Promotion de la culture du mérite et de l’excellence : une nécessité absolue en Guinée

Dr Ibrahim Mansaré, Consultant en Finance islamique, Porte-parole de l’Union des Écoles franco-arabes de Guinée

Par Dr Ibrahim Mansaré, Spécialiste de la Finance Participative et Porte-parole de l’union des écoles franco-arabes de Guinée : Les Guinéens sont intelligents et brillants, les parcours des uns et des autres en font foi. Nous avons eu assez d’intellectuels, parmi lesquels plusieurs scientifiques, une ribambelle d’artistes et stars, une pléiade de diplomates de renommée et que sais-je encore ? Malheureusement, tous ceux-ci ont eu à gagner et mériter l’admiration du monde entier de par leurs propres efforts, leur acharnement et leur engagement. Car, délaissés par l’État et leur nation, ils se sont vu valoriser et célébrer ailleurs, et non à leurs racines. Pour preuve, ces talents ont pour la plupart été hissés au sommet à partir de l’extérieur. La promotion de Grand par la Côte d’Ivoire, suffit pour exemple probant.

Par conséquent, nos bibliothèques et nos sommités ont fini par disparaître sans laisser de traces rentrant dans les vestiges et le patrimoine intellectuel du pays.

Le 02 octobre 1958, a vu un peuple riche en culture, courageux, engagé et surtout patriote, et prêt à rayonner dans le monde à travers son développement et son exemplarité. Cette politique d’émancipation cohérente, pensée et voulue par nos devanciers, a pu faire de ses preuves en faisant de notre pays à l’époque, la plaque tournante de la politique et de la diplomatie africaine, laquelle diplomatie est d’ailleurs, avant tout cultuelle.

Les pays voisins qui couraient après notre exemple quand-t-on faisait les beaux jours de l’Afrique sur le continent et à l’international à l’époque, ont fini par devenir pour nous des exemples à suivre aujourd’hui.

En tant que guinéens, en sommes-nous conscients de l’immensité de notre héritage et patrimoine culturels ? en sommes-nous en mesure de mesurer les conséquences de notre inaction sur notre époque et sur celle des générations futures ? sommes-nous prêts à relever le défi tous ensemble, tout en se soutenant mutuellement ?

Les réactions seront nombreuses vis-à-vis de ces nombreuses interrogations, mais elles ne seront recevables que quand la pratique l’emporte sur la théorie, et que la franchise l’emporte sur l’hypocrisie. Sans oublier le souhait que le patriotisme l’emporte sur nos intérêts pris séparément.

Les pays voisins ne font rien d’extraordinaire que le Guinéen n’a pas eu à faire ou qu’il ne peut pas faire, car l’on a longtemps servi de source d’inspiration pour ces pays, et cela, de par notre bravoure et sur tous les plans de la vie à un moment donné de notre existence. Le NON au référendum du 28 septembre 1958, le franc syli, le Hafia 77, la libération des colonies portugaises, le Bembaya jazz national, pour ne citer que ceux-ci, restent et demeurent des symboles africains de la résistance, de l’émancipation et du panafricanisme.

En revanche, nous nous devons aujourd’hui de reprendre les commandes, dans l’espoir de pouvoir retrouver nos repères perdus de par l’inexistence de l’État pendant un très bon moment dans la vie de notre nation, mais aussi, de par l’indifférence des gouvernés que nous sommes et qui en sommes les principales victimes, un challenge qui ne demande que de la volonté renforcée de solidarité et de patriotisme.

Si les pays voisins favorisent les meilleurs et les préparent pour relever les défis et au niveau national, et au niveau international, la Guinée quant-à elle, a gommé cela dans son agenda politique depuis des années. Certains pays vont jusqu’à mettre en place des services spécialisés pour détecter, former, mentorer et sponsoriser les meilleurs au service de la nation dans tous domaines. Ils ne se limitent pas là, car visant plus loin, ils cherchent des opportunités de distinctions en faveur de leurs élites, les soutiennent et les appuient dans leurs candidatures et cela à tous les niveaux, dans les organisations et institutions internationales, dans les firmes multinationales, pour des prix et distinctions à l’international, dans les sommets et rencontres internationaux. C’est cela aussi l’autre rôle de la diplomatie d’un pays.

Cependant, la Guinée qui était à la croisée de toutes les gloires continentales et internationales, a fini par changer de priorités et par conséquent, elle a perdu sa propriété historique qu’elle n’a pas su jalousement gardé, et cette gloire a cédé sa place à la fierté théorique qu’elle ne cesse de chanter à chaque occasion sans impact.

Bienvenue dans cette Guinée qui est dorénavant méconnaissable. Tenez vous bien, car dans cette Guinée de nos jours, on contribue amplement à l’extinction et à la disparition brusque de nos talents sur la scène internationale. Pourtant, combien de nos compatriotes sont excellents hors du pays, toutefois dans ce pays, il est très difficile pour cette catégorie de la classe sociale d’expérimenter son savoir-faire en le mettant au service de la patrie, pour une bonne émergence économique accompagnée de développement durable.

 Pire, nous ne faisons plus confiance en nos filles et fils, et du coup d’autres pays en profitent pour asseoir leur empire et leur domination économique dans notre propre pays rempli de pauvres. Travailler avec les étrangers n’est pas mauvais en soi, mais les préférer aux Guinéens provient d’une logique mal exprimée.

 Car, s’il y a des jeunes pleins de cupidité aujourd’hui, c’est parce qu’ils se sont retrouvés pris au piège par un système qui n’est pas favorable au changement et à la transparence. Qu’à cela ne tienne, une partie de la responsabilité leur est imputable, dans la mesure où, tout est une question de volonté, de responsabilité et de patriotisme.

Pour prouver que c’est un manque de volonté et que faisons preuve de mauvaise foi par endroit, il y a bel et bien de ces pays, qui étaient à la base confrontés à tous les maux favorisant la mal gouvernance, mais qui ont réussi à se départir de ce fléau et à même devenir des modèles et des exemples à suivre de nos jours.

 C’est le cas du Rwanda, dont le Président (Paul KAGAME) disait, qu’il s’inspire des ouvrages de notre premier Président, feu Ahmed Sékou TOURE pour développer son pays. De ce fait, il sera juste question pour nous, de revenir à nos sources et à nos racines pour puiser ce qui est bon et se débarrasser de ce qui ne l’est pas, dans le but d’utiliser le brevet à bon escient. Reproduire en partie avec une touche personnelle ce que les autres ont fait pour arriver à un stade plus ou moins satisfaisant et acceptable, doit aussi être de mise, car cela constitue un tremplin idéal pour l’émancipation et le progrès. Pour cause, pas de science ni de connaissances, sans référence.

Par ailleurs, les autres pour avoir le mérite d’être considérés comme des références, ont développé des grandes écoles en technologie, en administration publique, en économie, en santé, en entrepreneuriat et en science de la vie et de la terre. Cela a pris du temps, mais ils ont rattrapé ce temps perdu de par le fait qu’il sont partis sur du solide et cela a fait qu’ils sont même en avance sur leur temps à présent.

Dans le même sillage, posons-nous dorénavant des questions de management global accompagnées de perspectives d’avenir. Telles que, comment pourrions-nous avoir des grandes firmes multinationales, des banques, des industries fondées par des guinéennes et guinéens?

Trouver des éléments de réponse corrects à une telle question, nous fera forcément agir et nous donnera une ouverture d’esprit, dans un bon sens, avec des actions concrètes.

En effet, nous n’arrivons pas à avoir des hommes de renommée et des grands hommes d’affaires comme chez nos voisins et plus particulièrement au Nigeria. Et être propriétaires de banques comme le Maroc, de holdings comme le Sénégal, d’ingénieurs pointus comme la Côte d’Ivoire etc.

Très clairement, la réponse est simple et simpliste, car trop de méchanceté et de jalousie exagérées dans le sens négatif, aboutissant à la destruction de son prochain, et nous sommes contre la promotion de l’excellence. Loin d’exagérer, la médiocrité est devenue une religion dans notre Guinée qui s’est métamorphosée au détriment de son identité et de sa réputation habituelle. Il faut nécessairement bannir et mettre fin à ce système qui fait fuir les plus brillants de leur propre pays. Un ami disait que, la Guinée est un cimetière de talents.

Pour la petite histoire, en tant que boursiers d’État, nous sommes arrivés au Maroc avec des sacrifices venant de nos parents, avec notre statut de jeunes étudiants pauvres, confrontés aux mêmes défis, on a du épouser le travail comme moyen de réussite. Nonobstant la galère et le climat plus que défavorable, l’on s’est battu corps et âme afin d’obtenir des diplômes mérités et vérifiables. Il est arrivé un moment, où l’on ne comptait plus sur la bourse, car nous étions issus de catégories défavorisées, à cause de la casquette franco-arabe que certains d’entre nous portaient. Nous étions sans bourse, pire on a été accompagné de propos blessants et méprisants venant de certains cadres du Service National de Bourses Extérieures (SNABE) d’alors, et de quelques cadres de l’ambassade à l’époque.

 Plusieurs étudiants guinéens brillants à base ont eu à renoncer à leur talent de bosseur et tomber dans les travers de la vie. La raison est unique, ils ont été victime de cette injustice affichée et voulue venant des uns et des autres. Pendant ce temps, les enfants des hauts cadres faisaient la fête avec des primes de plus de 7000 USD, quand les plus méritants, dits lauréats ne touchaient que 1000 USD par an.

La bourse de certains d’entre eux ont été coupées sans explications, ni justifications, et pire, l’ambassade fuyait sa responsabilité pour le retour des étudiants au pays après les études. Pour ce qui est de leurs billets d’avion, elle les dirigeait vers l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), afin qu’ils soient rapatriés comme des migrants clandestins favorables à un retour volontaire dans leurs pays respectifs.

Pourquoi traiter la classe intellectuelle de la sorte, qui contribue surtout au rayonnement du pays de par leur travail, leur rang et leur sens de l’excellence, et même salir l’image du pays à l’international en les faisant rapatrier sous la couverture d’une instance par le biais de laquelle, notre souveraineté et notre fierté ne sauraient être exprimées.

En clair, la promotion de l’excellence fait défaut en Guinée, plusieurs talents se sont vus ici calculer par zéro et réduits en néant, chose qui très très regrettable et alarmante, si toutefois l’on ne change pas de fusil d’épaule. Succinctement, notre génération doit se surpasser de ces paradigmes malsains et malveillants afin de s’unir pour l’assistance mutuelle et la coopération fraternelle entre les filles et fils de la Guinée, car sans cette union, personne ne viendra nous valoriser à notre place.

Chers (es) compatriotes, ayons le courage de briser cette pratique dangereuse sur tous les plans, notamment scientifique, économique culturel etc.

Le prophète dit, il n’est croyant que, celui qui aime pour lui ce qu’il aime pour les autres.

Il sied de noter, soit nous nous valorisons ou nous prenons notre mal en patience. Un jour, les Guinéens comprendront sans nul doute que, la nécessité de se serrer les coudes, valoriser ses intellectuels et talents et sauvegarder son intelligentsia. Sinon, il est regrettable dans un pays que, même le Champion international de mémorisation du Saint Coran n’est pas célébré. Juste incroyable le cas de Oumar TOURE, Champion international en Malaisie en 2023, est une illustration parfaite. Nous valorisons le concours de beauté avec des enveloppes conséquentes, mais nous ne célébrons pas nos écrivains, nos chercheurs, nos lauréats du BAC etc.

L’équation selon laquelle, la richesse d’un pays se résume à sa richesse humaine, est valable pour tous les États de ce monde. Alors, c’est aux gouvernants de poser cette équation et c’est aux gouvernés de s’impliquer en vue de sa résolution. Mettons nos énergies positives et productives ensemble pour l’intérêt général, pour contrer l’épidémie de médiocrité et de négativité. Investisons dans la formation pour avoir un capital humain hautement qualifié sans laisser pour compte les artistes et les disciplines sportifs ou les reléguer au second plan. C’est le lieu de rappeler l’une des ambitions et des priorités des nouvelles autorités, qui n’est rien d’autre que, la paix et le développement durable.

En définitive, la diversité de nos activités par secteur, est une richesse que nous devons exploiter en nous soutenant mutuellement. À fouiller de fond en comble, l’on s’en rend compte que nous voulons la même chose à la base, ce qui se résume à l’évolution et au progrès de notre génération et de notre nation.

 Je souhaite ardemment que l’intelligentsia et l’expertise de la Guinée rayonne dans les institutions régionales et internationales, mais aussi parmi les grands et les célébrités de ce monde, je souhaite que nos entreprises se développent et qu’elles aient leurs propres brevets, je souhaite qu’il ait des futurs prix Nobel parmi nous.

 Unissons-nous et allons à l’essentiel, nous vaincrons.

IBRAHIM MANSARÉ, PhD, Spécialiste de la Finance Participative et Porte-parole de l’union des écoles franco-arabes de Guinée

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