Le procès du massacre du 28 septembre 2009, suspendu à cause des vacances judiciaires, va reprendre le mardi prochain, 03 octobre 2023. Une année après le début de ce procès, de nombreux observateurs et institutions expriment leur satisfaction pour cette première en Guinée. C’est le cas de Tamara Aburamadan, Conseillère juridique de programme Justice internationale à Human Rights Watch. Dans un entretien accordé à un reporter de Guineematin.com hier, lundi 25 septembre 2023, elle s’est félicitée de cette avancée avant de déplorer la détention préventive prolongée de cinq des onze accusés dans cette affaire.
« L’ouverture du procès, il y a un an, a été un moment historique non seulement pour les victimes du massacre de 2009, mais aussi pour tous les Guinéens. Le procès et la façon dont il s’est déroulé au cours de l’année écoulée envoie un message fort : la justice compte, et des suspects de haut niveau de crimes graves ne peuvent plus se cacher derrière l’impunité. Les voix des victimes sont entendues, non seulement dans la salle d’audience, mais aussi devant tous les Guinéens, puisque le procès est retransmis en direct avec une couverture médiatique des audiences. Ce procès est le premier de ce type concernant des violations de droits humains de cette ampleur en Guinée, et un rare exemple à l’heure actuelle de mise en œuvre de l’obligation de rendre des comptes au niveau national pour des atrocités impliquant des suspects de haut niveau », a dit d’entrée Tamara Aburamadan.
Même si cette responsable de Human Wright Watch se réjouit du bon déroulement du procès ; cependant, elle pointe du doigt la violation de certains droits des accusés notamment la détention préventive prolongée de 5 des 11 accusés. « À l’occasion du 1er anniversaire du procès, HRW a observé à quel point le procès avait progressé de manière significative. Premièrement, les 11 accusés, dont un ancien Président et des ministres du gouvernement, ont été entendus par les juges. La loi guinéenne prévoit la protection des droits internationalement reconnus des accusés, notamment la présomption d’innocence, le droit à un avocat, le droit de ne pas être détenu arbitrairement, et celui de bénéficier gratuitement des services d’un interprète. Selon nos observations, lors du procès, il a été demandé aux accusés s’ils avaient retenu leurs propres avocats. Ils bénéficient également d’un service d’interprétation pour ceux qui ne parlent pas français. Cependant, nous avons également observé que cinq des 11 accusés ont fait l’objet d’une détention préventive prolongée, y compris au-delà des limites légales prescrites par la loi guinéenne. Les 5 accusés sont : Cécé Rafael Haba et Marcel Guilavogui, qui sont détenus depuis 2010 ; Mamadou Aliou Keïta, depuis 2013 ; Paul Mansa Guilavogui, depuis 2015 ; et Aboubacar « Toumba » Diakité, qui a été arrêté au Sénégal en décembre 2016 puis extradé vers la Guinée, depuis 2017. C’est le rôle des juges d’assurer la protection complète des droits de l’accusé. Deuxièmement, plus de 50 victimes avaient comparu, dont d’anciens dirigeants de l’opposition, d’autres personnes qui étaient au stade pendant l’attaque, ainsi que des membres de la famille de ceux qui s’y trouvaient ce jour-là. Les survivantes de viols et de violences sexuelles font partie des personnes qui ont témoigné. La plupart des victimes de violences sexuelles ont témoigné à huis clos, en accord avec les juges », a-t-elle rappelé.
Par rapport à la couverture médiatique de ce procès, la Conseillère juridique de programme Justice internationale à Human Rights Watch ne relève pas de dysfonctionnements majeurs. Elle estime plutôt que la retransmission du procès dans les médias locaux pourrait permettre à la Guinée de tirer les leçons et d’améliorer la confiance dans le processus judiciaire. « Le procès a été retransmis en direct et a bénéficié d’une couverture médiatique dans tout le pays. Les Guinéens ont suivi le procès de près, en ont discuté et ont entendu les victimes et les accusés témoigner devant le tribunal. Sa retransmission pourrait permettre à la Guinée de tirer les leçons de son passé, sensibiliser aux besoins judiciaires du pays et améliorer la confiance dans le processus judiciaire guinéen. C’est le rôle des juges de statuer sur la base des faits qui leur sont présentés dans la salle d’audience et de ne pas se laisser influencer par l’opinion publique », martèle notre interlocutrice.
En outre, Tamara Aburamadan explique que le besoin en indemnisation des victimes doit être pris en compte au regard de ce qu’elles ont subi et du traumatisme créé. « En vertu des droits, international et guinéen, les victimes ont droit à des réparations, une indemnisation pour les victimes, leurs familles et les communautés concernées, afin de réparer le préjudice subi par les victimes du fait des crimes commis en cas de condamnation. Compte tenu de l’ampleur et de la nature sans précédent du procès, ainsi que des difficultés budgétaires qui sont les siennes, il n’est pas certain que d’autres formes de réparation puissent être accordées, notamment la possibilité de réparations collectives et symboliques, telles que des commémorations et des hommages aux victimes, ou que les mesures de réparation prévues par la loi guinéenne puissent même être ordonnées. Un comité de pilotage, mis en place pour aider dans l’organisation du procès, a participé à la création d’un fonds d’indemnisation des victimes et à la recherche de financements. Suite aux événements du 28 septembre 2009, les victimes ont subi des traumatismes physiques et psychologiques et nombreux sont ceux qui ont besoin d’être indemnisés pour avoir accès à des soins de santé. Il est important que toute réparation ou autre aide financière puisse couvrir les besoins de ces victimes. Les entités internationales et régionales qui ont encouragé les progrès dans la poursuite de la justice en Guinée ont un rôle important à jouer pour continuer à maximiser les perspectives d’une justice équitable et crédible pour les crimes du 28 septembre. Il s’agit notamment de veiller à ce que ce procès historique dispose de ressources suffisantes », a-t-elle laissé entendre.
Malick Diakité pour Guineematin.com
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