Procès de Kassory Fofana à la CRIEF : la défense empêche la tenue des réquisitions et plaidoiries

Ibrahima Kassory Fofana, ex Premier ministre

La phase des réquisitions et plaidoiries devait s’ouvrir ce jeudi, 20 juillet 2023, dans le procès de l’ancien Premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana, devant la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF). L’ex chef du gouvernement guinéen est poursuivi devant cette juridiction pour « enrichissement illicite et blanchiment de capitaux » au préjudice de l’Etat guinéen. Et, à l’audience précédente, la Cour avait annoncé la clôture des débats et avait ordonné que ce dossier soit plaidé par les parties. Mais, contre toute attente, elle vient encore de surseoir à l’examen de ce dossier « jusqu’à ce que la Cour suprême se prononce » sur une « exception d’inconstitutionnalité » soulevée par la défense, rapporte Guineematin.com à travers un de ses journalistes.

A l’audience du 17 juillet dernier, l’instruction avait été clôturée et le dossier avait été renvoyé à la date d’aujourd’hui pour les plaidoiries et réquisitions. Mais, le prévenu et ses avocats ont entre-temps exprimé leur désaccord avec cette décision et ont formulé une demande de sursis à l’examen du dossier devant la chambre de jugement, en raison de l’exception d’inconstitutionnalité soulevée et portée devant la Cour suprême. Ainsi, l’audience de ce jeudi a essentiellement porté sur les débats autour de cette demande de sursis à l’examen formulée par la défense.

Le ministère public, représenté à l’audience par le procureur spécial près la CRIEF, Aly Touré, ainsi que la partie civile, représentée par l’agent judiciaire de l’État, Me Amadou Babaein Camara, ont exprimé leur opposition à la demande de sursis formulée par le prévenu et ses avocats. Ils ont tous deux demandé à la Cour de rejeter cette demande et de poursuivre les plaidoiries et réquisitions. Mais, après une brève pause, la Cour est revenue dans la salle d’audience pour statuer sur la demande de sursis présentée par le prévenu. Le président de la Cour, Francis Kova Zoumanigui, a alors annoncé la décision de la Cour, qui a accepté la demande du prévenu et a ordonné le sursis à l’examen du dossier.

Suite à cette décision, les avocats de l’État guinéen (partie civile) et de la défense ont pris la parole pour réagir. Me Amadou Babaein Camara, avocat de la partie civile, a exprimé sa déception quant à la suspension des plaidoiries et réquisitions qu’ils attendaient conformément à la décision prise lors de l’audience précédente.

« L’exception d’inconstitutionnalité soulevée par la défense est une question de droit qui concerne toute la procédure. Nous de la partie civile, nous estimons que c’est du dilatoire et nous allons appliquer par rapport à ça. Quant à la décision de la Cour qui a ordonné le sursis, nous sommes déçus ; parce que nous, nous étions venus pour les plaidoiries et réquisitions conformément à la décision prise par la Cour lors de la précédente audience. Mais, la Cour a décidé autrement », a réagi Me Amadou Babaein Camara.

De son côté, la défense s’est dite inquiète, même si elle considère que la décision de suspension prise par la Cour est le devoir du juge en charge de l’affaire. Me Mohamed Sidiki Bereté, l’un des avocats de la défense, a plaidé en faveur de la libération de son client, Ibrahima Kassory Fofana, tout en soulignant que les accusations portées contre lui étaient infondées et qu’il n’avait rien à se reprocher.

« Le juge a ordonné le sursis à examen du dossier. Je crois que c’est un devoir pour lui de dire le Droit. Seulement, nous, on s’inquiète. Vouloir partir directement aux plaidoiries et réquisitions, vous voyez à partir de là, les dés sont pipés. Monsieur Kassory n’est pas n’importe qui dans ce pays. Il fut Premier ministre. On refusait sa liberté parce que tout simplement on était en instrumentation. Pourquoi alors là, on refuse sa liberté… Il (Kassory Fofana) est malade, il est gravement malade. C’est inhumain et dégradant. C’est un précédent fâcheux qu’on veut créer de refuser des soins à un être humain dans une république où partout il y a des mosquées et églises. Il est temps de libérer Dr Diané, il est temps de libérer Oyé Guilavogui, il est temps de libérer les anciens dignitaires. Être ministre n’est pas une faute. Si on rendait la monnaie à ceux qui sont ministres aujourd’hui lorsqu’ils ne seront plus en fonction, est-ce que c’est bon ? Il ne faut pas qu’on crée un précédent en République de Guinée. Et, quand on a soulevé l’inconstitutionnalité, c’est en bon droit… Nous avons l’ensemble des présomptions d’innocence pour dire qu’il n’a rien fait. Le dossier de Kassory est vide. On a tenté de lui coller le fonds Mary 46 milliards, rien n’a été retrouvé ; on a tenté avec des bateaux de pêche, rien là aussi ; on a tenté avec ses sociétés, des banques aux États-Unis, c’est vide ; on lui colle maintenant, les 15 milliards comme fonds ANIES… Pourquoi on a laissé les autres dignitaires aller se soigner, on a refusé les soins à Kassory ? Si la Cour s’est prononcée aujourd’hui, c’est pour un simple sursis. Nous tournons les regards maintenant vers la Cour suprême. Il faut rendre la justice équitable et humaine », a plaidé Me Mohamed Sidiki Bereté.

Le prévenu, Ibrahima Kassory Fofana, n’a pas comparu devant la chambre de jugement de la CRIEF depuis le début de son procès en raison, dit-on, de problèmes de santé. La juridiction s’est rendue à la clinique Pasteur où il reçoit des soins médicaux pour l’entendre dans son lit d’hôpital. Et, selon le procès-verbal de constat et d’interrogatoire établi à cette occasion et lu lors de l’audience précédente par le président de la Cour, Francis Kova Zoumanigui, « Ibrahima Kassory FOFANA (…) est alité dans sa salle d’hospitalisation à la clinique pasteur, avec tout autour de ses membres supérieurs le circuit de perfusion et le monitorage. A la suite de la salutation d’usage adressée par la Cour à Monsieur Ibrahima Kassory FOFANA, sa réponse a tout d’abord été à la fois du regard et gestuelle répondant par la bouche et les bras, et secouant la tête. Par la suite, à la question posée à Monsieur lbrahima Kassory FOFANA sur ce qu’il attend de la Cour au regard de son état actuel, il a répondu deux (2) fois et de manière audible, en sollicitant qu’il soit autorisé à aller se faire soigner là où ses traitements ont commencé, à savoir l’hôpital américain de

Paris. Nous avons eu en présence un patient lucide, jouissant de toutes ses facultés, parvenant à se mouvoir et manifestant des besoins à l’aide des membres, tout en répondant clairement et logiquement à certaines questions sur sa santé. Notre attention a été attirée par Docteur Ben Baba ARWATA sur ce qu’au regard des paramètres affichés par le moniteur (les chiffres mentionnant une accélération de la fréquence cardiaque et variant entre 88 et 94 par minute), les risques d’interruption de la présente audience seraient élevés si ces fréquences dépassaient 100. Finalement, lorsque la question de son évacuation pour l’étranger a été posée à Monsieur Ibrahima Kassory FOFANA, il a effectivement réagi par une demande verbale, audible ».

La décision de la Cour suprême déterminera si l’affaire pourra reprendre devant la chambre de jugement de la CRIEF pour les plaidoiries et réquisitions ou si d’autres développements auront lieu en fonction de l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par la défense.

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

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