Brouillage et restrictions des médias : la Coalition guinéenne pour la Cour pénale internationale en sapeurs-pompiers

Coalition guinéenne pour la cour pénale internationale

Les restrictions visant les médias guinéens sont mal perçues tant en Guinée qu’à l’international. De nombreux acteurs se battent sur le terrain en vue d’un retour à la normale pour un secteur sérieusement secoué par la junte. C’est dans cette dynamique que la Coalition guinéenne pour la cour pénale internationale (CGPI) a organisé une table-ronde ce vendredi, 17 mai 2024, à la maison de la presse de Conakry. La rencontre a tourné autour des « enjeux et défis de la liberté de presse en Guinée : du projet pour une réforme législative respectueuse des libertés de réunion et d’association ». Elle a regroupé les associations de presse, le Syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG), l’ambassade des États-Unis, le barreau, les organisations de défense des droits humains, le Ministère de l’information et de la communication, a constaté sur place Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Depuis des mois, les médias guinéens connaissent des restrictions et des brouillages qui entravent la liberté de la presse. Plus de 500 hommes de médias sont au chômage suite à ces restrictions illégales. C’est pour se pencher sur cette problématique que cette table-ronde est organisée par la Coalition guinéenne pour la Cour pénale internationale (CGPI).

Maître Hamidou Barry, président de la CGCPI, a apporté des précisions sur le bien-fondé de cette démarche.

Maître Hamidou Barry, Président de la coalition Guinéenne pour la cour pénale internationale

« Nous avons pensé qu’il faut travailler sur la liberté des médias, la presse, la liberté d’association et de réunion. L’objectif c’est de revisiter nos textes, la Loi 002, l’accès à l’information, la cyber sécurité et autres, les lois de 2005 qui régissent les associations, organisations et coopératives. Je ne parle pas des partis politiques ici, parce que ça aussi c’est des associations privées. Donc, revisiter ces textes, faire des propositions concrètes et soumettre à qui de droit, c’est-à-dire le CNT. Faire des propositions concrètes pour que, dans quelques mois, les médias bénéficient de ce qu’ils doivent bénéficier et que les citoyens, gouvernants et gouvernés, soient informés de ce qui se passe tant sur le plan politique, social et économique. Qu’il y ait une bonne collaboration entre les médias et les autorités de la transition. Nous avons saisi cette occasion pour demander à la HAC, au Ministère de l’Information, aux autorités actuelles, pour respectueusement que nous revenions comme on était lors de la prise du pouvoir par le CNRD le 05 Septembre 2021. Parce que nous avons besoin de l’information, eux-mêmes ont besoin d’informations, pour éviter les rumeurs, les spéculations… Si l’information est donnée par les médias publics et privés, cela évite beaucoup de choses. Vous voyez les cas des incendies ? Donc, s’il y a des informations précises, c’est dans l’intérêt des gouvernants et des gouvernés. Nous aidons l’État, parce qu’il faut conseiller. Donc l’objectif, c’est de sortir un document et des propositions objectives, non partisanes. On est là, on n’est pas contre l’État », a laissé entendre maître Hamidou Barry.

Pour sa part, Sékou Jamal Pendessa,  Secrétaire général du Syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG), a carrément indexé la Haute autorité de la Communication (HAC) comme étant un instrument de la junte militaire qui dirige la Guinée.

Sékou Jamal Pendessa, Secrétaire général du SPPG

« C’est important dès fois que les acteurs impliqués dans le cadre de l’exercice de notre métier se retrouvent pour échanger. Ça peut lever beaucoup d’équivoque et peut être des solutions pourraient surgir à l’occasion de cette journée. Nous l’espérons bien. Lors des débats au niveau du SPPG, nous l’avons réitéré devant tous les acteurs que le brouillage, les restrictions et le retrait de chaînes de Télé des bouquets Canal et autres sont opérés de façon illégale, parce qu’aucun de ces médias n’a été convoqué par la HAC qui est la seule entité habilitée à ordonner la fermeture d’un média. Vous avez suivi un expert qui l’a confirmé, c’est ce que le SPPG a toujours dit ici. C’est pourquoi on s’est insurgé contre les propos du porte-parole du gouvernement au mois de mai dernier quand il a dit tout médias, selon lui, qui se permettrait d’opposer les communautés les unes aux autres sera fermé. Donc, on avait dit que non, ce n’est pas le rôle de l’exécutif. Seul la HAC peut le faire et si ça doit se faire, la HAC ne donne que l’ordre, les autres services ne peuvent être que des outils de la HAC pour appliquer la décision et c’est confirmé par un expert qui a une grande expérience dans ce domaine. Aujourd’hui, tout que nous demandons à l’État, c’est de libérer. Pour nous,  il n’y y a pas à chercher ailleurs, les autorités, au fil du temps, grâce à la pression du Syndicat qui a mené un battage médiatique, bien qu’il n’a pas eu un papier pour brandir, ont fini par reconnaître que c’est elle qui est derrière le brouillage. Tout récemment, vous avez suivi l’évolution de la situation, le Premier ministre reçoit les organisations de patrons de presse, il dit que le Président de la transition est déçu de certains patrons de médias, parce qu’il leur a donné des faveurs, c’est pourquoi le Président a ordonné le brouillage des ondes, le retrait des bouquets Canal. Lors de la conférence du Premier ministre, il dit que la balle est désormais dans le camp de la presse, parce que la presse est partie s’engager librement à mettre en place un organe d’autorégulation. Ce qu’il veut dire, puisque vous êtes en train de traîner les pas, vous n’allez qu’à vous en prendre à vous-mêmes, quand vous allez finir de faire ce travail et que vous allez déposer le document, nous allons écrire à la HAC pour lui demander d’écrire à qui le droit. La première leçon à tirer, cela veut dire que c’est les autorités. Deuxièmement leçon, la HAC, contrairement à ce qui est dit dans les textes, n’est pas indépendante dans les faits, parce que c’est l’exécutif malheureusement qui est entrain de lui donner des instructions. Là où on est, la HAC attend des instructions, le premier ministre l’a dit. C’est là où nous interpellons la HAC, c’est une occasion pour elle de donner raison au syndicat qui avait dit cette question de sécurité nationale n’était pas vraie, c’est faux », a laissé entendre le secrétaire général du SPPG.

De son côté, Amadou Touré, commissaire à la HAC, reconnaît qu’il y a problème, mais donne des conseils aux journalistes.

Amadou Touré, commissaire à la HAC

« C’est avec un grand intérêt que je suis en train de suivre les débats, j’ai suivi une communication sur l’aspect technique avec un expert des télécoms, après c’est un juriste qui prend la parole. Les expériences comme ça sont très enrichissantes. On a quand même besoin quelques fois qu’on se parle, avec plusieurs experts venant de secteurs différents. Je suivais la communication du juriste qui a fait un constat amer de l’exercice du métier en Guinée, qui nous a dit qu’il faut qu’on se dise les vérités. Lui-même a dit qu’il était à la Fac, il a fait du journalisme, des formations, mais il regrette aujourd’hui du fait que la qualité journalistique, la quête de l’information, le recoupement des informations, ne pas se laisser embobiner par certaines sources. En effet, il faut un constat dans l’exercice de la liberté de la presse. Je pense qu’on a besoin d’un tel débat, il faut qu’on se dise la vérité. Quelques fois, quand je parle aux journalistes, j’ai du mal à me mettre dans la peau du commissaire, j’aimerais parler directement à mes confrères. On connaît, il y a des problèmes, mais la première protection que nous journalistes on pourrait avoir, c’est d’exercer le métier selon les lois. C’est la loi sur la liberté de la presse, la L002 ; la loi sur la HAC, la L010. Mais également, le code de bonne conduite qui résume un peu les principes d’éthique et de déontologie. Je pense que la première carapace très dure qu’un journaliste peut avoir, c’est ça, le respect de l’éthique et de la déontologie. Le journalisme, c’est comme l’Enseignement, celui qui n’a pas de métier vers son secteur il se rabat dans le journalisme, c’est pourquoi on a un peu durci l’obtention des cartes de presse. On veut ceux qui viennent dans notre secteur pour s’enrichir qu’ils aillent ailleurs pas chez nous. Ce sont ces personnes qui font que notre corporation est salie. Les gens vont dire qu’il y a restrictions, mais l’exercice du métier aujourd’hui, il faut qu’on le reconnaisse, certains ne le font pas de façon correcte. La loi m’interdit de me prononcer sur des questions politiques, ce que je sais, depuis le gouvernement Gomou avec les associations de presse pour qu’on puisse organiser des rencontres tripartites, pour qu’on se dise les vérités et qu’on sorte de la crise. Le Premier ministre Bah Oury a pris la balle au rebond. Il faut que tout le monde s’apaise, que tout le monde se calme », a déclaré monsieur Touré.

Ismaël Diallo pour Guineematin.com

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