Conakry : immersion dans l’univers de Djénabou Diallo, « Mme cacao », pionnière du cacao en Guinée

Le mois de mars, consacré à la lutte pour le respect des droits des femmes, est l’occasion de mettre en lumière leurs actions au service de la nation. C’est dans cette dynamique qu’un reporter de Guineematin.com a donné la parole à Djénabou Diallo, « Mme cacao », une pionnière du cacao en Guinée. Elle a su braver tous les obstacles qui jonchent le chemin de l’entreprenariat pour ouvrir en Guinée une Maison du chocolat.

Elle s’appelle Djénabou Diallo, fruit de l’école guinéenne. Elle est titulaire d’une licence en Agronomie obtenue à l’Institut de Recherche Agronomique et Vétérinaire de Faranah. Fervente passionnée du cacao, elle a acquis cette passion en Côte d’Ivoire, premier producteur et exportateur mondial de cacao. Elle y était partie faire son Master en 2019.

D’un kilo de cacao jusqu’à la Maison du chocolat en Guinée, Djénabou Diallo nous dit tout sur sa vie, son parcours, les difficultés rencontrées et recommande des conseils aux jeunes souhaitant entreprendre.

Guineematin.com : présentez-vous à nos lecteurs et dites-nous votre domaine d’activité ?

Djénabou Diallo : je suis Diallo Djénabou, ingénieure agronome, spécialiste de cacao et gérante de la société Zeina Cacao. Zeina Cacao est la marque du chocolat made in Guinée qui existe depuis 2019.

Vous êtes connue comme pionnière dans le domaine du cacao en Guinée. Parlez-nous davantage de vous, de votre parcours, de votre niveau d’études…

Je suis un fruit de l’université guinéenne. J’ai fait l’Institut de Recherche Agronomique Vétérinaire de Faranah. J’ai eu ma licence en Agronomie. Après, je suis partie en tant que boursière de la Banque Mondiale à Abidjan, en Côte d’Ivoire, où j’ai fait mon Master sur le cacao. Donc, c’est à partir de là que j’ai eu la passion de ce que je suis en train de faire et j’ai eu le patriotisme de revenir chez nous pour essayer de développer davantage ce que j’ai vu chez les autres pays voisins.

Depuis quand êtes-vous dans l’univers du Cacao ?

Je suis dans l’univers du cacao depuis 2018 parce que j’ai fait mon Master là-dessus en Côte d’Ivoire, je suis rentrée en Guinée, et j’ai travaillé avec des Institutions. J’ai mené un projet sur le cacao, sur la caractérisation du cacao. Donc depuis 2019, je suis active dans le domaine de la filière cacao guinéenne.

Une femme dans le domaine agricole, comment cela a pris forme ?

Ce n’est pas exclu que les femmes soient dans le domaine agricole, parce que vous savez déjà que dans les champs il y a la majeure partie des femmes. Ce sont les femmes qui font beaucoup plus de travaux champêtres. Donc, ce n’est pas une nouveauté de voir les femmes dans l’Agronomie. Aujourd’hui, il y en a plusieurs. Mais aujourd’hui, moi je suis agronome, peut-être beaucoup plus spécialiste, basée sur le café et le cacao. Donc, les femmes aussi s’investissent dans l’agriculture. Moi, je pense que ce n’est pas nouveau. C’est juste une passion et vouloir faire la chose.

Nous sommes dans le mois de la femme, quel est le regard des hommes par rapport à ce que vous faites ?

Je ne dirai pas seulement que les hommes, tout le monde apprécie ce qu’on est en train de faire, parce que c’est une première d’abord. Je suis la première femme chocolatière de la Guinée qui a pu mettre sur place la première maison du chocolat en Guinée. C’est vrai que ce n’est pas beaucoup de choses, mais pour nous, c’est une avancée parce que dans les années antérieures, on ne parlait même pas de cacao, à plus forte raison de parler de la transformation du cacao en chocolat. Aujourd’hui, voir réellement qu’à partir du cacao de la Guinée, tu peux obtenir un lieu où tu peux t’en procurer, moi je pense que c’est un grand pas. Et aujourd’hui, ce travail est apprécié par tous les guinéens je peux dire, qu’il soit ici en Guinée, qu’il soit ailleurs, on est félicité de partout. Et ce qui est beaucoup plus intéressant, c’est que les jeunes filles sont en train de s’intéresser au chocolat. Parce qu’avant, les gens ne pensaient même pas à ça. Aujourd’hui, les institutions d’enseignement techniques par exemple, les gens qui font la cuisine et la pâtisserie, je reçois beaucoup d’étudiants. Par exemple, l’Institut de Dalaba, on est en train de travailler ensemble pour recevoir les étudiants qui vont travailler sur le chocolat. On a formé des étudiants qui ont leurs thèmes de mémoire sur le chocolat. Donc, les gens sont en train de s’y intéresser, grâce à ce qu’on est en train de promouvoir. Je pense que dans 10 ans, 5 ans, ou 2 ans on va avoir d’autres chocolatiers en Guinée.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées au début ?

Les difficultés n’en finissent pas. On n’a pas commencé grand. J’ai commencé petit parce que j’ai commencé avec 1kg de cacao. Donc, c’est de 1kg que Dieu m’a donné la chance d’aller sur la maison du cacao. Donc, les difficultés ne finissent pas : les difficultés techniques, les difficultés financières, les difficultés d’accompagnement et tout ce qui s’ensuit, ça ne finit pas. Jusqu’à présent, nous sommes confrontés à des difficultés parce que tous les matériels ne se gagnent pas en Guinée. L’accompagnement financier est là mais ce n’est pas aussi ce que l’on veut réellement. Ce n’est pas l’argent le problème. Éventuellement, le climat guinéen, la culture guinéenne n’est pas trop chocolat. Donc, là, nous on a un lourd fardeau, un lourd travail à faire. C’est-à-dire, c’est d’abord informer les gens que le Cacao existe. Deuxièmement, il faut sensibiliser à pouvoir commencer le chocolat guinéen et inciter les gens à investir dans ce domaine. Que ça soit la transformation, que ça soit la production parce que les gens de la forêt, aujourd’hui ce sont des vieux que tu trouves là-bas parce que tous les jeunes sont partis à cause de l’exode rural. Il faut faire revenir ces jeunes, il faut les inciter. Donc, les difficultés n’en finissent pas. Mais malgré ça, on est déterminés vraiment à aller de l’avant.

Vous êtes cheffe d’entreprise. Combien d’employés avez-vous ? Le nombre de femmes ?

Aujourd’hui, nous avons 90% de femmes, car nous n’avons que 3 ou 2 hommes. Depuis que j’ai commencé, je suis entourée par des jeunes filles de moins de 30 ans, de moins de 25 ans. Je suis entourée aussi par des étudiantes qui font en même temps des cours et viennent travailler ici. Parce que tout ça, c’est pour montrer qu’on peut vraiment aider les gens à se former dans le monde professionnel avant de finir les études. Donc, on est 90% de femmes. Ça veut dire que nous, ici, on fait la promotion féminine.

Quel est le message que vous lancez aux jeunes en général, et aux filles en particulier ?

Ce que je dirai aujourd’hui aux jeunes filles, aux jeunes de la Guinée, notamment à la gente féminine, quoi que tu fasses, ta forme, ton physique, c’est le travail qui reste. Il faut s’y mettre, travailler. Il ne faut pas hésiter à commencer petit. Il ne faut pas hésiter à commencer un travail que les gens te disent non, pourquoi tu fais ça ? Parce que tu as fini tes études… On pense que tu as un diplôme, donc tu n’as pas le droit d’aller faire du djindjan et vendre. Parce que tu as fini de faire un Master, aujourd’hui tu as un Master, tu viens ici pour faire du chocolat et tu deviens entrepreneur en train de courir. Ce n’est pas ça. Ce n’est pas le diplôme. Il faut avoir la passion de la chose. On peut finir les études et carrément déposer le diplôme. Et tu vois la passion, ta passion sur quelque chose que même quelqu’un qui n’a pas été à l’école peut faire mais toi, c’est ta passion. Ce que je peux dire ici, ce qu’il faut aimer ce que tu veux faire, il faut avoir la passion de la chose, la persévérance et la patience. Donc, quand on est patient dans la vie, on peut tout obtenir.

Propos recueillis par Boubacar Diallo pour Guineematin.com

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