travail et la rapidité de production de nos articles », a-t-il lancé.

De N’Zérékoré, Foromo Gbouo LAMAH et Joseph GOUMOU pour Guineematin.com

Tel : +224620166816/666890877

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