Guinée : Reporters Sans Frontières apporte son soutien aux médias guinéens, dans le creux de la vague

 Une délégation du bureau de Reporters Sans Frontières (RSF) Afrique subsaharienne, conduite par son directeur, Sadibou Marong, en séjour en Guinée depuis quelques jours, a organisé ce vendredi, 22 mars 2024, une conférence de presse à Conakry. La démarche s’inscrit dans le cadre des actions entreprises par RSF pour soutenir la presse guinéenne, victime de nombreuses restrictions de la part des autorités de la transition. La délégation affirme avoir rencontré les autorités pour tenter de résoudre la crise, a appris sur place Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Depuis la mi-août 2023, des médias du pays, notamment des sites internet, des radios et des télévisions, sont victimes de restrictions de toutes sortes. Pour apporter son soutien aux médias impactés par cette crise, une délégation du bureau de RSF Afrique subsaharienne séjourne actuellement à Conakry à l’effet de toucher du doigt les réalités sur le terrain. Une manière de rencontrer les responsables des médias et les autorités du pays dans l’espoir de trouver une solution durable à cette crise.

Selon nos informations, la délégation de RSF a rencontré le PM Bah Oury et le ministre de l’Information et de la Communication, Fana Soumah. C’est ce qu’a fait savoir Jeanne Lagarde, chargée du plaidoyer de RSF Afrique subsaharienne.

Jeanne, Lagarde, chargée du plaidoyer RSF Afrique subsaharienne

« Les motifs de notre venue ici à Conakry et la conférence de presse que nous avons tenue ici à la maison de la presse, c’est d’abord les atteintes importantes à la liberté de la presse que connaît le pays depuis plusieurs mois, notamment depuis novembre dernier. On observe que 4 radios sont toujours brouillées, des émissions sont interférées, des chaînes de télévision sont retirées du bouquet Canal + plus et de Star Times, mais aussi vous savez des sites internet avaient été bloqués. Des médias auxquels on a proposé des sites miroir. Donc, l’objectif de nos déplacements à Conakry, c’est de soutenir les médias bloqués et de rencontrer les autorités pour leur faire part de nos recommandations. Nous avons, à cet effet, pu rencontrer le Premier ministre, chef du gouvernement, et le nouveau ministre de l’information et de la communication, qui se sont montrés plutôt ouverts au dialogue et favorables aux discussions sans pour autant promettre malheureusement une date précise quant à l’issue d’une solution favorable. Pour le moment, on attend. Le Premier ministre a montré une ferme intention de discuter avec les responsables des médias et les associations de presse », a-t-elle indiqué.

Prenant part à cette conférence de presse, Kalil Oularé, Directeur général de Djoma Médias, en a profité pour expliquer la situation des médias restreints.

Khalil Oularé, Directeur Général de Djoma

« Nous sommes dans un contexte de destruction massive des emplois au sein de notre structure. La structure elle-même est menacée. La loi qui réglemente la liberté de la presse, la L002 et même la loi sur la HAC, sont des lois qui sont menacées aujourd’hui dans notre pays. Ce qui est fait aujourd’hui n’est pas dans une volonté de fermeture directe des médias, mais dans une volonté de musellement, dans une démarche d’autodestruction, c’est-à-dire que les autorités ne prennent pas sur eux le choix de venir fermer les médias, mais elles nous donnent, pour ainsi dire, le loisir de le faire en nous privant de nos ressources. Si Djoma, Évasion, FIM et Espace étaient véritablement une menace pour le peuple de Guinée, ce n’est pas sur Canal + que Djoma et autres représentent une menace. Pourquoi sur c’est sur Canal + qu’on coupe ? La démarche est simple. C’est parce que tous les décideurs, les annonceurs, regardent Canal+. Et donc, quand on ne regarde pas une chaîne, on a l’impression que personne ne la regarde », a déclaré Kalil Oularé.

Pour sa part, Sadibou Marong, Directeur de RSF, fortement touché par cette situation difficile que traversent les médias guinéens, a invité les autorités à œuvrer pour une solution rapide et durable.

Sadibou Marong, Directeur du bureau RSF Afrique subsaharienne

« Je suis particulièrement triste parce que je suis dans un pays, le seul pays au monde où des médias performants, des médias qui font un service public, un service utile aux populations, sont brouillés. Je suis triste parce que je suis un pays où les médias rendent un service utile aux populations sont inaccessibles. Pourquoi ? Parce que grâce à une volonté qui n’est peut-être pas encore assumée mais dont on connaît plus ou moins la direction. Je voulais dire que cela est anachronique dans le monde actuel, c’est-à-dire avoir la possibilité de priver à des médias d’exister et de fonctionner est anachronique. Il faut que dans nos pays, y compris ici la Guinée, que les dirigeants puissent accepter des voix dissonantes, la contradiction et des voix au pluriel, et c’est ça le pluralisme des médias. C’est important pour ces pays-là. Et ça, je le dis de manière solennelle que le pluralisme des médias puisse être assumé. L’impression que nous avons est que nous avons en face des questions techniques qui empêchent à des médias, à des pourvoyeurs d’emplois. 500 employés envoyés en congés techniques, pendant qu’un employé a pratiquement derrière lui une famille d’au moins 7 à 10 personnes. Mais c’est priver des familles entières de revenus. Et ce n’est pas cela que les populations demandent aux autorités politiques… Le fait qu’il y ait des investisseurs courageux, qui ont dégagé beaucoup de moyens pour que l’information continue à avoir cours, c’est extrêmement important et nous appelons à ce que tout cela soit reconnu, promu et assumé par les autorités de ce pays », a plaidé Sadibou Marong.

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

Tél. : 622 919 225

Facebook Comments Box