Report des audiences quand un magistrat meurt : « nous ne comprenons pas cela » (Alseny Sall de l’OGDH)

Alsény Sall, chargé de communication de l'organisation guinéenne de défense des droits de l'homme (OGDH)

En Guinée, la problématique de la lenteur dans les procédures judiciaires pénalise de nombreux justiciables. En dehors des jours déclarés fériés, chômés et payés, d’autres événements surviennent et voient le renvoi de tous les dossiers inscrits au rôle d’audience de cours et tribunaux. C’est notamment les cas de décès de magistrats qui conduisent à des renvois in extremis.

Pour Alseny Sall, chargé de communication de l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen (OGDH, ce genre de situation a un impact sur la tenue normale des procédures et impacte sur les citoyens en conflit avec la loi. Il l’a dit hier, mercredi 28 décembre 2022, dans un entretien à Guineematin.com à travers un de ses reporters.

 « La lenteur et la lourdeur de la chaîne pénale, notamment la tenue des procès, est une préoccupation essentielle pour nous organisations de défense des droits de l’homme. Car, comme vous le savez, il y a beaucoup de personnes qui sont en détention dans les maisons d’arrêt de la Guinée, en attente de jugement », fait savoir d’entrée de jeu notre interlocuteur.

Selon Alseny Sall, plusieurs raisons peuvent expliquer cet état de fait. « Il y a plusieurs facteurs qui expliquent cela. Premièrement, il y a le manque d’infrastructures judiciaires qui, pour nous, constitue un obstacle. Parce que quel que soit la volonté de juger, s’il n’y a pas suffisamment d’infrastructures, on ne peut pas juger. Si vous prenez par exemple le tribunal de Dixinn, qui est territorialement compétent pour toutes les infractions commises dans les communes de Dixinn et de Ratoma, ce tribunal ne dispose que d’une seule salle d’audience à l’origine. C’est récemment qu’ils ont aménagé une autre salle. Il y a aussi parfois le manque de diligence des procureurs dans les dossiers », soutient le responsable de la communication de l’OGDH.

Parlant des cas de décès de magistrats qui conduisent à des reports d’audience, Alseny Sall y va avec prudence. « Pour le cas spécifique du report des audiences lorsqu’on annonce le décès d’un magistrat, avec tout le respect que nous avons pour nos morts, nous pensons quand même que cela est un frein à la justice pour les milliers de personnes qui sont en détention. On peut comprendre par exemple, si le magistrat décédé relève de Dixinn que ce tribunal ne fonctionne pas ce jour. Mais, le fait que lorsqu’un magistrat relevant de Dubréka décède et que cela empêche tous les magistrats de la République de travailler ; nous, nous ne comprenons pas cela. D’autant plus que toutes ces personnes qui sont en détention provisoire bénéficient du principe de la présomption d’innocence. Et qui doivent être jugées. Avec tout le respect que nous devons pour nos morts, nous estimons que cette pratique constitue un obstacle à la justice pour les personnes qui sont en détention et qui sont en attente de jugement », a-t-il laissé entendre.

Poursuivant, Alseny Sall plaide en faveur du respect de la loi et une volonté politique pour la construction d’infrastructures judiciaires en vue d’accélérer les affaires pendantes devant les juridictions. « Aujourd’hui, je pense que du point de vue législatif, la Guinée a fait des avancées. Et il y a des acquis sur les questions de lutte contre la détention abusive. Maintenant, là où il faut faire des efforts, c’est au niveau de la volonté politique réelle de juger. Mais aussi de l’autre côté, c’est la création d’infrastructures judiciaires et pénitentiaires parce que, comme vous le constatez, la plupart de nos infrastructures judiciaires et pénitentiaires sont en état de délabrement poussé. Elles ne répondent plus aux normes internationales en matière de détention. Donc il faut, en plus des textes, créer aussi des infrastructures et s’assurer à ce que la loi soit respectée ».

En outre, le chargé de communication de l’OGDH affirme que les détenus ayant été acquittés après avoir passé des mois voire des années de détention ont la possibilité de se retourner contre l’État. « Quel que soit l’infraction qu’on reproche à un citoyen, la loi a prescrit des délais au cours desquels les personnes doivent être jugées pour être situées. Mais, lorsqu’on garde une personne pendant plusieurs mois ou plusieurs années avant de la juger et que le tribunal l’acquitte, normalement, cette personne a la possibilité de se retourner contre l’État. Mais, compte tenu des tracasseries que les gens rencontrent dans les procédures judiciaires ici, lorsque les personnes sont libérées et même si la loi leur aménage cette possibilité de se retourner contre l’État, sachant les difficultés qu’ils ont rencontré, ils préfèrent de ne pas le faire. Nous, nous travaillons dans cette logique. On fait de l’accompagnement judiciaire, notamment des détenus. Donc, ce sont des situations regrettables qu’il faut normalement corriger », a conclu Alseny Sall.

Malick DIAKITE pour Guineematin.com

Tél. : 626-66-29-27 

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