Réclamation de la paternité du Conseil National du patronat Guinéen par Mohamed Habib Hann : la vérité des faits

Mohamed Habib Hann

Hier, lundi 21 mars 2022, Mohamed Habib Hann a animé une conférence de presse à son siège, à Kaloum, pour réclamer la paternité du CNPG. Qu’en est-il en réalité ? Le patronat guinéen est la structure formalisée regroupant les opérateurs économiques, hommes d’affaires et chefs d’entreprises du pays, portée par des fédérations elles-mêmes structurées à la base et permettant à ses responsables d’être des interlocuteurs de l’Etat et autres partenaires dans le secteur privé.

En Guinée, le patronat a vu le jour sous le régime libéral du Général Lansana Conté et grâce au génie d’Elhadj Mamadou Bobo Bah, communément appelé Bobo Loppy ou Super Bobo. Avec son flair, son talent et son intelligence pour les affaires, Bobo Loppy tira cette idée de ses relations avec Bemba Saolona, alors Président du patronat de l’ex-Zaïre, actuelle RD Congo, pour venir en Guinée proposer aux autorités et opérateurs économiques de mettre en place le Conseil national du patronat guinéen (CNPG). Au Palais du peuple, le jour des élections, Elhadj Boubacar Hann, alors opérateur économique et surtout transporteur, a mobilisé chauffeurs et coxers pour s’imposer sur l’initiateur de la structure. L’opposition au sein du CNPG est née depuis ce jour. Elhadj Mamadou Bobo Bah décida alors de prendre sa revanche et alla proposer son soutien à l’homme d’affaires Elhadj Mamadou Sylla, devenu patron de Futurelec Holding. Bénéficiant de l’appui du système d’alors, Elhadj Mamadou Sylla reprend le contrôle du patronat guinéen ; bien sûr non sans avoir tiré profit du contentieux familial qui opposait le Général Lansana Conté à Elhadj Boubacar Gallé Hann à la veille du 3 avril 1984.

Devenu puissant et plus captivant, le CNPG a fait naître des appétits chez les intellectuels opérateurs économiques qui y ont adhéré en nombre et manifesté leur désir d’accéder à sa tête.

C’est ainsi qu’avec les déboires judiciaires de Mamadou Sylla et Fodé Soumah, jetés en prison puis libérés par Lansana Conté suivis des manifestations historiques de janvier février, ces jeunes à la tête desquels on notait la présence de El Hadj Youssouf Diallo, décidèrent de débarquer Mamadou Sylla de la tête du CNPG.

Au finish, Youssouf Diallo sera  coopté dans le gouvernement de large consensus d’Ahmed Tidiane Souaré, laissant la voie libre au patron de Futurelec Holding, pour la direction du CNPG.

De son côté et devant la légitimité de Mamadou Sylla jusqu’à l’OAPI, un autre groupe créa la CPEG sous la direction de Hadja Niouma Traoré. Avec le  décès du Général Lansana Conté et l’arrivée du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) au pouvoir sous la direction du Capitaine Moussa Dadis Camara, l’homme de Dixinn Bora n’abdiquera jamais.

Après cette parenthèse et le choix de Mamadou Sylla d’aller en politique, des vrais hommes d’affaires avec le retour à l’ordre constitutionnel du pays et pour accompagner la reprise économique de la Guinée, ont décidé de réformer le patronat et de confier sa direction à un des leurs, en l’occurrence Ansoumane Kaba dit Kaba Guiter après des élections régulières auxquelles Habib Hann participa en qualité de président de l’association des assureurs de Guinée, effectuées en 21/4/2016 à l’hôtel millenium.

Dans la foulée, deux autres structures seront également sur le terrain, à savoir la confédération patronale des entreprises de Guinée (CPEG) dirigée par Hadja Niouma Traoré et le Patronat de Guinée (PAG) placé sous la présidence d’Ismaël Kéïta.

C’est après cette élection sommes toutes régulières et ayant entretemps perdu son titre de président de l’association des assureurs, que Mohamed Habib Hann se proclama président du CNPG, usurpant ainsi le titre détenu par un autre depuis les élections de 2016.

Ansoumane Kaba, PDG de Guiter SA

Après les évènements du 5 septembre, le Président de la transition, le Colonel Mamadi Doumbouya a inscrit parmi ses priorités la refondation de l’Etat et le renforcement de l’unité nationale. Il a demandé et insisté sur l’unité patronale pour mieux accompagner le secteur privé et permettre à l’Etat de réussir dans ses efforts de développement. Ainsi, le CNPG, la CPEG et le PAG ont répondu favorablement à cet appel. Avec l’implication du département du commerce, de l’industrie et des PME, ils ont décidé de s’unir et de former un seul corpuscule. Les trois organisations ont porté leur confiance à l’homme d’affaires Ansoumane Kaba dit Kaba Guiter pour présider aux destinées du Patronat unifié. Et ils ont enjoint aux responsables des trois organisations de se mettre ensemble et de réunir les acquis obtenus au compte de la nouvelle structure patronale.

Le 15 mars dernier, les opérateurs économiques réunis pour rencontrer les membres du Conseil national de la transition (CNT), ont officialisé cette information et pris l’engagement de travailler ensemble et étroitement à la réussite de la transition. A date, il ne reste plus qu’à dévoiler le nom de la nouvelle organisation et de rendre public les orientations du patronat guinéen dont les principales préoccupations restent la création d’emploi, le respect et la promotion du contenu local, le paiement de la dette intérieure et l’amélioration du code foncier rural. Une vision largement partagée par l’Etat et les hommes d’affaires qui n’entendent pas se faire distraire par des querelles intestines et de lutte de basse classe.

Pour finir, que dire des entreprises dont se réclame le sieur Mohamed Habib Hann ?

Quand même, il faut lui reconnaître cette honnêteté intellectuelle de n’avoir ni créé, ni géré une entreprise par lui-même. Les nombreuses entreprises qu’il a énumérées lors de la conférence de presse animée dans la journée du 21 mars 2022, sont, selon lui, fondées par son papa et gérées à date par la famille. D’ailleurs, elles sont combien à être confrontées à des contentieux et dont certains dossiers sont pendants devant les juridictions ? S’il peut se permettre de se réclamer comme chef d’entreprise à travers l’héritage de son père, il n’est nullement possible de le faire pour le patronat. Le Conseil national du patronat guinéen (CNPG) n’est pas un patrimoine familial, ce n’est pas un bien privé ou personnel, ce n’est pas un jouet pour enfant, si non, le porteur d’idées, encore en vie, Elhadj Bobo Loppy, serait à sa tête. Mais loin de tout cela, le CNPG est un outil de développement, mis en place par le secteur privé pour contribuer à l’essor économique du pays. Si demain M. Mohamed Habib Hann veut se porter candidat pour la présidence du CNPG, il ne le lui sera pas interdit. Seulement, il faudra remplir au moins un des critères connus d’un homme d’affaires sérieux. Celui d’avoir son entreprise régulièrement créée, opérationnelle et disposant véritablement les arguments économiques pour contribuer au développement du pays. Si ce n’est pas le cas, ce sera trop tard, même si on vote 100 fois, il ne sera ni électeur, ni éligible. Puisque le patronat, même avec un seul opérateur économique crédible, ne sera jamais abandonné dans les mains d’un fils à papa. Fut-il mandingo, comme il se réclamait au cours de sa conférence de presse . A bon entendeur salut !

Par Thierno Souleymane Diallo

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