Guinée : Aboubacar Camara (URTELGUI) interpelle le CNRD sur les difficultés des radios et télé privées

Aboubacar Camara, président de l'URTELGUI

Célébrée chaque année, la journée du 3 mai, journée internationale de la liberté de la presse, est l’occasion pour les hommes de médias de sensibiliser les pouvoirs publics mais aussi les autres citoyens sur l’importance de la liberté de la presse. Cette année, elle est célébrée en Guinée sous le thème « le journalisme sous l’emprise du numérique ».

En prélude à cette célébration, un reporter de Guineematin.com a donné la parole au président de l’Union des radios diffusion et télévisions libre de Guinée (l’URTELGUI). Aboubacar Camara en a profité pour interpeller les autorités sur les difficultés auxquelles les radios et télévisions sont confrontés pour leur installation.

Décryptage !

Guineematin.com : nous sommes à quelques jours de la célébration de la journée internationale de la liberté de la presse. Quel est l’état des lieux de l’exercice de cette profession dans le monde et particulièrement dans notre pays ?

Aboubacar Camara : l’exercice du métier de journaliste en république de Guinée s’est toujours heurtée à des difficultés. Le parcours a été parsemé d’embûches. Qu’à cela ne tienne, les hommes de médias que nous sommes, nous parvenons toujours à tenir l’étendard à travers les différentes actions posées sur le terrain, faire en sorte que le rôle dévolu à la presse dans le monde et en particulier en Guinée puisse être connu de tous et que tous les acteurs sociaux soient sensibilisés à cet effet parce que ça n’a jamais été facile dans la quasi-totalité des pays au monde. La presse a toujours eu des difficultés dans son exercice parce que tout simplement elle parle des choses qui dérangent, elle parle des choses que le pouvoir public ou les acteurs sociaux ne voudraient pas entendre. Ce sont tous ces éléments qui font qu’elle est mal perçue par ces gens-là alors que le monde reconnaît la valeur intrinsèque de cette corporation qui est celle de pérenniser la démocratie.

Pour vous comment se porte l’exercice du métier depuis l’avènement de la junte au pouvoir le 5 septembre 2021 ?

C’est vrai que quand le CNRD venait d’arriver au pouvoir, la presse dans son ensemble avait du mal à accéder aux informations, notamment dans les cérémonies officielles où la presse privée était carrément mise à l’écart. Une situation que nous avons eu à dénoncer d’abord auprès du colonel Mamadi Doumbouya, mais aussi quand on a rencontré le président du Conseil national de la transition (CNT). De ce côté, je pense que les efforts commencent à être faits dans ce sens et nous osons croire que cela va aller crescendo, même si le tableau n’est pas totalement noir. Il n’y a pas eu de violence ciblée ces derniers temps contre les journalistes, comme on l’a connu par le passé avec les autres régimes. Je crois que la junte fait de son mieux pour éviter, mais toujours est-il que dans les rangs, il y a les éléments indélicats qui ne comprennent pas le bon sens et la trajectoire qu’il faille prendre. C’est dans cet ordre d’idée que nous avons enregistré quelques bisbilles. Mais nous l’avons dit, la transition, ça réussite dépend de 60 à 70% de la presse.

Le ministère de l’information et de la communication a décidé de s’inviter dans l’organisation des festivités du 03 mai de cette année 2022. Eux qui auraient dû être votre cible, est-ce que vous ne redoutez pas une sorte d’échec de vos objectifs visant à sensibiliser les pouvoirs publics, y compris le ministère de tutelle ?

Il y a un certain nombre d’activités qui a été prévu par le ministère. Nous, on a été associés en tant qu’association de presse, mais il y a quelques couacs. Parce que quand on dit le pouvoir public, le ministère de l’information et de la communication fait partie. Donc, la journée mondiale de la liberté de la presse est une journée au cours de laquelle on doit justement sensibiliser les pouvoirs publics pour leur dire attention, il y a des situations qui ne permettent pas aux hommes de médias d’exercer librement leur travail. Quand on parle de la presse, c’est à la fois la presse publique et privée et on sait que la RTG et les autres médias d’État relèvent exclusivement du ministère de l’information et de la communication. Donc, il ne faudrait pas qu’il y ait une espèce de caporalisation de la célébration de cette journée au cours de laquelle les gens doivent dénoncer. Cette relation trop fusionnelle ne relève pas des prérogatives du ministère. Le ministère doit avoir un rôle d’accompagnement pour l’organisation de cette journée, pour permettre aux hommes de médias à travers les différentes associations des différents médias de célébrer dignement à l’instar des médias du monde et de dénoncer comme cela se doit. Très souvent, quand y a la fête du 3 mai, c’est nous (association de presse) qui invitons les autorités à venir dans notre tanière pour que nous leur parlions de ce qui ne va pas à notre sein au lieu que ça soit le contraire. Nous, on est en train de travailler sur notre déclaration parce que c’est ce qu’on a toujours fait. Ça va être une déclaration conjointe de toutes les associations de presse dans laquelle nous allons retracer les différentes tares de l’exercice du métier de journaliste dans notre pays.

Vous êtes à la tête de l’URTELGUI depuis plus d’un an. Quelles sont les difficultés auxquelles sont confrontés les promoteurs des radios et télévisions en Guinée ?

Aujourd’hui il faudrait qu’on permette aux médias d’avoir la possibilité de s’installer sur tout le territoire national pour que la population, de Conakry à N’zérékoré, puisse avoir l’information en temps réel pour contribuer à l’émergence de la Guinée. Cela doit se faire en permettant justement aux radios, aux télés et aux sites internet de s’élargir. Par exemple, les radios et télés sont bloquées. Si vous avez une fréquence à Conakry si la radio est commerciale, on vous dit que c’est 1000 watt, c’est-à-dire Conakry et périphérie. Si vous voulez aller à Kindia et autres, vous payez une autre redevance. Vu l’importance du métier, cela ne permet pas à ce qui y ait des bailleurs qui puissent venir payer des milliards pour s’étendre sur le territoire. Alors, que quand vous partez sur les sites internet, vous ne payez pas l’argent pour lire, c’est gratuit. Quand vous écoutez un poste radio… déjà l’information que nous portons est gratuite pour les populations. Maintenant, si pour installer ça, on nous fait payer des taxes énormes auxquelles on ne peut pas faire face… Et, on vient de constater récemment qu’il y a une augmentation vertigineuse du prix des redevances. On passe de 15 millions à 150 millions par an, mais ce n’est pas possible. Si l’État mesure l’impact de la presse sur les populations, je crois que l’État doit revoir de façon considérable ces redevances que nous payons. Aujourd’hui, toutes les radios sont endettées… Peut-être que ces radios et télés vont être fermées comme ce fût le cas en 2017 quand Alpha Condé et son gouvernement, à travers l’ARPT, avaient décidé de fermer les radios qui n’avaient pas leur compte de l’ARPT à jour. On avait vu ce que ça a fait comme drame dans le pays.

Quel appel à l’endroit des autorités, surtout à la junte au pouvoir, pour la promotion de l’accès à l’information et à la liberté d’expression ?

Je voudrais m’adresser premièrement au président de la transition. La presse a une histoire particulière avec les militaires qui se sont succédés au pouvoir. Il y a d’abord le Général Lansana Conté qui a libéralisé les ondes, il y a le Capitaine Dadis qui a augmenté de façon considérable la subvention des médias qui a donné aussi trois lois majeures qui gouvernent aujourd’hui la presse : vous avez la L002 sur la liberté de la presse, la L0012 ou 13 sur la haute autorité de la communication et la L037 qui est la loi d’accès à l’information publique. Toutes ces lois ont été obtenues en faveur de la transition de 2010 et, aujourd’hui nous sommes dans une nouvelle transition. C’est pourquoi nous ne cessons de lancer l’appel au président Mamadi Doumbouya. Il faudrait qu’il pense à la presse. La presse joue son rôle et elle a toujours joué son rôle. C’est pourquoi jusqu’à date le pays tient, malgré les soubresauts.

Propos recueillis par Malick Diakité pour Guineematin.com

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