Affaire du 28 septembre : témoignage de Sény Lamah, l’épouse de l’accusé, Cécé Rafael Haba

Quelques jours après le passage de Cécé Rafael Haba devant le tribunal criminel de Dixinn, délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry, qui juge le dossier du 28 septembre 2009, son épouse aussi s’est fait entendre. Dans un entretien qu’elle a accordé à Guineematin.com, ce mercredi 16 novembre, Sény Lamah est revenue notamment l’attaque de son domicile après que Toumba Diakité eut tiré sur Dadis Camara et sur sa vie avec ses enfants depuis l’arrestation de son mari.

Pour commencer, Mme Haba a tenu à préciser que son mari ne s’est pas rendu au stade du 28 septembre de Conakry, où a eu lieu le massacre pour lequel il est en train d’être jugé après 13 ans de détention préventive. Selon elle, le 28 septembre 2009, Cécé Rafael Haba était à côté d’elle dans une clinique à Yimbaya.

Sény Lamah, épouse du Capitaine Cécé Raphaël Haba

« Il était à côté de moi ce jour-là. Ma grossesse était très avancée, je pensais que j’allais même accoucher ce jour-là. Je suis allée informer sa tante et celle-ci a appelé mon mari au téléphone, il nous a dit d’aller à la clinique en attendant, il nous rejoint là-bas. Ce qui fut fait. Il est allé nous trouver à l’hôpital à 7 heures du matin. Il s’est même endormi là où il était assis, parce qu’il venait du travail et il avait sommeil. J’ai dit au docteur de le réveiller, il va rentrer se reposer. Mais, le docteur s’est mis à rire, il m’a dit de le laisser là-bas jusqu’à ce que je finisse mon traitement, parce qu’ils ont constaté que je ne devais pas accoucher ce jour-là. Et quand j’ai fini, on est rentrés directement à la maison et il s’est couché pour dormir », a expliqué Sény Lamah. 

Elle ajoute que sa vie a basculé après le 3 décembre 2009, le jour où Toumba Diakité a tiré sur le capitaine Moussa Dadis Camara. Cécé Rafael Haba, qui était le garde rapproché de Toumba, a été interpellé et son domicile attaqué par des militaires.

« Ils sont venus chez nous le 4 décembre 2009, alors que je venais juste de donner naissance à une fille. J’étais dormais avec le bébé, quand ils sont arrivés. Au début, quand j’ai entendu leur bruit, c’est comme si j’étais dans un rêve. Et finalement, quand je me suis réveillée, la maison était remplie de militaires, tous des bérets rouges. Quelqu’un d’entre eux a pris mon bébé avec une seule main, il voulait le jeter dehors. Immédiatement, je me suis levée, je leur ai demandé qu’est-ce qu’il y avait. Ils m’ont dit : tu ne sais pas ? Sors d’ici ! Je suis sortie. Ils ont fouillé la maison et en partant, certains parmi eux ont dit : laissons cette femme ici et d’autres ont dit : non, on va l’emmener. Finalement, ils m’ont laissée là-bas », a-t-elle raconté. 

Depuis ce jour, Sény Lamah vit seule avec ses cinq enfants. Parmi eux, le nouveau-né, Susane Haba, qui n’a eu de cérémonie de baptême. Âgée de 13 ans aujourd’hui, c’est en prison qu’elle a rencontré son père pour la première fois. Et cette vie n’a pas du tout été facile pour l’épouse de Cécé Rafael Haba.

« Comme je souffrais trop, je suis allée au camp pour rencontrer les amis de mon époux. Parfois, ils me donnent un sac de riz et un peu d’argent. C’est ce qui me permet de prendre en charge les frais de scolarité des enfants. Toutes les dépenses qui s’en suivent. Ils étaient tous à l’école publique, mais puisque ces écoles sont loin de chez nous, j’ai dû envoyer certains au privé. Et je devais aussi envoyer à manger en prison pour mon mari.

Je préparais la sauce la nuit. A 5 heures du matin, je sors pour aller au marché, je rentre à 14h pour préparer le riz et j’envoie la part de mon mari en prison. De la prison, je continue à la base militaire pour chercher les feuilles de patates que je dois revendre le lendemain au marché. J’ai évolué comme ça pendant très longtemps, après mon mari m’a dit, tu as beaucoup souffert, j’aimerais te faire cette proposition : si tu viens un jour, tu te reposes le lendemain. Ensuite, il m’a dit d’aller lui rendre visite seulement une fois par semaine ».

Mme Haba dit avoir durement souffert de cette situation, surtout des soucis que cela lui a causés. Aujourd’hui, l’ouverture du procès du 28 septembre lui donne l’espoir de pouvoir retrouver son mari en liberté. C’est d’ailleurs le souhait de toute la famille, dont François Haba, le quatrième fils de Cécé Rafael Haba, aujourd’hui élève en classe de terminale sciences sociales.

« Ça me fera un grand plaisir de voir mon père libre, à côté de moi. J’ai hâte de voir ce jour où je vais passer la nuit avec mon père. Ma première rencontre avec lui, c’était le jour de la fête de Pâques de l’année passée. Ce jour-là, j’étais content, il y avait de l’émotion dans la salle, tout le monde pleurait. Parce que, pendant combien d’années on n’avait pas vu notre papa ? C’est le seul jour qu’on s’est vus. On pleurait, on avait passé toute la journée ensemble. Je n’avais même pas envie de rentrer chez moi. Mais je n’avais pas le choix, il fallait que je rentre, parce qu’il est en prison », a expliqué le jeune homme.

Ansou Baïlo Baldé pour Guineematin.com 

Tel : 622 56 11 82 

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