Déguerpissement à Kaporo (Conakry) : 3 locataires condamnés « pour rébellion »

Poursuivis pour rébellion, les prévenus Ibrahima Soumah, Mohamed Lamine Camara, Seydouba Camara, Jérame Kolié, Bissiri Camara et Mohamed Lamine Touré, ont comparu hier, mardi 4 juin 2024, devant le tribunal correctionnel de Dixinn, délocalisé à la mairie de Ratoma. Poursuivis pour avoir refusé de quitter une maison en location qui faisait objet de déguerpissement, ils ont nié les faits mis à leur charge. Pour ces faits, qui se sont produits au quartier Kaporo, dans la commune de Ratoma, 3 d’entre eux ont été déclarés coupables, a appris une journaliste de Guineematin.com qui a suivi ce procès.

Détenus depuis le 24 mai 2024, les prévenus dans cette affaire sont au nombre de six (6). Ils auraient refusé de quitter une maison d’habitation, en location, en instance de déguerpissement, en résistant aux gendarmes venus les faire quitter les lieux.

Interrogés à la barre ce mardi, ils ont tous plaidé non coupables. « Moi, je résidais en Sierra Léone, c’est un ami à moi qui m’a appelé pour me demander de venir à Conakry. Une fois  arrivé, il m’a hébergé chez lui. 3 jours après ce problème-là est arrivé. J’ai été arrêté à Kaporo, je sortais juste de la cour où logeait mon ami. C’est tout ce que je sais dans cette affaire. Je n’ai rien fait d’autre », a expliqué Ibrahima Soumah.

Également interrogé par le tribunal, Mohamed Lamine Camara dit ne pas lui aussi être concerné par cette affaire. « J’ai été arrêté chez moi. C’est jour-là, les gendarmes couraient derrière quelqu’un qui essayait de les échapper et cette personne s’était introduite chez moi, dans ma chambre et a fermé à clé. Les gendarmes qui le poursuivaient ont eux aussi défoncés la porte. Ils sont rentrés dans la chambre et nous ont arrêté tous les deux. Moi je n’ai rien fait. Je ne vis même pas dans cette maison. J’habite dans la maison d’en face », déclare-t-il.

Seydouba Camara, né à Forécariah, est également poursuivi dans cette affaire. « C’est pendant le mois de Ramadan que je me suis installé dans cette cour. Mais entre-temps,  j’étais parti au village pour faire le Ramadan. 2 jours après mon retour du village, les gendarmes sont venus. Moi, je n’étais pas informé que la maison faisait objet de déguerpissement. Ce jour-là  vers 4 heures, j’ai entendu des voix, je suis sorti pour voir ce qui se passait. C’est là que quelqu’un m’a dit de prendre mes affaires. Je suis rentré pour prendre mes affaires, mais les gendarmes étaient venus pour me demander de sortir. J’ai demandé à ce qu’ils me laissent prendre mes affaires. Mais, ils n’ont pas accepté », explique-t-il.

Même son de cloche chez Jérame Kolié, qui soutient n’avoir opposé aucune résistance face aux gendarmes. « J’étais couché à la maison et aux environs de 4 heures, c’est du gaz lacrymogène qui m’a réveillé. Quand je suis sorti, les gens m’ont dit ce qui se passait réellement. Je suis retourné dans la chambre pour prendre mes documents. Mais, les gendarmes sont venus me demander de les suivre. J’ai demandé à ce qu’ils me laissent prendre mes effets, mais ils ont refusé. Alors, je suis monté  dans leur pick-up  sans résistance »,

Quant à Bissiri Camara, il dit lui aussi ne pas être concerné par ce qui s’est passé. « J’ai été réveillé par le gaz lacrymogène à 4 heures du matin. Par un réflexe, j’ai protégé mon né par le tee-shirt que je portais. Je suis sorti, histoire de savoir ce qui se passait, et c’est là que l’un des gendarmes a dit attrapez-le. Ils m’ont attrapé et m’ont fait monter dans leur pick-up. Moi, je ne vis même pas dans cette maison en location. La maison où je vis est juste à  côté de la concession concernée. Parce qu’ils m’ont trouvé dehors, ils ont conclu que je faisais aussi partie du lot », explique-t-il.

Interrogé, Mohamed Lamine Touré a reconnu qu’il avait été effectivement informé du déguerpissement et qu’il avait presque fini d’emballer ses affaires. « Moi, j’ai appris par une dame que la maison où on vivait faisait objet de déguerpissement. C’est ainsi que j’ai commencé à rassembler mes affaires pour quitter les lieux. Mais, il restait la moquette et la télévision, j’avais presque fini de déménager. Le jour de la descente, j’étais assis dans un kiosque qui était à côté de la maison. Ils sont venus dans une dizaine de pickups. Dès leur arrivée, ils ont commencé à lancer du gaz lacrymogène. C’est ainsi que je suis me rendu à la maison, histoire de prendre les objets qui me restaient. Mais, ils ont refusé de me laisser les prendre et dans le feu de l’action, l’un des gendarmes m’a cogné avec le dos de son fusil. Pour me défendre, j’ai moi aussi cherché un caillou par terre pour le cogner avec. C’est ainsi que je suis allé m’introduire dans la chambre Mohamed Lamine Camara. Ils m’ont poursuivi et m’ont arrêté. C’est une fois dans la voiture que je me suis rendu compte qu’ils avaient également embarqué Mohamed Lamine Camara alors que lui, il n’avait rien à voir dans cette histoire », affirme-t-il.

Le représentant du ministère public, représenté par Lamine Touré, a trouvé cohérentes les déclarations de Ibrahima Soumah, Mohamed  Lamine  Camara et Jérame Kolié. Il a laissé entendre que le tribunal ne pouvait pas les retenir dans les liens de la prévention. Par contre, monsieur Touré a requis la condamnation de Seydouba Camara, Mohamed LamineTouré et Bissiri Camara à une peine de 6 mois d’emprisonnement chacun, assortie de sursis, et au paiement d’une amende de 1 million de francs guinéens chacun.

En soutenant que le dossier contre les prévenus n’était pas consistant, l’avocat de la défense va demander l’indulgence du tribunal.

Dans sa décision, rendue sur siège, le tribunal a relaxé Ibrahima Soumah, Mohamed  Lamine  Camara et Jérame Kolié. Par contre, Seydouba Camara, Mohamed Lamine Touré et Bissiri Camara ont été reconnus coupables des faits de rébellion. Pour la répression, ils écopent d’une peine de 6 mois de prison assorti de sursis, et au paiement d’une amende d’un million de francs guinéens chacun.

Mariama Barry pour Guineematin.com 

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