Sanoya (Coyah) : accusée de sorcellerie, Mme Fatoumata Lamarana Bah séquestrée et maltraitée pendant 2 semaines

Mme Fatoumata Lamarana Bah, accusée de sorcellerie

« Mon mari et la guérisseuse nous ont maltraitées durant deux semaines. Cette femme nous a ligotées avec une chaîne en complicité avec mon mari. Elle nous battait avec le balai et une machette pendant deux semaines. Ils nous ont rasées les têtes toutes les deux, sans eau. Ils ont insisté qu’on reconnaisse ou qu’on avoue que nous sommes des sorcières… »,a notamment expliqué Mme Fatoumata Lamarana Bah.

Âgée 35 ans et mère de deux enfants, Mme Fatoumata Lamarana Bah, accusée de sorcellerie par son mari, a été séquestrée et torturée pendant deux semaines dans le Grand Conakry. Abdoulaye Bobodi Bah (son mari), aurait agi en complicité avec Saran Mara (une guérisseuse) qui aurait infligé des sévices à la dame et à sa fille de 10 ans. Les faits se sont produits dans la localité de Dondolikhouré, relevant de Sanoya, dans la préfecture de Coyah. Alors que la pauvre dame est actuellement en soins à l’hôpital Ignace Deen, les deux présumés auteurs des faits sont entre les mains des autorités de Dubréka pour les enquêtes, a appris Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Mme Fatoumata Lamarana Bah, accusée de sorcellerie

Accusée de sorcellerie avec sa fille, Fatoumata Lamarana Bah a vécu un véritable calvaire. « J’étais au village, à Pita, en train de cultiver, lorsque le grand frère de mon mari est venu avec le téléphone pour me dire que mon mari voulait me parler. J’ai pris le téléphone. Lors de la communication, mon mari a dit qu’il souhaite me voir à Conakry. J’ai dit d’accord en lui demandant s’il n’y a pas de problème. Il m’a dit qu’il n’y avait rien, mais de le trouver à Conakry. J’étais inquiète parce que j’avais ma culture et c’était la période de la récolte de certaines semences. Mais, puisque que c’est mon mari, j’étais obligée d’obéir. Pourtant, cela faisait quatre mois que lui et moi, nous ne communiquions pas ; et, il ne vient pas nous rendre visite au village. Quand je suis arrivée à Conakry, son frère l’a appelé pour lui dire que nous étions là. Il a alors répondu qu’il était à Kindia. Donc, comme je ne savais pas où il habitait, j’étais obligée d’appeler ma coépouse pour qu’elle m’indique la maison. C’était un dimanche. Le lendemain, lundi, mon mari est rentré à la maison. Après avoir dîner, il m’a convoqué dans sa chambre avec mes deux enfants. Puis, il m’a dit qu’il m’informe que ma fille est en mal avec les voisins. Mais que je suis au courant de ce qui se passe. Pour moi, ma fille a volé ou autre chose parce que ça faisait deux ans que je n’avais pas vu ma fille. Il me dit que ma fille de 10 ans est sorcière et qu’elle m’a appris également la sorcellerie. Que je suis au courant de ce qui se passe ici. Tellement que j’étais bouleversée et étonnée de ses accusations contre ma fille et moi, j’ai rétorqué que je n’ai pas encore été bien initiée dans la sorcellerie. J’étais furieuse à tel point que j’ai pleuré avant de transpirer de colère. Et ce jour-là, j’ai passé toute la nuit à pleurer », a expliqué la pauvre dame.

Ainsi, le lendemain, le mari a envoyé Fatoumata Lamarana Bah chez un guérisseur. « Mon mari a dit qu’il va m’envoyer chez un guérisseur pour que j’avoue et que je reconnaisse ma sorcellerie avec mes enfants, et j’ai dit d’accord. Donc, un mercredi, cette dame du nom de Saran Mara, une voisine de mon mari qui prétend être une guérisseuse, a accusé ma fille et moi d’être des sorcières. Et, c’est ce jour qu’ils m’ont séquestré et m’ont enfermé avec ma fille dans une des chambres de la maison de ma coépouse au quartier Dondolikhouré, dans Sanoya. Mon mari et la guérisseuse nous ont maltraitées durant deux semaines. Cette femme nous a ligotées avec une chaîne en complicité avec mon mari. Elle nous battait avec le balai et une machette pendant deux semaines. Ils nous ont rasées les têtes toutes les deux, sans eau. Ils ont insisté qu’on reconnaisse ou qu’on avoue que nous sommes des sorcières. J’ai dit, que je ne vais jamais reconnaître, ni accepter ce que je ne suis pas. Parfois, quand ils sont désespérés, ils négocient pour qu’on cède. C’est dans cette torture qu’un doigt (le pouce) de ma main droite a été fracturé à cause des attaches avec la chaine. J’ai eu des bleus et des blessures partout sur mon corps. Tout comme ma fille. Bien que j’avais les pieds et les mains attachés, je priais là où j’étais couchée, sans le voile sur la tête pour implorer la grâce du créateur. Le pire dans tout ceci, la seule chose que ma coépouse Fatoumata Tata Bah a eu à dire est que je suis responsable de ce qui m’arrive. Pourquoi ne pas avouer ma sorcellerie pour qu’on me libère. Donc, c’est ce qui me pousse à dire qu’elle est en complicité avec mon mari et cette dame. Sinon, elle allait s’opposer à ce qu’on nous maltraite dans sa maison. La nommée Saran Mara est venue avec une potion d’eau dans une bouteille et trois graines de tamarin, en disant que ma fille et moi, nous avions envoyé ça dans la maison pour ensorceler ma coépouse et ses enfants. Et elle a insisté pour que je boive cette eau et que j’avale ces graines. Selon la guérisseuse, la bouteille d’eau contient du sang humain. Mais, comme je sais que je suis innocente, j’ai bu et avalé les graines, en présence de mon mari qui m’accablait d’injures. Il n’avait aucune compassion, ni de la pitié pour mon enfant et moi », a-t-elle expliqué.

Mme Fatoumata Lamarana Bah et sa fille

Finalement, grâce à sa famille, Mme Fatoumata Lamarana Bah parviendra à se libérer des griffes de son mari et de la guérisseuse. « C’est après toutes sortes de violences que j’ai essayé de récupérer mon téléphone avec mon mari. J’ai appelé ma nièce Kadiata Bah pour lui dire d’informer sa maman de venir d’urgence chez mon mari. Finalement, c’est ma nièce qui est venue parce que ma sœur était en déplacement. Et, comme elle m’a trouvé dans une situation très grave, elle a immédiatement informé ma famille qui a fait le nécessaire en m’envoyant à l’hôpital. Mais, ce sont les autorités de Dubréka qui nous ont dirigé, le samedi 23 septembre, vers l’hôpital Ignace Deen où j’ai fait des examens avant de bénéficier de soins », a-t-elle fait savoir.

Pour ce qui est de ce qu’elle a subi, la suppliciée dit ne pas être prête à pardonner. « Actuellement, mon mari, Abdoulaye Bobodi Bah, chauffeur de profession, et la nommée Saran Mara, la guérisseuse, sont dans les mains des autorités à Dubréka. Aujourd’hui, j’ai très mal sur le plan physique et moral. Surtout que ce que je vis aujourd’hui est causé par mon mari, le père de mes deux enfants (Hadja Mariama Saran Bah et Amadou Oury Bah), avec qui j’ai partagé douze (12) ans de ma vie, en complicité avec sa deuxième femme, et leur soi-disant guérisseuse. Qu’ils me séquestrent et me maltraitent avec ma fille durant deux semaines jusqu’à ce que j’ai une fracture, c’est une chose que je ne pardonnerai jamais au père de mes enfants. Je demande aux autorités, aux ONG qui luttent pour la défense des droits humains, de se saisir du dossier et de faire en sorte que toutes les personnes impliquées dans cette affaire soient punies à la hauteur de leur forfaiture par la justice. J’ai enduré et pardonné pendant 12 ans. J’ai tout supporté de lui parce que je disais que c’est le père de mes enfants, j’ai été tolérante et patiente. Mais, ce que je viens de subir de leur part est impardonnable. Malgré la situation que je vis aujourd’hui, aucun membre de sa famille n’est venu me rendre visite ni prendre de mes nouvelles, ni compatir à ma douleur. Ils ont voulu me tuer avec ma fille pour une futilité… ».

Entretien réalisée par Fatoumata Diouldé Diallo pour Guineematin.com

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