Situation des droits de l’homme sous le CNRD : « l’espoir qui avait été suscité n’a pas été atteint », dit Me Christophe Labilé

Me Koné Aimé Christophe Labilé, avocat à la cour, président de l'ONG avocat sans frontière Guinée

En Guinée, l’arrivée au pouvoir du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) le 5 septembre 2021 avait suscité beaucoup d’espoir chez les populations. Cette junte militaire s’était engagée à faire de la « justice la boussole de la transition » et à garantir l’exercice des droits et libertés dans le pays. Malheureusement, après 2 ans de gouvernance, ces militaires se sont illustrés dans la répression des manifestations sociales et politiques. Les forces vives de Guinée (une entité composée de partis politiques et d’organisations de la société civile guinéenne) dresse un bilan de 30 morts sous le CNRD dans les manifestations.

Dans un entretien accordé à Guineematin.com ce jeudi, 7 septembre 2023, le président de l’ONG ‘’Avocat sans frontières Guinée’’, Maître Koné Aimé Christophe Labilé, a fait part d’une certaine déception. Ce défenseur des droits de l’homme estime qu’il y a eu des violations des droits de l’homme, surtout au niveau des personnes privées de leur liberté.

Me Koné Aimé Christophe Labilé, avocat à la cour, président de l’ONG avocat sans frontière Guinée

« Si je dois dresser un bilan, je dois vous dire que le bilan est mitigé. Il est mitigé en ce sens que pendant ces deux années-là nous avons eu des hauts et des bas. Quand on fait la rétrospective du régime Alpha Condé sous lequel il y avait eu des violations massives des droits de l’homme, pendant ces deux ans aussi, il y a eu quelques violations de droit de l’homme. Oui, il faut le dire. Je ne dirais pas qu’il y a eu de recul, mais l’espoir qui avait été suscité à l’arrivée du CNRD n’est pas atteint. Parce que quand on prend les deux dernières années de l’ère Alpha Condé, il y a eu beaucoup plus de morts. Il y avait aussi d’autres violations plus graves. Donc, il y a une avancée sous l’ère CNRD, mais nous n’avons pas atteint le but visé. L’espoir qui avait été suscité n’a pas été atteint. Parce que quand on prend le premier discours du colonel qui disait que la justice devait être la boussole qui va nous gouverner, on s’est rendu compte à quelques égards qu’il y a aussi quelques violations de droit de l’homme sous ce régime. En ce sens que les personnes qui avaient été privées de leur liberté n’ont pas été jugées dans un délai raisonnable. Nous défenseurs des droits de l’homme, nous défendons les principes que toute personne privée de liberté a aussi des droits. Vous devez être jugés si on estime que vous avez commis une infraction pour que vous connaissiez votre sort. Si vous êtes innocent vous quittez ; et si vous devez être condamnés, vous sachiez pour combien de temps vous êtes là. Mais, si des personnes qui sont privées de leur liberté, qui sont placées sous mandat de dépôt dont leurs dossiers devraient connaître une suite judiciaire, qui ne sont pas jugés dans un délai raisonnable, nous, nous insurgeons », a-t-il indiqué.

Parlant de l’interdiction des manifestations sur la voie publique, le président de l’ONG avocat sans frontières Guinée a accusé le CNRD d’avoir volé la charte de la transition.

« Le CNRD n’a pas respecté à la lettre tout le contenu de la charte de la transition. Donc, il y a eu violation de leur propre loi. Quand on sait que les conventions légalement passées tiennent de loi ce qui les ont faites, c’est eux qui ont pris l’initiative de rédiger une charte. Ils devraient quand même se donner l’obligation de respecter les clauses de cette charte. Ça n’a pas été fait. Pourquoi ? Parce qu’à certains niveaux on a parlé de manifestation. Les gens devaient exprimer leurs opinions par écrits, ils pouvaient le faire aussi par les manifestations de rues. On a interdit les manifestations de rues. Moi, en tant que défenseur des droits de l’homme, de ma petite expérience, quand vous interdisez les manifestations, les gens vont braver et ça devient une chienlit et vous allez vous confronter. Je m’inscrirai plutôt dans la dynamique de pouvoir permettre à ceux qui veulent manifester de manifester. Mais, que les manifestations soient cadrées par ceux qui les ont appelés. Parce que tout manifestant ou tout groupe qui veut manifester, ils doivent sécuriser leurs propres manifestations. Et en plus, les forces de l’ordre doivent encadrer les manifestations. Si on le fait, on peut responsabiliser les gens s’il y a eu de violation pour qu’on puisse quand-même situer les responsabilités. Mais, interdire systématiquement les manifestations crée la tension dans la cité. Et, les gens ont pris cette sale habitude d’ailleurs. Quand on appelle à une manifestation, c’est la veille même que les soubresauts commencent. Et, ce qui se fait la veille, à qui on doit imputer la responsabilité ? Parce que quand je dis que je vais manifester le 10 septembre, si les gens sortent le 9 septembre, est-ce qu’ils sont sous ma responsabilité ou ils sont sous leur propre responsabilité ? Ça crée un autre problème », a déploré Maître Koné Aimé Christophe Labilé.

Par ailleurs, ce défenseur des droits humains a appelé à plus de responsabilité de la part des autorités, mais aussi de la part des manifestants pour éviter des violations des droits humains dans le pays.

« Donc, à ces gouvernants qui sont tributaires des droits de l’homme, je leur demande de jouer leur partition. A ceux qui manifestent aussi, parce que quelqu’un disait que quand une vie est ôtée, quelle que soit la justice qu’on peut rendre, on ne peut plus ramener la personne à la vie. Donc, il faut savoir raison garder pour choisir ce qu’on est appelé à faire. Donc, il faudrait quand même que les gens puissent être suffisamment intelligents pour pouvoir choisir ce qui est bon pour eux et ce qui ne l’est pas. Parce que si on s’inscrit dans la dynamique de l’affrontement, dans l’affrontement il y a toujours des pertes. C’est pourquoi nous défenseurs des droits de l’homme, nous devons réfléchir sur comment on peut réinventer les revendications de nos droits. Parce qu’on ne peut pas faire la même chose et vouloir obtenir un résultat différent. Ce qui se fait dans le cadre de manifestation sous le CNRD s’était fait sous l’ère Alpha Condé. Et la conséquence, on a toujours engendré des morts… Donc, si ceux qui nous gouvernent ne sont pas en train de respecter ces droits de l’homme-là, nous qui voulons revendiquer quel doit être notre méthode ? Il faudrait qu’on soit suffisamment intelligent pour voir le pour et le contre pour qu’on puisse revendiquer les droits », a lancé maître Koné Aimé Christophe Labilé.

Saïdou Hady Diallo pour Guineematin.com

Tel : 620 589 527/664 413 227

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