Conakry : le policier, le faux passeport et les empreintes digitales de 42 enfants au tribunal

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Un policier du nom de Moussa Tawel Camara est jugé au tribunal de Mafanco pour faux et usage de faux. Il lui est reproché d’avoir photographié et prélevé les empreintes digitales de 42 enfants, pendant qu’il était bénévole en 2014 au Ministère de la Sécurité et de la Protection civile. Ces empreintes, déjà enregistrées et utilisées pour confectionner des passeports à tierces personnes, ont créé de nombreux ennuis dans le processus. Le parquet a requis sa condamnation à 5 ans d’emprisonnement et au paiement d’une amende de 300 millions GNF.

Selon des informations recueillies par un reporter de Guineematin.com, Moussa Tawel Camara était en service au Ministère de la Sécurité et de la Protection civile en 2014. Il est accusé de s’être rendu au quartier Yimbaya, dans la commune de Matoto, pour photographier et prendre les empreintes digitales de 42 enfants, des mineurs. Quelque temps après, une des victimes, en l’occurrence Moussa Sylla a obtenu son brevet. Ayant voulu confectionner un passeport au Ministère de la sécurité, on lui fait savoir que ses empreintes digitales y sont déjà enregistrées.

En revenant vers Moussa Tawel Camara, qui l’avait photographié, il explique son étonnement. Ce dernier lui promet un passeport qui sera confectionné quelques semaines après. Mais ce passeport était un faux. C’est ainsi que Moussa Sylla va transmettre l’information aux 42 jeunes qui avaient été photographiés en 2014. Ces derniers sont allés vérifier au Ministère de la sécurité où ils ont trouvé que leurs photos et empreintes sont déjà enregistrées.

C’est ainsi qu’ils ont porté plainte contre Moussa Tawel Camara, interpellé, inculpé et placé sous mandat le 22 septembre 2022. Au cours des audiences précédentes, il a plaidé non coupable des faits mis à sa charge.

L’audience d’hier, jeudi 5 octobre 2023, a été consacrée aux réquisitions et plaidoiries.

Dans sa plaidoirie, maître Koikoi Guilavogui, qui défend les intérêts des parties civiles, a sollicité le paiement pour chacune des victimes de la somme de 500 millions de francs guinéens pour tous préjudices confondues. « Aujourd’hui, les 42 personnes ont déjà leurs empreintes dans le service des passeports du Ministère de la Sécurité. Moussa Tawel Camara a tenu compte de l’état d’ignorance des enfants pour faire le faux. Aujourd’hui, ce n’est même plus possible d’écraser ces empreintes sauf par décision du tribunal. Les enfants ont été victimes d’un état d’ignorance et de faiblesse. Ils ne savaient pas que cet acte allait leur porter un préjudice aussi énorme. C’est pourquoi, pour chacune de ces victimes, nous réclamons la somme de 500 millions de francs guinéens et que votre décision ordonne d’écraser les empreintes déjà enregistrées au niveau du service des passeports du Ministère de la Sécurité », a plaidé l’avocat.

De son côté, la procureure Elise Doua Guilavogui a requis une peine de 5 ans d’emprisonnement et le paiement d’une amende de 300 millions de francs guinéens contre le policier. « Le prévenu a abusé de l’état d’ignorance de ces jeunes. Leurs empreintes digitales ont été enregistrées dans les bases de données du Ministère de la sécurité. Il s’est permis de prendre l’empreinte de ces jeunes qui étaient en ce moment mineurs pour apposer cela sur les passeports d’autres personnes. L’ampleur de l’acte est que ces 42 personnes ne peuvent pas établir un passeport, pendant que leurs empreintes se trouvent enregistrées dans la base de données informatique du Ministère de la Sécurité. Je vous demande de le retenir dans les liens de la prévention. Pour la répression, vous le condamnerez à 5 ans d’emprisonnement et au paiement d’une amende de 300 millions de francs guinéens », a requis la représentante du Ministère public.

La défense quant à elle dénonce une procédure bâclée. Pour maître Sory Condé, l’enquête n’a pas été approfondie ; sinon, les vrais coupables auraient été interpellés. « Cette procédure a été bâclée. L’enquête n’a pas été approfondie. L’instruction de ce dossier n’a pas été approfondie. Moussa Tawel Camara est victime au même titre que les parties civiles. Cette affaire devait être remontée jusqu’au niveau du service informatique du Ministère de la Sécurité. Au moment des faits, mon client n’était pas photographe. Les faits se sont déroulés en 2014, alors que Moussa Tawel n’est devenu policier qu’en 2018. Les vrais coupables de cette infraction n’ont pas été interpellés. C’est pourquoi d’ailleurs nous avons des difficultés. Le photographe, l’informaticien et le policier qui était en service Mamadi Kourouma sont les véritables coupables dans cette affaire… Donc je vous prie de constater que l’enquête a été bâclée et de lui accorder de larges circonstances atténuantes, tout en le condamnant au temps qu’il a mis en prison », a plaidé maître Sory Condé.

 Le tribunal a mis l’affaire en délibéré. Sa décision sera rendue le 12 octobre 2023. Le policier, en détention préventive depuis le 22 septembre 2023, continue son séjour carcéral à la maison centrale.

Saïdou Hady Diallo pour Guineematin.com

Tél. : 620 589 527/664 413 227

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