Grogne des enseignants contractuels : « les promesses n’ont pas été respectées… Nous souffrons énormément »

Alseny Mabinty Camara, coordinateur national des enseignants contractuels de Guinée

Estimés à 70% de l’effectif des enseignants en Guinée, les enseignants contractuels haussent le ton depuis quelques jours, surtout à l’intérieur du pays, pour réclamer le paiement de leur salaire. Ils réclament jusqu’à sept (7) mois de salaire impayés et menacent de débrayer si leurs revendications ne sont pas prises en compte par les autorités. Cette montée des tensions intervient à un peu plus d’un mois du démarrage des examens nationaux. Et, dans un entretien avec Guineematin.com ce jeudi, 27 avril 2023, Alseny Mabinty Camara, le coordinateur national des enseignants contractuels, a déclaré qu’un débrayage des enseignants contractuels aura des impacts négatifs sur l’organisation de ces examens.

C’est par des sit-in que les enseignants contractuels se font actuellement voix pour attirer l’attention des autorités sur leur condition misérable. Ils sont en service depuis 5 ans dans les différentes écoles du pays, mais leur situation n’est toujours pas régularisée. Et cela, en dépit de la signature d’un contrat en septembre 2022 avec le ministère de l’administration du territoire et de la décentralisation dans le cadre de la création d’une fonction publique locale.

« Les enseignants contractuels réclament le paiement de leur salaire après sept (mois) de travail, c’est-à-dire du mois d’octobre [2022] au mois d’avril [2023]. Il y a eu une mission de supervision à l’intérieur du pays et cette mission a été qualifiée comme une mission d’évaluation pour aller constater si les effectifs qui ont été remontés à travers les services déconcentrés du ministère de l’administration du territoire et de la décentralisation par rapport au nombre des enseignants contractuels était bel et bien sur le terrain… Cette mission a constaté qu’il y avait une situation un peu confuse sur le terrain et nous avons cherché à décanter. Ainsi, il a été promis qu’au retour de la mission, la paie allait directement continuer. Et, cette mission est rentrée de l’intérieur depuis le 15 mars dernier, mais jusqu’à date il n’y a pas eu de communication officielle nous donnant les directives à suivre par rapport au paiement de ces arriérés de salaire… Nous avons été rencontrer les cadres du ministère de l’administration du territoire et ceux du ministère de l’enseignement pré-universitaire et de l’alphabétisation (MEPU-A) ; et, ils ont dit qu’ils vont prendre toutes les dispositions pour enfin trouver la solution avant la fête de Ramadan. Nous avons traversé le mois de Ramadan dans des conditions très pénibles, vous-mêmes vous savez que les enseignants contractuels sont des zones très reculées, parfois même inaccessibles, traversent des conditions très pénibles… Nous avons accepté de servir l’école de la république depuis 5 ans maintenant ; et, avec l’avènement du CNRD, ils ont lancé l’appel d’offres pour le recrutement des enseignants contractuels communaux qui vont servir au compte des collectivités locales pour créer la fonction publique locale. Mais, il y a aussi un contrat qui a été signé en septembre dernier et qui stipule qu’à la fin de chaque mois, au plus tard le 5, on (les enseignants contractuels) allait entrer en possession de notre salaire. Malheureusement, depuis septembre 2022, nous n’avons bénéficié que d’un million (1 000 000) de francs guinéens. Donc, les clauses du contrat n’ont pas été respectées, parce qu’il a aussi été dit dans le contrat que les primes d’incitation allaient être accordées aux enseignants contractuels au même titre que les enseignants fonctionnaires et un salaire de base va leur être donné… Mais, quand vous prenez les préfectures de Boké, Fria et la commune de Kassa, les enseignants contractuels n’ont bénéficié de rien, contrairement à ceux des autres préfectures qui ont eu chacun un million de francs guinéens. Ils ont été omis sur la liste de paie. Et, malgré tout ça, il y a un silence radio du côté des autorités », a déploré Alseny Mabinty Camara.

Par ailleurs, le coordinateur national des enseignants contractuels a indiqué qu’un débrayage des enseignants qu’il représente aura des conséquences sur l’achèvement des cours et sur l’organisation des examens nationaux qui pointent à l’horizon.

« Nous sommes à bout de souffle, et un ventre affamé n’a point d’oreille, un sac vide ne peut pas se tenir débout. Même si nous avons la volonté de dispenser les cours, nos batteries sont à plat, on n’a plus les moyens. C’est pourquoi nous avons jugé nécessaire de faire des sit-in pour interpeller les autorités sur notre situation. Nous souffrons énormément. Aujourd’hui, pratiquement tous les enseignants qui avaient effectué le déplacement pendant les petits congés n’ont pas pu avoir le transport pour se retourner à leurs lieux de service. Donc beaucoup d’écoles sont fermées aujourd’hui, parce que les enseignants contractuels sont démotivés, ils sont découragés, les promesses n’ont pas été respectées. Vous savez que les enseignants contractuels représentent aujourd’hui 70% de l’effectif. Il y a des écoles qui sont tenues entièrement par des enseignants contractuels. Si on décide de quitter les salles de classe, ça va jouer de façon négative sur le fonctionnement des cours. Et, cela va impacter inéluctablement sur l’organisation des examens nationaux », a dit Alseny Mabinty Camara.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

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