N’zérékoré : les matelassiers locaux baignent entre fierté et difficultés

« Qui m’a piqué » ? C’est le triste célèbre nom des matelas traditionnels à N’zérékoré. Ce nom fait surtout allusion aux punaises de lit et autres insectes que cachent ces matelas fabriqués à base de sacs et de pailles (en général). Ces matelas étaient de véritable réservoir d’insectes habiles pour troubler le sommeil, mais ils étaient aussi très répandus à travers la capitale de la région forestière. Ils ont eu une belle époque à un moment où s’offrir un matelas industriel était un luxe que tous les ménages ne pouvaient pas s’offrir.

Aujourd’hui, ces matelas n’ont plus la même attention aux yeux des populations de N’zérékoré, mais ils concurrencent encore les matelas industriels dans plusieurs familles de la ville. Ils coûtent moins chers et sont convoités généralement par les étudiants et les apprentis de certains corps de métiers comme la mécanique. Et, cela fait la fierté des matelassiers locaux.

Mamadi Condé, chef des fabricants

Rencontré par la rédaction régionale de Guineematin.com ce samedi, 2 septembre 2023, Mamadi Condé, matelassier et chef service de l’Union des matelassiers de N’zérékoré, s’est réjoui de la rentabilité de son métier. Mais, il a aussi exprimé certaines difficultés qu’il rencontre dans l’acquisition de la matière première pour la confection des matelas.

« Ce métier est très rentable pour nous. J’ai trouvé mon papa faire ce travail. Donc, depuis mon enfance, je le faisais. Et, jusqu’à présent, j’ai mes 42 ans, je suis dedans. J’étais à l’école, mais quand je voyais mon papa souffrir pour que les élèves ou d’autres personnes se couchent bien, j’ai aussi pris le serment de travailler pour les autres. Je parle au nom de tous les fabricants du matelas traditionnel. Nous rencontrons beaucoup de difficultés dans ce métier, surtout ici, en ville. D’abord, la place qui était réservée pour les matelassiers traditionnels, l’Etat l’avait prise en disant que c’est la place publique. Alors que dans tout N’Zérékoré, c’est là-bas qui était reconnu. Mais, on a quitté, et actuellement nous sommes ici au Bas-Fonds, un lieu très sale où les gens jettent les ordures. Ensuite derrière un hôtel. Nous sommes là pour chercher à nouveau les clients. Donc, nous souffrons beaucoup. Et quand nous nous déplaçons pour aller dans les villages pour couper les herbes, il nous faut payer des gens pour qu’ils nous donnent ces herbes. Puisque ces herbes entrent dans la fabrication des matelas traditionnels. Mais, dans ces brousses encore, quand les propriétaires des champs viennent te trouver dans leurs champs en train de couper les simples herbes, il va t’insulter. Et si tu n’as pas le cœur posé, vous vous bastonnez très bien. Ou des fois, quand tu payes les gens pour couper ces herbes, à ton absence, les gens viennent pour mettre le feu dans ça », a expliqué Mamadi Condé.

Par ailleurs, le chef service de l’Union des matelassiers de N’zérékoré a demandé aux autorités d’aider les fabricants de « Sidiki merci (un autre nom donné au matelas traditionnel) » à trouver une place convenable pour leur travail.

« Voici la composition de notre matelas traditionnel communément appelé Sidiki merci, ou bien qui m’a piqué.  Il y a d’abord le sac, mais il faut que le sac soit nouveau sinon les gens vont refuser d’acheter ta marchandise. Après le sac, il y a la paille, c’est-à-dire les herbes que nous mettons dans les sacs pour en faire le matelas traditionnel. Après la Paille, il y a la corde qui nous permet d’attacher le sac et de bien serrer les herbes dans le matelas… L’appel que je lance au gouvernement, c’est une affaire de place d’abord. Sinon, la population a besoin de nous, et surtout la période de la rentrée scolaire où les élèves quittent le village pour venir étudier en ville, surtout les admis aux examens. Mais, quand ils viennent, il faut qu’ils achètent des matelas traditionnels pour leur permettre de se coucher sur ça. Parce que ce n’est pas cher chez nous. Nous avons même des commandes des nouveaux mariés qui n’ont pas le prix des matelas modernes et ils sont bien à l’aise quand ils sont sur nos matelas. Il y en a pour 120 000 FG, 130 000 FG (deux places). Et des fois, quand les gens prennent pour aller détailler, c’est 220 000 FG trois places. Donc, je demande au gouvernement de voir notre misère pour nous céder une place pour nous permettre d’exercer librement nos activités », a indiqué Mamadi Condé.

De N’Zérékoré, Foromo Gbouo LAMAH, Joseph GOUMOU et Jean David LOUA pour Guineematin.com

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