Guinée : « Sur les 67% d’enfants qui entrent en classe, seulement 50% arrivent au collège… »

Emmanuel Lamine Touré, enseignant

Le taux de redoublement et d’abandons scolaires est inquiétant en Guinée. Ce décrochage scolaire devient une sérieuse problématique. Selon Emmanuel Lamine Touré, un enseignant qui réfléchit sur la question de l’éducation guinéenne, sur les 67% d’enfants qui entrent en classe, seulement 50% arrivent à atteindre le collège ; et sur ces 50%, il n’y a que 9% qui vont à l’université. Dans un entretien accordé à un reporter de Guineematin.com, cet enseignant est largement revenu sur ce sujet.

« L’abandon scolaire est une problématique sérieuse. J’ai fait des recoupements d’informations sur l’alphabétisation et l’analphabétisme dans certains pays. Des institutions qui s’intéressent à ces questions, comme la Banque mondiale, j’ai aussi vu un rapport de l’Agence centrale de renseignements des États-Unis (CIA) et l’UNESCO qui se penche aussi là-dessus », dit-il d’entrée.

Pour ce qui est de la Guinée, Emmanuel Lamine Touré se fonde sur des données nationales pour démontrer l’urgence d’agir. « Et même le rapport national, sur 100 enfants en âge d’aller à l’école, environ 67% entrent en classe. Théoriquement, cela veut dire que nous avons 33% qui sont programmés à être analphabètes. Et plus tard, on dit que les 67% qui entrent en classe, initiative privée comme l’Etat, il n’y a que 50% qui arrivent à achever les 6 premières années. Sur les 50% qui arrivent au collège, il n’y a que 9% qui arrivent à l’université. Donc, il y a des abandons, chemin faisant. Les abandons scolaires impliquent automatiquement le désapprentissage. Ainsi, à ceux-là qui désapprennent, s’ajoutent aux premiers qui n’ont jamais mis pied à l’école, et c’est pourquoi nous sommes dans l’ordre de 65% d’analphabétisme aujourd’hui ; et c’est grave », déplore-t-il.

Parlant des causes de ces abandons, Emmanuel Lamine Touré pense qu’il n’y a pas de réflexions abondantes sur le système éducatif guinéen. « Il y a plusieurs causes, mais citons deux causes principales, la cause exogène et la cause endogène. Les causes exogènes, c’est le manque d’infrastructures ; ça, c’est connu de tout le monde et cela décourage ; et puis, il n’y a pas de réflexions abondantes sur le système éducatif et son intérêt pour la société. Et entre parenthèses, il faut noter que l’école, c’est la matrice, en tout cas dans les autres pays qui se sont développés. Ils ne se sont pas développés comme ça, dans le hasard ; non, ils ont misé sur une éducation de qualité pour tout le monde. Aussi, il n’y a pas d’informations suffisantes sur la qualification même du système éducatif pouvant encourager les gens à revenir, mais encore ceux qui sont formés n’ont pas de boulot. Je ne suis pas en train de dire que l’Etat qui doit créer le boulot, mais il doit former des gens qui peuvent prendre des initiatives eux-mêmes, c’est-à-dire créer leurs propres entreprises. Concernant les causes endogènes, c’est le manque de pédagogie, c’est-à-dire qu’il y a des enfants qui sont nés avec des difficultés pathologiques pour apprendre, il y a aussi une catégorie d’enfants qui ont des difficultés causées par l’environnement social, une famille détruite par exemple. Donc, ces phénomènes-là font que l’enfant est prédisposé à abandonner, s’il n’y a pas une personne qui a une connaissance là-dessus et qui, tout de suite, doit prendre des mesures adéquates pour aider cet enfant à avoir le minimum de connaissances. Donc, il y a tous ces éléments qui concourent à l’abandon scolaire », soutient monsieur Touré.

Pour combattre ce décrochage scolaire, notre interlocuteur propose des modèles pédagogiques qui devraient être adaptés au système éducatif guinéen. « En 2012, j’ai commencé à écrire un modèle pédagogique, j’ai fait le croisement du système éducatif de la Suède, du Danemark et de la Norvège, puis j’ai ajouté la Finlande, qui a aujourd’hui le meilleur système éducatif dans le monde, et j’ai fait une déduction. Alors, je me suis projeté dans l’avenir et j’ai compartimenté en promesses. Donc, j’introduis par la formation des enseignants sur le modèle pédagogique, mais qui a pour objectif de qualifier le problème pour rendre l’enseignement du programme national plus facile et plus diversifié. Donc, ça demande la formation des enseignants et des outils pédagogiques qu’il faut pour meubler les salles de classe. Et puis, c’est un modèle de recherche, où les enfants vont apprendre à rechercher la connaissance. L’enseignant qui vient donner des cours à une source, donc lui et l’enfant vont aller chercher la connaissance ensemble avec des questions d’orientation tout au long de l’apprentissage, 1er module, 2ème module et 3ème module et l’enchaînement des connaissances à l’intérieur des matières et aussi entre les matières. Par exemple, entre l’Histoire et les Mathématiques, il y a un petit lien, même si on ne voit pas tout de suite. Mais, que les enfants apprennent à voir cette relation qui existe entre les sciences. La découverte de ces relations-là permettrait à l’enfant de mieux maîtriser, d’atteler cette connaissance et l’apprivoiser », a indiqué Emmanuel Lamine Touré.

Mariama Barry pour Guineematin.com

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