Torture en Guinée : à quoi servent le ministère et l’institut des droits de l’Homme ?

Mamady Kaba, président de l'INIDH
Mamady Kaba, président de l’INIDH

L’audace et probablement aussi le refus de cautionner la barbarie a poussé un agent de la Brigade anti criminalité (BAC) de filmer et distribuer une horrible scène de torture exercée sur un présumé malfaiteur par l’unité numéro 8 de Kakimbo, dans la commune de Ratoma. La vidéo qui a été réalisée sur place le dimanche 13 mars 2016 a finalement été partagée sur le réseau social Facebook par un certain Moussa Thiegoro Kaba

Pression de la communauté internationale

Déjà très critiqué sur le plan national et international pour sa justice partiale et partisane, le gouvernement guinéen a été poussé à se démarquer (théoriquement) des agents coupables de cette torture ; une pratique dégradante condamnée dans le monde moderne. Dans une déclaration publiée ce dimanche, 24 avril 2016, le gouvernement a promis de mener des enquêtes et de punir les coupables.

Mais, les premières « enquêtes » se dirigent pour le moment vers l’auteur du filmage ; alors que le lieu a été formellement identifié et les responsables également. Mais, au lieu d’être « interrogés » sur cette pratique d’une autre époque, les responsables de l’unité de la BAC cherchent à identifier l’agent (parmi les six présents au moment des faits) qui a dû filmer la scène… Faut-il craindre une purge au niveau de cette unité ?

Mais, à quoi servent le ministère et l’institut des droits de l’Homme en Guinée ?

Khalifa Gassama Diaby, ministre de la Citoyenneté et de l'Unité nationale
Khalifa Gassama Diaby, ministre de la Citoyenneté et de l’Unité nationale

Comme on le sait, l’injustice est presque devenue la règle dans la Guinée d’aujourd’hui. Il y a moins d’une semaine, les femmes de l’opposition ont cherché, en vain, à manifester contre ce qu’elle ont nommé l’injustice et l’impunité ! « Injustice », dénonçaient-elles en parlant d’une justice devenue très regardante de la couleur politique du bourreau ou/et de la victime pour agir ou pas… Et, dénonçant l’impunité, les opposantes ont fustigé la garantie de la répétition des crimes assurée en accordant une totale impunité aux criminels qui ont souvent visé, tiré et tué des manifestants non armés qui exerçaient un droit constitutionnel de manifestation. Mais, les manifestantes ont elles-mêmes été empêchées de marcher, alors qu’elles avaient une « autorisation » délivrée par la mairie de Kaloum, lieu de la manifestation.

Que dire des anciens dirigeants du pays (Moussa Dadis Camara, Sékouba Konaté…), journaliste (Mandian Sidibé) et autres forcés de vivre en exil dans un régime dit démocratique ?

Pourtant, dans ce pays où tout semble dépendre de l’appartenance politique de la victime ou/et du bourreau, il y a une kyrielle de lois, de structures administratives et institutionnelles qui se réclament de protection des droits de l’hommes et qui bénéficient d’ailleurs d’importants soutiens (y compris financiers) pour… ne rien faire !

Même qu’un ministère est spécialement créé pour les Droits de l’Homme et des Libertés ; avant de se muer en Département de la Citoyenneté et de l’Unité nationale (sérieux) ! Que dire de l’institut national des droits de l’Homme qui, dans d’autres pays, s’occupe effectivement de ces droits et protège les citoyens face au pouvoir et ses démembrements oppresseurs ?

Enfin, après six ans à la tête du pays, on est en droit de nous interroger sur les quarante années de promesses du professeur Alpha Condé. Est-ce que c’est réellement pour une telle gouvernance que le champion du RPG nous avait promis ? Qui pouvait imaginer que la Guinée sous le magistère du « professeur Alpha Condé » allait se porter moins bien (sur le plan économique, respect des droits de l’Homme, liberté, démocratie, etc.) que sous le règne du général Lansana Conté ? A quand le retour chez eux des Moussa Dadis Camara, Sékouba Konaté et autre Mandian Sidibé ?

Quand est-ce que les Guinéens pourront avoir les mêmes chances, la même justice… et des autorités incarnées par des hommes et des femmes soucieux de l’avenir du pays et de ce que l’Histoire retiendra d’eux ?

Nouhou Baldé 

Facebook Comments Box