Aboubacr (Lynx) au procès du 28 septembre : « J’ai vu des manifestants se jeter à l’eau pour échapper aux agents en maillots Chelsea »

Comme annoncé précédemment, le procès du massacre du 28 septembre 2009 se poursuit ce mardi, 13 février 2024, devant le tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’appel de Conakry. Et, c’est le journaliste, Boubacar Algassimou Diallo, qui témoigne à la barre. Il a été cité par la partie civile. Et, dans son récit devant cette juridiction d’instance, ce professionnel de média a fait part de la présence des hommes en maillot Chelsea au stade ce jour du massacre. Il a dit avoir été sauvé de justesse de leur barbarie et il assure avoir vu des jeunes se jeter à la mer à la plage de Landréah (dans la commune de Dixinn) pour échapper à la furie de ces agents en maillot bleu ciel.

Guineematin.com vous propose ci-dessous un extrait de son témoignage à la barre.

« Je suis arrivé autour de 7 heures30’ à l’esplanade du stade [du 28 septembre]. Peu de temps après, les gens ont commencé à venir par vagues successives. L’esplanade s’est remplie, il y avait de l’animation. C’est en ce moment que le colonel Moussa Tiegboro Camara (capitaine à l’époque) est arrivé. Il a été ovationné, les gens étaient contents de le voir. Il est resté avec la foule et il a dit : nous savons que vous êtes venus manifester, c’est un droit, mais aujourd’hui nous sommes le 28 septembre, c’est un jour très important pour la Guinée, nous ne pouvons pas vous laisser manifester aujourd’hui. Je vous demande de rentrer chez vous tranquillement, on va certainement vous donner un jour où vous allez manifester. Mais aujourd’hui, il est hors de question… Les gens se sont mis à le huer. Mais, il a dit à trois reprises : rentrez chez vous ! Après, il s’est déplacé. Moi aussi, peu de temps après, je suis allé dans la cour à l’arrière de la pharmacie totale qui est proche de chez Dr Manizé Kolié où j’ai demandé qu’on me prête une bouilloire pour aller aux toilettes… J’ai donc fait mes ablutions et, à mon retour pour déposer la bouilloire et remercier la personne qui me l’avait prêtée, j’ai vu un jeune manifestant venir à toute allure, entrer avec fracas et refermer la porte. Il est allé se jeter dans un lit là-bas et il s’est couvert. Et, quand j’ai regardé, j’ai vu des hommes en uniforme qui portaient des t-shirts noirs et des pantalons olives. Le temps pour moi de comprendre, j’ai vu une autre vague de manifestants qui était pourchassée par ces hommes en tenue munis de matraques. Ces hommes ont fait usage d’une brutalité inouïe contre ces manifestants… Quand ils sont partis, je suis sorti pour venir à la station. Il y avait là une tension. On voyait des gendarmes, des policiers et la foule. C’était vraiment la débandade… Je suis allé me mettre à l’abri pour envoyer mon premier papier. Ça m’a pris environ une heure… Je sortais de là, juste à hauteur de l’Université [Gamal Abdel Nasser] quand j’ai entendu des coups de feu. Il y avait un vacarme, un bruit qui venait du stade. Ça criait très fort. Si on n’avait pas entendu les tirs, on pouvait penser que c’est un concert. J’ai vu des gens qui sortaient, certains étaient parmi eux étaient blessés. J’ai demandé ce qu’il y a, ils m’ont dit qu’il y a des militaires qui sont entrés au stade et ils sont en train de tirer. Et comme j’entendais les crépitements, j’ai essayé de suivre la foule qui sortait du stade pour aller vers la Fondis pour aller à la plage de Landréah. La marée était haute, mais certains sont quand-même passés par là [pour échapper aux militaires]. Moi j’ai voulu ressortir de là pour remonter et aller voir ce qui se passe au stade. Mais, à quelques mètres, j’ai vu des gens en t-shirt bleu ciel… Il y avait un coiffeur à côté. Ce jeune coiffeur qui était là les avait vu aussi. Il m’a tiré, m’a fait asseoir et s’est mis à me coiffer. Donc, quand ces gens sont arrivés et ils ont voulu s’en prendre à moi. Mais, le coiffeur s’est interposé et il a dit en soussou : lui, ce n’est pas un manifestant, il est venu se coiffer. Après ils se sont mis à crier et ils sont allés vers la plage… J’ai vu certains jeunes manifestants se jeter à l’eau. Parce que quand vous voyez ces agents en maillot Chelsea, vous sentez directement qu’ils représentent une menace… Quelque temps après, j’ai reçu un appel de mon ami Abdourahamane qui est aussi journaliste. Il m’a dit qu’il était chez Dr Amara Bangoura avec d’autres confrères. Donc, je suis allé les trouver là-bas. Nous sommes restés là jusqu’à 18 heures ».

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

Tel : 622 97 27 22

Facebook Comments Box