Mamoudou Babila Keita à la barre : «  J’ai espéré me retrouver dans une juridiction de droit et non de croix »

Mamoudou Babila Keita, Directeur du site Inquisiteur.net

Accusé de « diffamation » par l’ancien ministre de la Justice, Alphonse Charles Wright, le journaliste et administrateur du site Inquisiteur, Mamoudou Babila Keita, a comparu devant le tribunal correctionnel de Mafanco hier, jeudi 20 Juin 2024. A la barre, le prévenu n’a pas reconnu les faits mis à sa charge. Et sa défense, Me Sidiki Bérété, a balayé d’un revers ses accusations, il s’est basé sur l’article 61 de la loi anti-corruption. Pour lui, le journaliste n’est pas poursuivable et il a demandé un renvoi pour apporter des preuves. La partie civile par contre a maintenu sa position et a souhaité en aucun moment recevoir de preuve vu que le délai de 10 jours est passé pour le faire, a constaté Guineematin.com à travers un de ses reporters.

C’est suite à la publication d’une enquête ciblant le ministère de la justice et des droits de l’homme sur le titre intitulé: « Parfum de corruption au ministère de la Justice » que le ministre Alphonse Charles Wright a porté plainte pour « diffamation » auprès du tribunal de Première instance de Mafanco. Le journaliste d’investigation Babila Keita avait été aussi suspendu par la HAC avec son site inquisiteur pour un délai de 6 mois.

Mamoudou Babila Keita appelé à la barre, les débats se sont ouverts sous forme de demande de renvoi par son avocat, Me Sidiki Bérété et soutien que son client n’est pas poursuivable.

« Je vous prie de renvoyer, d’ajourner pour des exceptions. Ce que je viens d’entendre, c’est grave. L’article préliminaire est clair, vous voulez jouer avec le droit de la défense, la citation est directe. C’est tout de suite que l’audience a commencé, aujourd’hui. Je vous fait savoir l’article sur l’anti-corruption, un journal d’investigation, lorsqu’il contribue à faire des révélations, il ne doit pas être censuré ni d’aucune poursuite ni d’arrestation. Je viens d’abord à partir de la constatation, il est protégé par l’article 63. Donc, il faut renvoyer à une semaine pour étudier les éléments fournis par la partie civile. Depuis la citation vous n’avez pas versé la caution. Je vous prie d’accorder une semaine pour prouver qu’il n’est pas poursuivable. Je demande sur l’article 451, l’article 28 et 64 sur le droit marché public, les 4 sociétés qui ont bénéficiés ce marché n’ont pas été en règle pour bénéficier des marchés. Ses deux entreprises ne sont pas reconnues à l’APIP. Pourquoi on attribue des marchés qui ne sont pas reconnus juridiquement en violation de l’article 28. Ce qu’il a dénoncé sur l’article 63 sur l’anti-corruption, il n’est pas poursuivable. La corruption étant justifiée, je vous prie de constater que ce qu’il a dénoncé est fondé. De préalable qu’on nous autorise d’apporter les preuves », a-t-il indiqué.

Les avocats d’Alphonse Charles Wright, à sa tête Me Lanciné Sylla, demande que les débats soient ouverts et que l’article 63 sur la loi anti-corruption n’a rien à avoir avec la diffamation.

« Nous venons de suivre la première raison la citation directe a été servie à Monsieur Mamoudou Babila Keita depuis le 26 Avril 2024. Pour une audience de 30 mai, il a eu suffisamment le temps pour se préparer, mais il ne l’a pas fait, les frais ont été payés. Les pièces dont on fait état, les pièces qu’on a servies, on a l’arrêté disciplinaire pris par la HAC, il y a un communiqué publié sur sa page Facebook. En la matière, l’article 137 est clair : il se trouve que le tribunal doit statuer dans un délai de 30 jours. Est-ce qu’en accordant un renvoi d’une semaine ça peut tenir ? Nous demandons de rejeter cette demande. L’article 136 de la liberté de presse est clair, c’est parce qu’en réalité il n’y a pas de preuve. C’est un renvoi qui n’est pas opportun. D’ailleurs, aucune preuve n’a été versée dans le dossier. L’existence des preuves, même s’il existerait des éléments de preuve, il n’a plus le droit de vous admettre ses éléments de preuves. Après, qui parle d’enquête parle des éléments de preuve. La défense fait état de l’article 63 sur l’article anti -corruption. La révélation doit être faite sur la base des preuves. L’article 135 est clair sur la loi de la liberté de la presse, notre client a élu domicile à Mafanco. Le prévenu a eu 10 jours, à compter du 26 jusqu’au 03 de procéder à la signification, et nous notifier les preuves. Il ne l’a pas fait. À cette phase on ne peut plus produire de preuve. 10 jours de délai pour prouver les faits de corruption. Il ne peut plus s’abriter à l’article 63. On pouvait en discuter s’il avait fourni la signification. Nous ne sommes pas là pour une histoire de corruption, nous sommes ici parce qu’il a tenu des propos à caractère diffamatoire par voie de presse. Si au niveau de la HAC on nous avait déposé des preuves, on ne serait pas là. Les exceptions pour lui de ne pas faire juger Babila devant vous, nous avons compris », a défendu la partie civile.

Le Ministère public, de sa part, demande que l’article 63 sur la loi anti-corruption soit écarté et que le prévenu apporte ses preuves.

« Monsieur Babila comparaît pour des faits très précis de diffamation par voie de presse. Je me demande qu’est-ce que la corruption a fait dans cette affaire. On va essayer d’être serein et parler des faits qui sont reprochés. Les arguments avancés par la défense pour la corruption ne sont pas tenables. On va chercher les éléments d’appréciation, nous sommes en matière pénal, le ministère public a besoin que ses faits soient démontrés. Lorsqu’il s’agit d’une diffamation par voie de presse reprochée par un professionnel, les débats doivent porter sur les textes. Il dit qu’il peut mettre à votre disposition. Nous sommes là pour que justice soit faite », a-t-il dit.

Le tribunal a rejeté la demande de renvoi et a ouvert les débats. Suite à cette décision, Me Bérété a déserté la salle d’audience.

A la barre Mamoudou Babila Keita, journaliste à Hadafo média et administrateur du site inquisiteur, ne reconnaît pas les faits et s’appuie sur ses éléments de preuve.

« Je voudrais réitérer ce que nous avons écrit dans cet article, nous les maintenons sur le parfum de corruption autour du ministère de la justice… D’où est partie la motivation ? Le ministre Alphonse Charles Wright a enjoint aux procureurs sur les passations des marchés publics depuis le 05 Septembre dans tous les départements. Nous nous sommes dits que le ministre est de bonne foi, on va l’aider dans son travail. Nous sommes parvenus à mettre la main sur un certain nombre de dossiers, on a commencé par le ministère de la justice. Vous prenez le code de marché, l’appel d’offre est la règle. Quand il y a violation constatée du code des marchés publics. On parle de la sanction de la HAC, je suis à ma première convocation. Babila on l’en veut parce que c’est lui qui est là à vouloir mettre tout sur la place publique. On a commencé à mettre sur la place publique un marché au palais du peuple par la présidence et ça a secoué. La HAC même était visée par notre équipe d’enquêteurs. Babila n’est pas un sorcier, c’est parce que nous avons des renseignements, je le dit clairement, j’avais l’information que j’allais être suspendu par la HAC avant même que la décision ne tombe. J’ai adressé un mémo dans la matinée à la HAC et la décision est tombée le même jour. À l’attention des avocats de la partie civile, cette décision nous l’avons attaquée à la cour suprême. Je crois en la justice que vous présidez ici et en la justice divine. Les marchés autour desquels nous sommes convoqués, il y a des faits gravissimes. Une institution dont les membres disent qu’ils ont menti, quel crédit faut-il accorder ? Je mets quiconque au défi, les avocats de la partie civile, de nous prouver que les 4 entreprises existent à l’APIP, à la caisse nationale. Wagé et belgo y sont aux impôts, c’est les deux autres qui sont ECM SARL, Walgo ne sont ni à l’APIP, ni à l’impôt et on leur attribue aux marchés de milliards, des entreprises de commerce général. C’est pour servir ce pays que nous prenons des risques. Ma vie est en danger, on me pourchasse comme un être vulgaire, nous en tant que journaliste, c’est ce que nous faisons. Dans ce marché, on nous parle de construction, rénovation, extension alors que la réservation du ligne de crédit n’est qu’une seule. J’ai espéré me retrouver dans une juridiction de droit et non de croix. Le ministre est cité dedans en tant qu’autorité contractante, le ministère est l’ordonnateur. Au cours de l’enquête, on avait tenté de l’avoir pour confronter nos éléments avec ce qu’il va nous dire, mais sans succès. Les structures financières ne dépensent pas sans l’avis du ministre. Au moment où on m’a informé de cette plainte du ministre Alphonse Charles Wright, j’étais en cours de route pour l’intérieur du pays, mon papa avait eu une intervention chirurgicale. Je ne sais pas comment la justice fonctionne, sinon j’ai toutes les preuves et je peux vous les fournir », s’est-il défendu.

Les avocats de la partie civile n’ayant pas de questions pour l’accusé, le Président du tribunal a mis fin au débat et a annoncé les réquisitions et plaidoirie le 27 Juin 2024.

Ismael Diallo pour Guineematin.com

Tel : 624693333

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