Éprouvés par la vie, oubliés par la République : le cri de cœur des sportifs handicapés

Comme beaucoup de pays dans le monde, la Guinée dispose d’athlètes paralympiques, des porteurs de handicaps qui pratiquent le sport et devant participer à des concours internationaux. Mais, contrairement aux autres pays où le handisport est valorisé, bien que pratiquant le sport ‘’roi’’, l’équipe guinéenne de football pour les amputés a toujours du mal à participer aux compétitions internationales, organisées par la fédération internationale des sports en fauteuil et pour amputés. Depuis la création de l’équipe en 2008, elle n’a participé à aucune compétition, a appris un reporter de Guineematin.com qui s’est intéressé à ce sujet.

A la Bleuzone de Dixinn où l’équipe s’entraîne, le calvaire que traversent ces personnes en situation de handicap est flagrant. Le porte-parole de cette équipe d’athlètes amputés, Naby Bangoura, s’est confié à notre reporter.

« Nous ne parvenons pas à participer à ces compétitions pour la simple et bonne raison que nous ne sommes pas membres de cette organisation. Nous avons appris par le biais d’un athlète professionnel aveugle évoluant au sein de l’équipe de France, qu’il existe une fédération à l’image de la FIFA dédiée aux personnes diminuées. Depuis, on tente d’adhérer, mais on a aucun soutien de la part des autorités. De notre côté, nous avons fait tout ce qui est dans notre pouvoir pour obtenir un agrément et pour payer la caution, parce que la fédération demande une caution de 500 USD et quelques documents administratifs. Aujourd’hui, il y a des bonnes volontés qui nous viennent en aide de temps en temps. Une ONG vient tout juste de nous offrir le montant de la caution, mais ce n’est pas suffisant parce qu’il faut tenir compte des frais de transaction ».

Par ailleurs, M. Bangoura regrette le fait d’avoir raté certaines compétitions en Afrique.

« Nous avons manqué de participer à une compétition organisée à Accra en 2023 parce qu’on n’avait pas encore payé la caution. Et aujourd’hui, c’est la quatrième d’une compétition qui se joue en Egypte pour la qualification aux jeux paralympiques de Paris 2024, une autre occasion que notre équipe a ratée ».

Parlant des difficultés, Naby Bangoura a fait savoir qu’elles sont de divers ordres. « Les difficultés sont énormes. Il y en a beaucoup. Nous manquons de soutien à la fois financier et administratif de la part de l’Etat. Si vous prenez les béquilles qu’on utilise pour notre mobilité personnelle ou pour jouer, lorsqu’elles se cassent à l’entraînement, c’est à nous de les remplacer. Nous n’avons de terrain ni de moyens de déplacement ne serait-ce qu’un bus pour aller jouer un match avec les équipes de nos pays limitrophes. Nous n’avons même pas d’équipement. Ici, à la bluezone où nous venons nous entraîner, on paie l’accès. C’est à 20 000 GNF par joueur par mois pour nous, personnes handicapées… »

Mais la difficulté majeure qui assaille cette équipe est sans nul doute le fait de ne pas savoir à quel saint se vouer, selon son porte-parole. « Nous avons écrit plusieurs lettres au Ministère des Sports, à la Primature, à la Présidence et à la FEGUIFOOT. Mais à chaque fois que nous rencontrons une autorité, elle nous renvoie vers une autre. On nous fait un pingpong. Parce que si on part à la fédération, elle renvoie vers le comité national paralympique et vice-versa. En fait, nous avons l’impression que ni le Ministère en charge des Sports ni la fédération encore moins le Comité national paralympique ne veulent nous reconnaître. Surement, toutes les rencontres qu’ils nous accordent, ils acceptent juste par contrainte parce qu’à chaque rencontre, on nous fait beaucoup de promesses mais on ne voit rien. Ils nous reçoivent et prennent des photos avec nous mais après, aucun résultat. Récemment, nous avons été reçus par le Ministère du Sport qui nous a informés que nous relevons du Comité national paralympique ».

 En plus du football, un métier

« Parmi nous, il y en a plusieurs qui ont un métier parallèle pour assurer la subsistance. L’équipe n’est pas financée, donc si tu n’as pas une activité dans laquelle tu gagnes à manger, est-ce que cela va être facile pour toi d’avoir un maillot ou le transport pour venir s’entrainer ? », s’interroge notre interlocuteur.

A la question de savoir pourquoi pratiquer un métier, Naby Bangoura répond : « tout simplement parce qu’on ne veut pas être un poids pour nos proches ou être à la merci des gens. Vous savez très bien que se livrer à la mendicité n’est pas une activité digne. Lorsque tu le fais tu n’auras pas l’honneur. Certes, on a été amputé d’un membre mais, on n’a pas dit que si tu es diminué que tu peux rien entreprendre. C’est la tête qui réfléchit, ce ne sont pas les membres qui réfléchissent. Dans d’autres pays, il y a des handicapés qui entreprennent et qui réussissent, alors pourquoi pas nous ? C’est pourquoi nous avons décidé de travailler, étant issus tous des familles modestes, de se battre pour ne pas être à la merci des gens ».

 Un mécène ou un quelconque soutien financier ?    

« Nous nous débrouillons tout seuls. D’ailleurs, cela fait partie des difficultés qui handicapent le fonctionnement de cette équipe. Comme vous l’avez constaté, tout n’est pas là, on est une quarantaine d’athlètes mais par manque de transport, d’autres ne sont pas venus. La situation est difficile, avec la conjoncture, il y en a qui ne trouvent que peu à manger ; alors, ils ne viennent pas. Ceux-là, compte-tenu de la situation que le pays traverse, on les comprend. On se débrouille même pour satisfaire nos besoins les plus élémentaires. Ni le Ministère des Sports ni celui de l’Action sociale et des personnes vulnérables ne nous viennent en aide ».

Le porte-parole de l’équipe d’handisport lance un message aux autorités, particulièrement au Président Mamadi Doumbouya. « Nous lui demandons de nous aider, s’il n’a pas connaissance de l’existence de cette équipe, je lui apprends que nous existons depuis 2008. Malheureusement, nous n’avons participé à aucune compétition. Dans le football, l’Etat fournit assez d’efforts pour que l’équipe nationale. Le Syli national participe à toutes les compétitions mais pourquoi pas nous ou bien c’est parce qu’on est diminué ? Le Président doit nous aider à travers le Ministère des Sports et le Comité national paralympique afin qu’on puisse prendre part par à ces compétitions au compte de la Guinée. Nous, nous pouvons faire quelque chose pour cette nation. Tout ce qu’on lui demande, c’est un terrain de football, un moyen de déplacement et un petit financement. Qu’il fasse ce qu’il peut », a laissé entendre Naby Bangoura.

Toutes nos tentatives pour entrer en contact avec un dirigeant du comité national paralympique sont restées vaines. Notre reporter, qui s’est rendu au siège du comité, au stade du 28 septembre, a trouvé portes-closes.

 Issiaga Barry pour Guinéematin.com

Facebook Comments Box