Damaro Camara en colère contre la CRIEF : « vous n’avez pas de preuves, vous cherchez des alibis »

Amadou Damaro Camara, ancien président de l'Assemblée nationale

Les débats dans le dossier Amadou Damaro Camara et Cie se sont poursuivis ce mercredi, 15 mai 2024, devant la chambre de jugement de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF). Les échanges entre les parties ont été particulièrement vifs. Après les témoignages d’Aïssatou Diallo, trésorière au Conseil national de la transition (CNT), et de Saa Léno, directeur financier et comptable du CNT, Amadou Damaro Camara a demandé la parole pour clarifier certaines questions et déclarations qu’il jugeait ambiguës. L’ancien président de l’Assemblée nationale a dénoncé son incarcération alors qu’il n’y a pas de preuves, a constaté un reporter que Guineematin.com a dépêché à la CRIEF.

C’est un Amadou Damaro Camara visiblement irrité par l’attitude de la partie civile et du ministère public par rapport à cette procédure enclenchée à son encontre qui a pris la parole. L’ancien président de l’Assemblée nationale, Amadou Damaro Camara, a tenu à dire ses vérités aux parties poursuivantes concernant l’attribution du marché des 15 milliards de francs guinéens destinés aux travaux préliminaires de la construction du nouveau siège de l’Assemblée nationale, ainsi que l’utilisation desdits fonds. « Il faut que la partie comprenne qu’elle est en train de faire l’histoire. C’est la première fois qu’on juge un président de l’Assemblée nationale pour la gestion des fonds de l’Assemblée nationale dans l’histoire de l’humanité. Je n’en connais aucun autre cas. A défaut de preuves, nous sommes dans des alibis. Les comptes qu’ils (la partie civile et le ministère public) demandent sont gelés par les autorités. Mes comptes sont gelés il y a deux ans. Et c’est seulement maintenant qu’on se rappelle qu’il y a des comptes. C’est seulement maintenant qu’on se rappelle qu’on doit demander le pool comptable après deux ans d’incarcération. L’objectif, c’est de me maintenir en prison. Je suis prêt », a martelé Damaro.

Par ailleurs, l’ancien président de la 9ème législature est revenu sur les allégations d’enrichissement illicite et de corruption qui lui sont imputées. « Ici même, on m’a même demandé j’avais combien dans mon compte. J’ai dit que j’ai un compte à UBA dans lequel il y a deux millions et quelques francs guinéens ; un compte à la BICIGUI où il y a 350 millions de francs guinéens. Moi, je ne cache rien. Enrichissement illicite, j’ai quitté l’administration il y a 40 ans. Je n’ai jamais géré une régie financière guinéenne. En quoi je vais m’enrichir illicitement ? On parle de corruption. J’ai été corrompu à quelle occasion et pour quel montant ? Quand-même ! Soyons sérieux ! C’est la justice ça. Ça, c’est la justice. C’est le miroir du pays ça. N’en faites pas un jeu. Prenez les comptes qui sont gelés. Vous (le ministère public) n’avez rien fait (en terme d’enquêtes). Monsieur le président, c’est 18 mois après qu’on a demandé les comptes bancaires de l’Assemblée, et ils veulent nous dire que ça se termine ici (à la barre). Vous n’avez pas de preuves, vous cherchez des alibis », accuse Amadou Damaro Camara.

A la question de savoir si l’Assemblée nationale à l’époque avait reçu d’autres fonds ou encore devait recevoir d’autres en plus de ces 15 milliards incriminés dans ce dossier, Amadou Damaro Camara répond par l’affirmative avec énergie. « On attendait même plus que ces 15 milliards. On attendait deux fois 28 milliards. Et les 4 milliards dont on parle ici, c’était un fonds spécial pour couvrir la session extraordinaire. Chaque fois qu’il y a une session extraordinaire, son financement ne vient pas des subventions des sessions ordinaires. Avant l’arrivée des 15 milliards, on avait 250 millions au compte. A la date du versement des 15 milliards, on avait que 250 millions de francs guinéens sur le compte. Les 15 milliards étaient comme un fonds spécial donné une seule fois depuis plus de 20 ans à l’Assemblée nationale, y compris les CNT. Les 15 milliards étaient spécifiques et c’était sur la demande parce que tout simplement les chinois ont demandé à ce que le nouveau terrain soit net de toute occupation matérielle et humaine. Et on était installé au mois d’avril. Mai et juin après, en juillet on me dit : il faut que le terrain soit net. En juillet déjà, on était en vacances. C’était ça, l’urgence. Quand on dit : marché gré-à-gré, c’est une procédure normale de passation des marchés à certaines conditions. L’urgence, la spécificité, etc. Quand les 28 milliards sont arrivés, on avait déjà fini de faire ce que les chinois avaient demandé de faire. Mais comme ils ont écrit, on le vérifie dans le dossier de la procédure. La lettre dans laquelle on nous avait demandé que dans 60 à 90 jours le terrain soit libre de toute occupation. C’est ça leur méthode. Ils ont posé la première pierre. Mais allez-y voir, peut-être dans 3 à 5 mois encore, il n’y aura rien. C’est ça leur méthode de travail. Mais l’urgence en 2020 était là, confirmée par leur lettre, la lettre des partenaires », a-t-il expliqué.

En outre, Amadou Damaro Camara s’en prend au parquet. « C’est pourquoi, on doit faire l’enquête avant d’incarcérer. Vous nous avez incarcérés avant de commencer à chercher des preuves. Ce que j’ai fait pour cette affaire de 15 milliards, si c’était à refaire, je vais le faire exactement de la même manière. C’est pour dire que la procédure était normale et que je suis convaincu que je faisais bien. On a consulté deux sociétés, dont l’une était chère et l’autre n’avait pas le préfinancement… »

La Cour a renvoyé ce dossier au 27 mai 2024 pour la comparution de Michel Kamano et la suite des débats.

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

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