Samedis d’assainissement : Hadja Aye Bobo Barry salue l’idée et désapprouve la stratégie mise en place

Hadja Aye Bobo Barry, ancienne adjointe gouverneur

Depuis le 23 juillet 2022, le ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation (MATD) a institué le 1ersamedi de chaque mois comme une journée d’assainissement sur toute l’étendue du territoire national en Guinée. Mais, après plus de 3 mois d’assainissement, beaucoup de personnes estiment qu’il faut laisser cette tâche au gouvernorat de la ville de Conakry et les mairies pour une meilleure gestion des ordures. C’est le cas de madame Aye Bobo Barry, ancienne secrétaire générale chargée des affaires sociales et culturelles de la ville de Conakry et adjointe du gouverneur de la ville de Conakry, qui demande qu’on « rende à César ce qui est à César ». Elle l’a dit hier, vendredi 04 novembre 2022, lors d’un entretien qu’elle a accordé à un reporter de Guineematin.com à Conakry.

D’entrée de jeu, madame Aye Bobo Barry (qui a travaillé au gouvernorat de Conakry de 1978 à 1998) a tenu à préciser que les journées d’assainissement n’ont pas commencé avec le CNRD (comité national du rassemblement pour le développement). Elle a indiqué que cela a été fait à son temps avec une meilleure coordination entre le gouvernorat et les différentes mairies de Conakry.

Hadja Aye Bobo Barry, ancienne SG chargée affaires

« Je pense que c’est une bonne chose, mais j’entends les gens dire que c’est la première fois que des journées d’assainissement sont organisées. Ce n’est pas vrai. En 1980, nous nous avions déjà une campagne d’assainissement de la ville de Conakry, mais c’était chaque quinzaine et les dimanches qu’on organisait ces campagnes d’assainissement. Et, ces campagnes d’assainissement se faisaient au niveau de toute la ville. Mais, ce qui est peut-être différent de ce qui est organisé aujourd’hui, il faut que les gens sachent se souvenir. Peut-être que certains n’étaient nés, mais il ne faut pas qu’ils disent que c’est la première fois que ceci est fait ou que c’est la première fois que cela est fait. Au niveau de Kaloum par exemple, il y avait des équipes qui étaient organisées (Conakry 1, 2 et 3) ; et, à l’époque, Conakry était scindée en 10 arrondissements et cela permettait à la ville de Conakry de situer par exemple ce qu’on appelait à l’époque les points noirs. C’est-à-dire partout où il y avait des saletés qui se regroupent quelque part, immédiatement le gouvernorat était saisi. Et, le gouvernorat était organisé de telle façon que le gouverneur avait en quelque sorte sous lui 4 secrétaires généraux (secrétaire général des affaires sociales et culturelles, et l’assainissement faisait parti de ses attributions, il y avait le secrétaire général chargé des finances, il y avait celui chargé du développement rural et un autre chargé des infrastructures). Le gouverneur avait donc ces 4 pieds qui fonctionnaient ; mais, au niveau du secrétaire général chargé des affaires sociales et culturelles qui relevait de moi, je m’occupais entre autres des services d’assainissement. Le gouvernorat de la ville de Conakry, essentiellement ses activités, c’est l’assainissement de la ville de Conakry », a-t-elle indiqué, tout en précisant que l’assainissement doit concerner tous les citoyens où qu’ils se trouvent. 

Par ailleurs, Mme Aye Bobo Barry fait savoir qu’en son temps, le gouverneur, encore moins les ministres, ne partait ramasser les ordures. Et, elle estime qu’aujourd’hui il y a plus de moyens mis à disposition, notamment dans les ministères pour l’assainissement. Mais, s’ils ne sont pas envoyés au niveau du gouvernorat, ça ne marchera pas.

« C’est maintenant que je vois des ministres quitter leurs bureaux pour aller ramasser des ordures. Nous, on a jamais fait ça, même le gouverneur à l’époque restait au bureau lors des deux jours d’assainissement pour qu’à chaque fois que les gens sortaient et voyaient quelque part où c’était difficile qu’on lui répercute la chose, il essayait directement de régler ce problème. Mais, ce qui a changé aussi, c’est que les moyens de l’assainissement sont dispersés, tous les ministères ont un service d’assainissement et les moyens sont à gauche et à droite. Et, la gouverneure de la ville de Conakry, j’ai l’impression, est là à tourner, elle ne maîtrise pas toute la situation des services d’assainissement. Tant que les services d’assainissement, les moyens de l’assainissement ne reviendront pas au niveau du gouvernorat de la ville de Conakry qui aura en quelque sorte la direction de ces services, nous continuerons à patauger, à distribuer de l’argent à gauche et à droite. Chaque fois qu’il y a assainissement comme les samedis, ils vont distribuer des moyens, acheter du matériel pour remettre aux gens qui sont dans la rue et finalement ces moyens vont servir pour une journée sans résultats en fin de compte », a-t-elle expliqué.

L’ancienne adjointe du gouverneur est aussi revenue sur la façon dont les activités d’assainissement étaient organisées avec plusieurs services à son époque, en dehors des journées dédiées au nettoyage de la ville Conakry.

« Ce que j’ai fait en dehors de ces deux journées d’assainissement organisées chaque quinzaine, nous avions en quelque sorte un garage qui était à Coronthie (…) et qui était bien organisé avec un directeur, un ingénieur que le garage du gouvernement nous avait passé. Mais, quand je suis passé dans ce garage, il n’y avait que des badauds, des vendeurs du n’importe quoi, des herbes à gauche et à droite. Donc, en dehors de ce service du garage, il y avait les sapeurs-pompiers qui avaient un pied à la sécurité et un autre pied au niveau du gouvernorat, parce que tous les camions vidangeurs, chargés de récupérer toutes les saletés dans les fossés septiques, dans les fossés, dans les caniveaux étaient des camions du gouvernorat, mais qui étaient parqués au niveau des sapeurs-pompiers. Et, le commissaire des sapeurs-pompiers avait aussi un compte rendu à faire au niveau du gouverneur à chaque fois qu’on avait une réunion hebdomadaire. Mais, en attendant cette réunion, j’avais une autre avec mon service technique où il y avait ce commissaire, un ingénieur que les TP nous avait prêté pour s’occuper des curages des fossés (des eaux pluviales et les eaux usées). Il y avait une unité de drainage pour le ramassage (collecte des déchets) dans la ville et de l’évacuation de ces ordures-là vers le dépotoir. Et ce qui était intéressant, c’est que chacun de ces services-là avaient des manutentionnaires au service du gouvernorat, mais qui n’étaient pas des fonctionnaires. Chaque matin ils venaient et on constate leur présence ; et, les camions qui étaient là-bas aussi étaient connus. Il y avait des camions qui étaient affectés au niveau de Conakry 1, Conakry 2 et à Conakry 3 pour le ramassage des ordures. Chaque fois qu’on nous signalait un point noir (des saletés regroupées quelque part), parce qu’on avait un numéro où les gens pouvaient nous appeler, on rendait responsable l’équipe de la zone… Mais, à l’heure actuelle, allez dans les communes, vous n’en trouverez pas. Et, c’est pourquoi je dis quelque part que l’assainissement est en train d’être banalisé, parce que vous savez chez nous, tout nouveau tout beau. Le président de la junte a lancé l’idée qu’il faut l’assainissement, il a pris la pelle pour montrer qu’il faut que tout le monde aille à l’assainissement. C’est une bonne chose ; mais, rendons à César ce qui est à César, rendons au gouvernorat les prérogatives du gouvernorat. L’assainissement doit être essentiellement fait par le gouvernorat et les communes en dehors de toutes leurs autres activités », a-t-il réitéré.

Selon Hadja Aye Bobo Barry, il faut que le gouvernorat et les mairies aient des manutentionnaires à leur disposition pour pouvoir mener à bien leur travail.

« Je souhaiterais qu’on rassemble un peu les divers moyens qui tombent à gauche et à droite dans l’assainissement et qui ne servent pas à grand-chose. Parce que la campagne dont on parle peut-être que ça réussit un jour ; mais, si vous avez remarqué, petit à petit les gens se désintéressent. Il faut chercher des manutentionnaires que le gouvernorat paie, que les communes paient, qui sont à leur disposition et qui nettoient la ville, qui ramassent les ordures parce qu’ils seront payés pour ça. Que le gouverneur et les maires aient la main mise sur ces gens. Autrement, chaque 2 semaines que les gens viennent faire semblant de travailler, je ne pense que ça va apporter grand-chose », a conclu l’ancienne secrétaire générale chargée des affaires sociales et culturelles.

Mamadou Yahya Petel Diallo et Ibrahima Bah pour Guineematin.com

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