Procès du 28 septembre : les raisons de la colère du capitaine Dadis Camara contre Me Kabinet Kourala Keïta

Capitaine Moussa Dadis Camara, ancien président de la junte guinéenne du CNDD

Depuis le début des plaidoiries des conseils de la partie civile dans le procès du massacre du 28 septembre 2009, le nom du capitaine Moussa Dadis Camara revient constamment devant le tribunal criminel de Dixinn (délocalisé à la cour d’appel de Conakry). Pour l’instant, tous les avocats qui ont exposé devant cette juridiction le présentent comme le cerveau du massacre qui a fait plus de 157 morts au stade de Conakry. Et visiblement, cet accusé et ex-président du CNDD (la junte militaire qui avait pris le pouvoir en Guinée après le décès du Général Lansana Conté en décembre 2008) est agacé d’entendre ces avocats rabâcher son nom à tout bout de champ. En tout cas, il a hurlé sa colère ce lundi, 20 mai 2024, contre Me Kabinet Kourala Keïta qui l’a particulièrement placé dans sa ligne de mire. Sa protestation teintée de défiance lui a d’ailleurs valu un avertissement, une mise en garde de la part du président du tribunal, a constaté Guineematin.com à travers un de ses reporters.

L’audience se déroulait normalement depuis le matin, mais la persistance de Me Kabinet Kourala Keïta à pointer la responsabilité du capitaine Moussa Dadis Camara dans le massacre du 28 septembre 2009 a un peu brouillé l’ambiance dans l’après-midi. Cet avocat de la partie civile a placé le capitaine Dadis Camara à l’épicentre de sa plaidoirie et il s’est montré particulièrement déterminé à son encontre. L’accusé a visiblement souffert de l’entendre dans son exposé. Mais, le fait d’évoquer sa “tentative d’évasion” de la maison centrale (le 4 novembre dernier : ndlr) a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

« Tous ces assassinats perpétrés par les proches du capitaine Dadis Camara, il (Dadis Camara) connaissait les personnes qui en faisait. Ce n’était personne d’autre que Marcel Guilavogui, Claude Pivi et autres. Mais monsieur le président, ce que nos dirigeants d’alors (le CNDD) ont oublié, ce n’est pas en niant les faits qu’on est dédouané. Ce qui est curieux et que je ne peux pas comprendre monsieur le président, c’est que le niveau auquel le président Dadis est arrivé, quand on arrive à un tel niveau, on assume la responsabilité. Parce que nier les faits constitue les circonstances les plus aggravantes. Aujourd’hui, je pense que le procureur de la république doit requérir les circonstances les plus aggravantes contre le président Dadis. Pour deux raisons. La première, les faits qui sont mis à sa charge et que l’on connaît la concordance, la constance et la réalité, il les a tous niés. Et pire, le président a tenté de s’évader. Mais monsieur le président, c’est inacceptable. Un président qui cherche à s’évader, c’est inacceptable. Mais est-ce que le président [Dadis Camara] connaît le sens de l’évasion ? C’est de se soustraire à la justice de son pays, c’est de se soustraire à la rigueur de la loi, c’est de se soustraire à sa responsabilité, c’est de fuir sa responsabilité. Mais c’est extraordinaire », a martelé Me Kabinet Kourala Keïta.

Ces mots de l’avocat ont irrité le capitaine Moussa Dadis Camara. Cet accusé s’est même levé de sa chaise pour protester contre ces propos de l’avocat.

« Vous avez de la haine ! Vous n’êtes pas des spécialistes… Même si on a la sagesse mais il y a des comportements qu’on ne peut pas accepter. On ne vit qu’une seule fois, la dignité d’un homme est très chère. Vous ne pouvez pas vous arrêter ici et dire des paroles insensées. C’est insensé ce que vous dites », a-t-il répliqué avec un ton et des gestes qui laisse transparaître sa colère et son agacement d’entendre cet avocat rabacher son nom à tout bout de champ.

Et Me Kabinet Kourala de répondre avec un sourire narquois aux lèvres : « c’est la réalité ».

« C’est insensé. Regardez-moi ça ! Vous étiez là-bas ? C’est insensé », réagit Dadis Camara avec plus de colère.

Face à cet accrochage verbal qui perturbe la quiétude de l’audience, le président du tribunal s’est vu dans l’obligation d’intervenir. Et, c’est au capitaine Moussa Dadis Camara qu’il adresse une mise en garde.

« Monsieur Camara quand vous dépassez ces bornes, le tribunal sera obligé d’intervenir. Qu’est-ce que cela veut dire ? Calmez-vous ! Vous avez intérêt à vous calmer. Vous êtes là, on va parler de vous. ça, vous ne pouvez pas l’interdire. Je vous ai dit, dès qu’on va vous adresser un terme blessant, le tribunal interviendra pour demander à l’intéressé de retirer. Tel n’est pas le cas pour le moment. Il dit des choses. Est-ce que vous êtes jugé ? Est-ce qu’il y a une décision dans ce sens? Il est libre de parler et vous êtes obligé d’écouter, de suivre. Et quand le moment viendra, vous aurez le temps de réagir. Mais on ne va plus tolérer un tel comportement. On ne parle pas que de vous, on cite le nom de tout un chacun ici, de tous vos coaccusés. Pourquoi ça vous irrite ? Donc, une fois de plus soyez serein », a tranché le juge Ibrahima Sory 2 Tounkara, tout en ordonnant à Me Kabinet Kourala Keïta de continuer sa plaidoirie.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

Tel : 622 97 27 22

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