Colloque international sur les défis du bilinguisme : voici les avis de certains experts

Louise Potiron, responsable projets à l’Institut français de Guinée

Comme annoncé dans une de nos précédentes dépêches, le ministère de l’enseignement pré-universitaire et de l’alphabétisation, à travers Morlaye Yattara, Inspecteur général de l’éducation, a procédé au lancement du colloque international sur les défis du bilinguisme dans les livres de jeunesse, ce mercredi 8 novembre 2023, à l’INRAP de Donka, à Conakry. A cette occasion, plusieurs experts sont intervenus pendant en marge de la rencontre.

C’est le cas de Mohamed Bintou Kéïta, le Directeur général de l’Institut recherche linguistique appliquée (IRLA), de Louise Potiron, la responsable projets à l’Institut français de Guinée et de Malick Bah, le Directeur général de l’Institut national de recherche et d’action pédagogiques (INRAP). L’équipe de Guineematin.com qui a couvert l’évènement vous propose l’intégralité de leurs messages.

Pour Mohamed Bintou Kéïta, représentant du Comité scientifique à ce colloque, par ailleurs DG de l’IRLA, son institution est le gardien du patrimoine linguistique guinéen.

Mohamed Bintou Keïta, Directeur général de l’IRLA

« Il faut savoir que l’IRLA est le gardien du patrimoine linguistique guinéen. L’institut de recherche que je dirige est un instrument technique de mise en œuvre de la politique linguistique de notre pays et a pour principal mission de contribuer à la promotion des langues guinéennes afin qu’elles deviennent des moyens de développement durable et partagé par toutes les populations guinéennes. L’IRLA est un partenaire privilégié des Éditions Ganndal. Le présent  colloque  se tiendra comme vous le saviez du 8 au 9 novembre en marge du salon international du livre des jeunesses de Conakry qui est prévu  du 8 au 11 novembre également. Les invités viennent de partout, de la France,  de l’Afrique et d’ailleurs, notamment  de Madagascar avec une cinquantaine de participants de tous les profits ciblés attendus », a expliqué M. Kéïta.

Par ailleurs, le DG de l’IRLA a précisé que toutes les orientations jugées favorables à la promotion des langues maternelles seront suivies.

Mohamed Bintou Keïta, Directeur général de l’IRLA

« Les orientations suivantes seront d’une manière générale poursuivies  lors du colloque: l’état des lieux des éditions  bilingues des livres de jeunesse, les politiques publiques du livre en faveur des langues nationales dans l’espace francophone au Sud du Sahara, la présentation et discussion d’expression réussie des productions et l’utilisation des livres jeunesses bilingues dans nos systèmes scolaires et extra-scolaires de quelques  pays ciblés. A savoir le Burkina Faso, Djibouti,  Niger, Madagascar,  Mali, Rwanda et Sénégal. Ensuite l’analyse et la catégorisation des approches de stratégie porteuses pour  développer en matière de production et de promotion du livre et de la lecture  dans nos langues nationales et du bilinguisme en particulier.  Nous aurons aussi  des échanges autour  des stratégies de coédition, co-production et Co diffusion des livres des jeunesses bilingues en particulier dans les pays partageant les mêmes langues nationales communes(…) et la formulation des recommandations pour le développement et la promotion des livres de jeunesse axée sur des approches de multilinguisme dans la zone considérée », a fait savoir ce haut responsable de l’éducation nationale.

De son côté, Louise Potiron, la responsable projets à l’Institut français de Guinée, affiche le soutien de son institution à la littérature jeunesse adaptée et particulièrement les éditions plurilingues.

Louise Potiron, responsable projets à l’Institut français de Guinée

« L’Institut français est heureux d’être porteur d’un projet dénommé ‘’ressources éducatives’’. Ce projet vise à valoriser de manière générale la littérature jeunesse en Afrique francophone subsaharienne et plus particulièrement en Guinée, considérée comme un pays locomotive de ce projet qui court jusqu’en 2025. Il a pour ambition de donner plus d’accès aux jeunes guinéens à la littérature jeunesse de qualité. Ce qui implique de regarder près quels sont les besoins pour répondre au mieux aux attentes des jeunes guinéens. La question du bilinguisme ou plurilinguisme est forcément lancinante dans un contexte multilingue comme la Guinée avec des résultats d’études du PASSEC qui ont montré d’accentuer et de favoriser les apprentissages de la lecture adaptée en langues nationales pour améliorer les apprentissages. Pour nous, il est tout à fait logique de soutenir une activité comme ce colloque. Et d’ailleurs, nous travaillons avec les éditeurs guinéens. On a mis un fonds qui soutient la littérature jeunesse adaptée. Et par là, on soutient particulièrement les éditions plurilingues.

La francophonie qui se veut être un espace culturel et linguistique ouvert et dynamique reste largement favorable à l’enseignement des langues maternelles et même étrangères pour donner plus de chance aux jeunes francophones les outils nécessaires de compétition et de valorisation dans un monde moderne. C’est du moins l’avis de la responsable projets à l’Institut français de Guinée.

« La francophonie est une grande famille qui, au-delà de la langue, promeut tout un partage de valeurs très humanistes. On est très attaché aux valeurs de la francophonie partage et transporte d’un pays à l’autre. Après l’idée c’est d’écouter les besoins des populations. Apparemment, à l’heure actuelle, il y a des besoins de réflexion qui sont menés sur cette question de multilinguisme  qui seraient plutôt, en effet, de valoriser les langues nationales pour faire le transfert le français qui est généralement la langue officielle. Mais une fois il y a ce mécanisme de passage d’une langue à l’autre qui est bien mis en place chez les élèves les plus âgés, forcément on devient ouvert à un tas de langues. On parle de langues nationales, on parle de langue française, par ce qu’on est dans un contexte guinéen. Et si on le met dans un contexte plus général, apprendre plusieurs langues, c’est aussi créer des compétences qui vont au-delà des langues nationales et du français et pourquoi ne pas apprendre l’anglais », a-t-elle dit.

Dans son discours de bienvenue aux participants, Malick Bah, le Directeur général de l’Institut national de recherche et d’action pédagogique (INRAP) a axé son intervention sur la nécessité de produire des supports de lecture de qualité pour les apprenants.

Malick Bah, Directeur Général de l’Institut national de recherche et d’action pédagogique (INRAP)

« Parmi les critères de qualité pour un apprentissage réussi figure en bonne place la mise à disposition des supports de lecture. Conscient de cette réalité, l’INRAP a produit des fiches pédagogiques d’utilisation des livres de jeunesse pour permettre aux enseignants de pourvoir développer chez les élèves des compétences indispensables que l’on peut  tirer de l’exploitation des livres de jeunesse. Des compétences portants sur le savoir observer l’image de la couverture d’un livre de jeunesse, le savoir classer les images selon l’ordre des actions développé dans le livre, le savoir inventé un récit par quelques phrases écrites pour chaque image,  le savoir écrit son propre récit, le savoir découvrir le texte, le  savoir indiquer les lieux indiqués dans le texte… Par rapport aux livres de jeunesse des expressions françaises,  les cadres de l’INRAP ont acquis des compétences nécessaires en matière de construction de modules de formation  de formateur et radiation de fiche pédagogique des livres de jeunesse. La première réflexion que nous menons aujourd’hui, c’est comment concevoir, produire et promouvoir des livres de lecture en langues locales ou en version bilingue à l’adresse des jeunes lecteurs débutants », a martelé le DG de l’INRAP, avant de soulever les préalables permettant d’introduire dans l’enseignement toute langue maternelle.

« Nous sommes conscient que les préalables avant qu’une nouvelle langue ne soit retenue comme une nouvelle langue d’enseignement dans le système scolaire et produire en même temps des supports didactiques et pédagogiques bilingues, il faut que des recherches sur le plan linguistique soient suffisamment menées. Il faut disposer d’une ressource documentaire suffisante dans le domaine littéraire et scientifique. Tout le ‘’défi du multilinguisme dans les livres de jeunesse en Afrique » thème de ce présent colloque. La deuxième réflexion que nous menons porte sur la cohabitation entre la langue une (langue maternelle) par rapport à la langue seconde. Est-ce que les programmes d’enseignement sont cloisonnés en langue une (1) et langue deux (2) ? A ce niveau le projet ELAN et d’autres expériences vont nous édifier. Comment s’effectue la convergence entre la langue une et la langue deux en situation de classe? Là également le projet ELAN et d’autres expérience vont nous édifier. Est-ce que la tendance est que la langue une soit comme une béquille à la langue  deux pour les premiers au niveau d’apprentissage ? Est-ce qu’il y a tendance que la langue une supplante la langue deux plus tard ?

Notre ministère vient de se doter d’un cadre d’orientation circulaire COC qui nous permettra de réviser l’ensemble des curricula du préscolaire en terminale. Dans ce COC, il est clairement mentionné que les langues ont un rôle primordial à jouer en ce qui concerne l’amélioration des apprentissages dans toutes les disciplines scolaires. Et donc, le perfectionnement du système éducatif guinéen en favorisant un enseignement adapté aux réalités socio-culturelles du pays. Ainsi les manuels scolaires et livres de jeunesse en langue nationale permettront aux apprenants à apprendre mieux la science,  la lecture, et  les traditions de leur pays qu’ils transmettront de génération en génération », a conclu Malick Bah.

Ce colloque de Conakry qui regroupe une soixantaine de participants se déroulera du 8 au 9 novembre 2023, en marge de la 7ème édition du salon international du livre en Guinée.

Fatoumata Diouldé Diallo et Abdallah BALDE pour Guineematin.com

Tél. : 628 08 98 45

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