Politique : « le CNRD et son gouvernement doivent revoir leur copie », selon Pépé Francis Haba (UGDD)

Pépé Francis Haba, président de l’Union guinéenne pour la démocratie et le développement (UGDD) .

Souvent source de tension en Guinée, la politique a connu une année 2023 encore mouvementée, avec des manifestations réprimées, des acteurs politiques mis sous contrôle judiciaire alors que d’autres sont en exil. Même s’il note quelques avancées,  Pépé Francis Haba, président de l’Union guinéenne pour la démocratie et le développement (UGDD), tire un bilan mitigé dans le domaine politique durant ces 12 derniers mois. Il l’a dit au cours d’un entretien accordé à un reporter de Guinéematin.com fin décembre 2023.

« 2023 a été une année mouvementée, l’actualité politique a connu des hauts et des bas. Il faut d’abord se féliciter de l’ouverture du CNRD et de son gouvernement quant à la mise en place d’un cadre de dialogue inclusif, inter-guinéen. Souvenons-nous de la veille de 2022, grâce à la CEDEAO nous avons obtenu un accord dynamique pour le retour à l’ordre constitutionnel, et par rapport à cet accord dynamique les acteurs sociopolitiques  se sont retrouvés au sein du cadre de dialogue inter-guinéen. Ils se sont retrouvés, ils ont travaillé d’arrache-pied et ont conclu 35 résolutions et ces résolutions sont en train d’être vulgarisées à travers le pays pour que les populations comprennent enfin que cette transition finira par l’organisation des élections libres et transparentes. Ce qu’il faut encore signaler, c’est que ce cadre de dialogue est inclusif et ouvert de façon permanente. C’est ce qui a permis à nous anciens acteurs opposés à ce cadre de dialogue de changer un peu notre manière de faire (…). Aujourd’hui, il y a des avancées notamment les deux premières grandes activités : le RGPH4 (le recensement général de la population et l’habitat), mais aussi le RAVEC (recensement à vocation d’état-civil). En ce qui concerne ces deux grandes activités, les ressources financières ont été bouclées, les ressources humaines ont été recrutées; les ressources matérielles sont trouvées. Il reste juste la nomination du coordinateur national du RAVEC pour que les activités qui ne prendront pas plus de deux mois sur le terrain puissent commencer et se terminer dans les règles de l’art. Sur ce, il faut féliciter les acteurs sociopolitiques, féliciter le CNRD et son gouvernement pour la maturité dont ils ont fait preuve. Ils ont compris qu’on ne peut conduire notre transition sans le dialogue », a-t-il dit.

Mais ces actions bien que salutaires contrastent avec d’autres dont les acteurs politiques sont victimes. Alors, M. Haba invite la junte à revoir sa copie et d’accepter la contradiction.

« Il y a aussi beaucoup de bas que nous avons connus : il y a jusqu’à maintenant des acteurs sociopolitiques qui sont en prison et on ne sait pas exactement ce qu’on leur reproche parce que la justice est en train de ralentir leur jugement. Donc, on doit rappeler au CNRD et son gouvernement qu’il est important d’accélérer le jugement de ces acteurs pour que ceux qui sont coupables de corruption et d’enrichissement illicite restent en prison et ceux qui seront lavés de tout soupçon puissent revenir dans leur famille. Il y a aussi des acteurs politiques que nous sommes qui avons  été mis sous contrôle judiciaire, et il a fallu la maturité du juge Sacko pour que nous soyons libérés de tout soupçon. Et nous l’avons été parce que nous sommes des acteurs politiques. Le CNRD et son gouvernement doivent revoir leur copie pour que de façon libre les acteurs sociopolitiques puissent parler, parce que c’est dans la contradiction qu’un pays peut se développer de façon harmonieuse », a-t-il indiqué.

Depuis octobre dernier, la junte guinéenne accentue la restriction des médias ainsi que les réseaux sociaux. Une situation que dénonce avec vigueur le président de l’UGDD.

« Il y a aussi des choses qu’on peut regretter : le brouillage des ondes. La liberté de la presse doit être totale. Si les acquis que les Guinéens ont depuis l’indépendance ne peuvent pas être améliorés, il faut absolument qu’ils soient maintenus. La Guinée a connu énormément d’acquis sous Lansana Conté, sous le professeur Alpha Condé, il faut absolument que nous laissions les journalistes travailler puisque c’est le 4è pouvoir. Ils ont un rôle important dans le développement socio-économique, nous devons les laisser travailler. Nous devons cesser les brouillages des ondes. On doit cesser la suspension abusive des sites, notamment Guineematin.com qui a été victime de cela. Je pense que ce sont des choses qu’il faut dénoncer avec vigueur », a-t-il martelé.

Selon l’accord dynamique obtenu par la Communauté économiques des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la transition guinéenne doit prendre fin en décembre 2024. Mais à 12 mois de cette date, il y a un certain flou qui demeure encore quant à la suite du processus alors Pépé Francis Haba réclame un calendrier bien précis pour que les acteurs politiques puissent se planifier.

« Il faut retenir aussi qu’il y a des acteurs sociopolitiques qui ne sont pas encore dans le cadre de dialogue, il faut absolument que le Premier ministre comme il l’a commencé en faisant  le tour des états-majors (des partis politiques), qu’il  continue à être en contact avec ces acteurs qui ont fait beaucoup pour la Guinée, et qui  pèsent lourds encore sur le paysage sociopolitique pour que la main dans la main en tant que frères nous puissions suivre les activités du retour à l’ordre constitutionnel. Pour le moment, nous acteurs sociopolitiques,  on ne sait pas quand est-ce que les élections vont être organisées. Il serait important que le CNRD prenne conscience que nous, on ne peut se planifier, on ne peut présenter nos projets politiques aux populations, on ne les motive que quand on sait exactement quand est-ce on ira aux élections référendaires, législatives, locales et surtout à l’élection présidentielle. Il faut que nous nous retrouvions pour regarder les activités qui restent à exécuter pour que nous puissions les adosser à un calendrier précis pour qu’ensemble nous soyons avertis et participer convenablement aux élections. Il faut que le CNRD prenne conscience qu’il n’y a pas d’autres alternatives à la démocratie, on ne peut pas opter pour autre chose que la démocratie. Et, étant donné que nos pères fondateurs de la Guinée ont choisi la République, ils ont choisi la laïcité, ils ont choisi les droits humains, il faut que ces droits continuent d’être renforcés, fortifiés. Il faut que les populations bénéficient des retombées des richesses du pays. Il faut que nous ayons plus de visibilité sur l’accord dynamique signé avec la CEDEAO, il faut que nous puissions regarder cet accord-là pour voir ce qui a été fait, ce qui reste à faire. Notre pays traverse une crise parce que l’incendie du dépôt de Kaloum touche tous les secteurs socio-économiques, mais malgré cela il faut absolument qu’on aille de l’avant. Il est vrai que le peuple de Guinée est résilient, il est vrai que nous traversons une crise, il est vrai que chacun de son côté doit continuer l’élan de solidarité que nous avons commencé  mais il faut absolument que nous sachions quand est-ce que nous allons sortir de cette transition étape par étape », a indiqué l’homme politique.

Mamadou Yahya Petel Diallo pour Guineematin.com

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